Chapitre 4: Doran

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Au goût amer

Il était persuadé que le jour était tombé, que la nuit avait pris possession du monde bien qu'il ne puisse en être sûr sans regarder le ciel. Il ignorait si cela faisait des jours, des nuits ou bien les deux qu'il se trouvait tapis au fond de cette cellule désolée. Le jeune homme avait perdu la notion du temps, mais pas celle de l'espace toujours si exigüe. Il y avait en effet de quoi devenir claustrophobe...

Doran avait entendu sa sœur s'agiter pendant l'entretient qu'elle avait eu avec l'elfe et s'en était inquiété. Il avait alors essayé de la contacter mais les gardes ne s'étaient pas montrés enclins à cela. Crier à travers la prison n'avait sans doute pas été une bonne idée... Confiné au fond de sa cellule, tremblant pour une raison qu'il ignorait, il était contraint d'attendre que quelque chose survienne.

La solitude omniprésente venait se coller à sa peau comme des vêtements mouillés, ne lui laissant jamais le moindre instant de répit, tout juste un moment pour souffler. Elle revenait le hanter dans ses songes dès qu'il faisait mine de fermer les yeux et de s'endormir, lui hurlant d'une voix sourde sa présence comme l'aurait fait une vraie personne dont on ne parvenait pas à se débarrasser. La langueur acerbe à laquelle s'écoulaient les heures ne l'aidait pas à relativiser, pas plus qu'à oublier.

Impossible pour lui de se soustraire de cette étreinte doucereuse et oppressante.

Et depuis leur arrestation, le fait le plus déplorable était que personne n'était venu s'enquérir de leur état, que ce soit pour les nourrir ou leur donner à boire. Le jeune homme avait la gorge sèche comme du parchemin, déglutir lui était devenu douloureux et plus d'une fois sa tête l'avait tourné. En vérité, s'il restait assis, c'était surtout pour ne pas s'évanouir. Peut-être n'avait-il aussi plus la force de pouvoir se relever.

Il soupira de lassitude, songeant que cette situation n'était pas seulement la pire qu'il soit mais aussi la plus stupide possible. Car oui, cela relevait presque d'une mauvaise plaisanterie que de se faire prendre le seul jour où il venait dans la forêt. Foutue ironie de la vie. Hésitant, il trouva néanmoins en lui la force et le courage d'appeler :

— Assy ?

Sa voix buta sur les syllabes mais se répercuta néanmoins en de multiples et rauques échos dans l'ensemble de la vaste pièce, ressemblant davantage à des râles émanant d'une bête à l'agonie au-travers d'une caverne, mais ne trouva pas de réponse. Du moins, pas dans l'immédiat. Quelques secondes plus tard, la voix familière et attendue lui répondit non sans une pointe de sarcasme :

— Oui, qu'est-ce qu'il y a ? Tu t'inquiètes de savoir si je suis toujours là ? Eh bien il faut croire que oui, très cher frère, et ce pour encore un moment ! Ce n'est pas comme si je pouvais m'échapper !

Doran ébaucha un sourire rassuré à cette réponse, mais n'ajouta rien. Sa sœur allait bien, en dépit de l'animosité fulgurante qui transparaissait dans sa voix de cristal et qui était aussi tranchante que de l'acier fraîchement aiguisé. Assylana avait toujours été quelque peu rancunière, d'aussi loin qu'il se souvienne.

En ce qui le concernait, il était bien loin de pouvoir prétendre être au mieux de sa forme : une violente douleur lui tiraillait les côtes dès qu'il tentait de bouger. Peut-être ces dernières étaient-elles cassées, ce qui expliquerait sans problème la douleur qui l'accablait.

Pendant un moment, il lui avait été facile d'ignorer ce mal, mais à présent qu'il ne pouvait plus se soucier que de cela, il lui était très difficile de passer outre. Heureusement, le jeune homme ne crachait pas de sang, ce qui signifiait que cela aurait pu être pire. Mais dans tous les cas, cela aurait forcément pu être mieux...

Prisonnière des bois [SDA] - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant