Une phrase de trop
Cela faisait une semaine que les elfes étaient venus au village faire part de l'annonce de leur souverain. La réaction des villageois avait été partagée entre la colère fulgurante et la passivité déconcertante. Certains avaient estimé être pour quelque chose, là-dedans. La culpabilité, la compassion mais surtout et avant tout la complicité les avaient empêchés de vouer une haine certaine aux Castelbois et de se ranger du côté adverse. Leur conscience aurait été trop lourde, dans le cas contraire, trop pesante.
Mais cette même vague notion de conscience n'était pas autant présente chez tout le monde. D'autres s'étaient au contraire montrés plus violents, trop heureux et trop soulagés de pouvoir avoir quelqu'un à qui faire porter le chapeau de leur malheur – puisqu'il fallait forcément que celui-ci ait un nom. La jalousie y était peut-être également pour quelque chose, mais d'une façon plus implicite, plus ténue mais non moins odieuse.
Le village était bien plus divisé qu'il ne l'était par le passé. Entre ceux qui cautionnaient et soutenaient et ceux qui réclamaient réparation et vengeance, les regards que les uns lançaient aux autres étaient bien plus menaçants que la foudre déchirant le ciel lors d'un orage. On s'était mis à craindre un ami ou, au contraire, à se voir tendre la main à quelqu'un que l'on avait détesté voilà deux jours.
La moindre pensée respirait la mort, et le moindre faux pas suffirait à servir d'excuse à provoquer une bagarre, des règlements de compte douloureux sur tous les plans. Aussi, chacun s'efforçait au mieux de contrôler le moindre de ses faits et de ses gestes de peur d'être à l'origine d'un bain de sang et d'avoir à en subir les conséquences. Une attitude sage et raisonnée, en soi. Mais... un doute persistait néanmoins. Qu'est-ce qui avait encore une once de raison, dans le peu que l'on pouvait encore accomplir ?
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La taverne de Florent était l'édifice le plus grand que l'on puisse trouver au village ; un lieu de rendez-vous pour tout le monde, le seul et unique endroit où il était possible de dénicher de l'alcool, bien qu'en trop moindre quantité pour se saouler efficacement. L'ambiance n'était jamais réellement noire en ce lieu, il y avait toujours quelqu'un pour raconter une bonne histoire au coin du feu, qu'il s'agisse d'un récit d'expérience ou d'une simple légende transmise par ses aïeux.
Le silence ne régnait par conséquent jamais vraiment au sein de de la taverne – ce refuge de l'âme où le corps se reposait – même si dire que cela était le cas de la joie serait mentir. Cela s'apparentait plus à une halte autour d'un feu au cours d'un long trajet sombre, au bout duquel attendait une tragédie qui n'avait pas encore de nom. C'était voler un peu de bonheur à ceux qui, avant eux, en avaient laissé soit volontairement, soit par mégarde.
Mais les derniers événements avaient réduit à un nombre bien trop proche de zéro les histoires que l'on pouvait s'échanger entre deux bières ou choppes d'hydromel... Le feu était mort bien avant que la halte ne prenne fin, et il semblait que ceux qui avaient abandonné du bonheur derrière eux s'en soient rendu compte et aient rebroussé pour le récupérer...
Florent faisait partie de ces individus qui soutenaient la famille de Luthan, appréciant les nombreuses plantes que lui rapportait Assylana pour la confection de ses mets. Et, d'un point de vue plus général, il s'était pris d'affection pour les enfants Castelbois. Ainsi, par réaction de cause à effet, il avait donc, à la demande de Morna, accepté sans problème que la fille aînée de cette dernière puisse travailler dans sa taverne en tant que serveuse.
Si la jeune femme n'avait pas été très enthousiaste à l'idée d'endosser une robe trop serrée pour laisser place à l'imagination et de porter un plateau à bout de bras à longueur de journée, son géniteur ne lui avait guère laissé le choix, coupant court à toute discussion avant même que celle-ci n'ait commencé. De plus, il était judicieux d'attendre que les tensions s'apaisent au sein du village et que la vigilance retombe avant de retenter quoique ce soit – ça, Assylana l'avait bien compris.
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Prisonnière des bois [SDA] - Terminée
FanfictionLe roi Thranduil a autorisé les hommes à s'installer dans une partie de la forêt à la condition qu'ils se plient aux exigences et aux règles que le souverain a imposées : payer un impôt annuel et ne jamais dépasser les frontières. Mais les bois sont...