Jusqu'à la fin de l'éternité
Haryane n'aurait pu trouver la nuit plus parfaite ni plus pure qu'en cet instant. Elle contemplait le ciel pailleté d'étoiles avec la crainte innocente d'être capable de s'y perdre, ou du moins d'y perdre l'âme. Le monde céleste paraissait si grand ! Couchée sur un voile si mince qu'elle pouvait sentir l'herbe lui piquer doucement le dos, elle n'avait cure ni de la nudité ni de la fraîcheur agréable de cette soirée. Toutefois, lorsque le vent se mit à souffler un peu plus durement, son corps plantureux se couvrit de légers frissons. Si elle les dédaigna avec un point d'honneur, ne souhaitant pas être troublée dans sa contemplation, ce ne fut pas le cas de son amant. Thranduil se leva et rabattit délicatement le voile sur elle, légèrement inquiet qu'elle puisse prendre froid.
Haryane détourna les yeux de la voûte céleste pour les poser sur le visage parfait de l'elfe, lui sourit, s'enveloppa dans la couverture de fortune et se releva. Elle avait une tête de moins que lui, ce qui lui conférait aux yeux du souverain un caractère fragile. Machinalement, le monarque de la forêt laissa ses mains s'élever à hauteur des hanches de la jeune femme qu'il attira vers lui non sans une certaine possessivité. Dire combien il aimait cette humaine était impossible, il aurait bien moins de mal à compter les étoiles qu'à décrire ses sentiments pour elle.
Quand on lui avait parlé de l'âme-sœur, de l'être qu'il aimerait plus que n'importe quoi sur cette terre, qu'il chérirait plus qu'un dragon n'adule son trésor, il n'y avait pas cru. Il était demeuré sceptique, jugeant impossible d'aimer quelque chose ou quelqu'un de cette manière. Et d'une certaine façon, il n'avait pas eu tort. Mais il avait été bien loin de s'imaginer jusqu'à quel point... Tenant son châle d'une main, Haryane fit glisser ses doigts dans la chevelure soyeuse de son amant dont le corps s'animait sous le feu d'une chaleur s'amplifiant chaque seconde un peu plus. La flamme du désir et de l'amour brûlait en lui avec une telle ardeur que s'en était presque effrayant. Ses frissons disparaissaient à mesure qu'elle collait son corps à celui de Thranduil, qu'elle sentait sa chaude respiration emplir ses narines et effleurer son visage en une infime sensation de caresse, qu'elle voyait ses yeux réchauffer les profondeurs les plus insondables de son âme.
Avant de le rencontrer, l'amour n'avait eu qu'un sens très vague à ses yeux. Pour elle, ce sentiment n'était reconnaissable que par une chose : la douleur ressentie lorsque l'on perdait quelque chose ou quelqu'un. Si s'en retrouver privé ne laissait place à aucun chagrin, aucune douleur, alors ce n'était pas de l'amour ni même une vague affection. Rien de plus qu'un vide à combler avec autre chose. Le souverain baissa quelque peu la tête et s'empara des lèvres de sa bien-aimée en un baiser, d'abord chaste et doux puis avide et fougueux. Haryane enlaça son amant, l'entourant à son tour du voile vaporeux, le coupant d'une manière symbolique du reste de la forêt d'une manière signifiant ostensiblement qu'il lui appartenait. Elle sentait la prise de Thranduil se raffermir sur son corps, et son désir de la faire sienne pulser dans ses veines comme si cela avait toujours fait partie de son sang.
Ils redécouvraient leur corps respectifs, appréciant la finesse, la beauté et la maîtrise de la nature lorsqu'elle les avait façonnés de façon à ce qu'ils puissent se correspondre. Les doigts d'Haryane glissaient sur la peau lisse du souverain tandis que sa bouche la couvrait de baisers. Lentement, avec délicatesse, il la fit basculer sur le sol sans cesser de la tenir, sans quitter ce corps si parfait à ses yeux. Et le ciel au-dessus d'eux, dans son immensité infinie, accueillit avec bienveillance cette union humaine et elfique, gratifiant leur étreinte amoureuse et passionnée d'une surbrillance de ses étoiles le temps de leur jouissance commune.
Quand bien même son amour pour le ciel n'avait-il pas d'équivalence, son visage ne pouvait plus se détourner de Thranduil. Bien qu'épuisée de leur ébat, Haryane ne pouvait se résoudre à fermer les yeux et soustraire de sa vue l'homme qu'elle aimait jusqu'à l'aliénation. Même si elle ne le lui avait jamais confié explicitement, la jeune femme redoutait le jour où elle finirait par le quitter, car il était clair que cela finirait par arriver un jour où l'autre. Elle se haïssait déjà d'avoir à l'abandonner, elle ne désirait pour rien au monde causer sa tristesse. Mue par cette crainte encore lointaine, elle entrelaça ses doigts à ceux de Thranduil qui scrutait le ciel à son tour. Cette marque soudaine et inattendue lui valut son attention et son inquiétude.
— Que t'arrive-t-il, amour ?
— Rien qui puisse t'inquiéter, ne t'en fais pas, assura-t-elle avec un sourire.
De peur qu'il conteste peut-être ses paroles, Haryane se coula contre lui et l'embrassa afin de dissiper ses craintes, puis posa la tête sur sa poitrine d'où elle pouvait entendre battre le cœur de son amant. Un coeur qui battrait à jamais. Leurs yeux se reportèrent vers les cieux chatoyant, porteurs d'espoir et d'avenir. Le temps semblait n'avoir plus aucune espèce de sens durant ces instants qu'ils souhaitaient l'un et l'autre voir perdurer pour toujours. Et la forêt, qui les environnait à chacune de leur rencontre, n'était jamais plus belle que sous les rayonnements bleutés de la nuit, sous la pâleur froide mais magnifique de la lune. Les bois regorgeant de vie laissaient entendre l'orchestre de la nature tout autour d'eux, la symphonie des animaux et le chant des insectes comme une bénédiction. Haryane chérissait ces instants autant que pouvait le faire Thranduil.
— Je t'aime Thranduil, murmura-t-elle.
— Moi aussi, Haryane, répondit-il en souriant. Pour cette nuit et toutes celles qui nous restent à vivre ensemble.
— Cesseras-tu donc de m'aimer le jour où j'aurais disparu ?
Ses mots firent se crisper le monarque de la forêt, mais il décida de ne pas penser à ce dur moment ce soir-là. Si son aimée avait toujours eu pleinement conscience de son caractère éphémère, lui-même n'y pensait jamais. Et si elle devrait effectivement le laisser un jour, mieux valait l'assurer de son amour dès qu'il en avait l'occasion.
— Je ne cesserai jamais de t'aimer, Haryane, assura-t-il avec conviction.
— Qu'est-ce qui permet de l'affirmer avec une telle certitude, amour ?
Thranduil se tourna vers elle, plongea son intense regard dans le sien et lui promit :
— Même lorsque le ciel aura perdu chacune de ses étoiles que tu aimes tant, je continuerai de t'aimer. Le jour où l'Amour lui-même aura oublié comment se manifester chez un être, je lui rappellerai ton nom, évoquerai tes traits et raviverai ton âme pour qu'il s'en souvienne, et peut-être t'aimera-t-il aussi. Haryane, il n'existera jamais aucune mesure pour évaluer les sentiments qui grandissent en moi chaque jour un peu plus à ton encontre. Et le fait que tu viennes un jour à mourir ne fait que renforcer ces émotions vives et brûlantes qui me consument corps et âme.
Haryane sourit avec sincérité mais ne put retenir les larmes qui perlaient à ses yeux. De joie ou de chagrin, ces larmes qui coulaient lentement le long de ses joues étaient bel et bien représentatives de son attachement pour Thranduil, si bien qu'elle trouva en elle le courage de prononcer ces paroles :
— Et je t'aimerai pour ma part jusqu'à la fin de l'éternité.
Cette nuit-là, plus que toutes les autres, resta à jamais gravée dans leur mémoire. Même le temps ne sut jamais triompher de ces souvenirs et de ces moments qu'ils avaient partagés...
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Prisonnière des bois [SDA] - Terminée
FanfictionLe roi Thranduil a autorisé les hommes à s'installer dans une partie de la forêt à la condition qu'ils se plient aux exigences et aux règles que le souverain a imposées : payer un impôt annuel et ne jamais dépasser les frontières. Mais les bois sont...