Chapitre 24: Legolas

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Révélations.

Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas retrouvé seul, à l'écart de tous et toutes. Il avait oublié les multiples avantages que cela comportait, comme celui de pouvoir réfléchir à loisir à tout ce qu'il voulait sans être interrompu, par exemple. La quiétude des jardins intérieurs lui paraissait incroyable tant il avait été tenu à l'écart de ce à quoi elle ressemblait. Depuis combien de temps n'était-il pas revenu ici ? Sans doute trop. Le prince pouvait contempler à loisir l'herbe verte, fraîche et moelleuse croître sous ses pieds et les arbres revêtir des couleurs nuancées.

Bien que la forêt recèle elle aussi de beauté, celle-ci était différente. Le charme sauvage n'avait pas autant de finesse que celui des jardins, il ne soulignait pas avec minutie les attraits des senteurs, la variété couleurs et la complexité des formes. Les bois étaient souillés jusque dans leurs racines les plus profondes par la noirceur des araignées, pollués par le sang des elfes et celui des créatures des ténèbres. Tous les attraits de la forêt s'étaient ternis, estompés peu à peu jusqu'à disparaître complètement... La majesté des millénaires n'était plus.

Legolas ferma les yeux et s'imprégna des fragrances de l'endroit, si odorantes qu'elles en semblaient artificielles, les inspirant à pleins poumons tout en se laissant aller contre le tronc d'un arbre avec bonheur. Il revoyait danser derrière ses paupières closes des formes vaguement humanoïdes auquel il ne pouvait associer aucun visage, aucun nom. Il n'entendait que le son du silence qui l'environnait, ne voyait que le monde de ses souvenirs reprendre vie. Durant un instant si pur et si cher qu'il n'avait pas de prix, le prince eut l'impression de réellement réussir se soustraire du temps et de l'espace, comme s'il contemplait l'un et l'autre depuis un lieu au-dessus de tout ceci, d'une place forte qui n'avait pas d'adresse, pas de forme. Inconsciemment, ses doigts glissèrent vers ses poches où il sentit le renflement d'un feuillet, soigneusement plié. La missive d'Assylana.

Sans ouvrir les yeux, l'ellon laissa son esprit vagabonder vers les portraits mentaux qu'il avait faits de la jeune femme, de son humanité. La chasseresse appartenait à la forêt, elle avait par conséquent sa beauté sauvage et indomptable, insaisissable. Il avait trop souvent tendance à oublier qu'à la différence de son peuple, les humains ne faisaient qu'emprunter le temps. Il avait encore du mal à se dire que la vie, chez eux, ne circulait pas dans leurs veines de la même manière que dans les siennes, qu'elle avait le prix non négociable de la mort. Et cet échange, aussi inéquitable soit-il, était irréversible depuis la nuit des temps. L'héritier de Thranduil commençait doucement à concevoir la haine de son père, car il savait que quoiqu'il arrive, le destin resterait inchangé. L'impuissance était le pire des fléaux. Qu'y avait-il de plus douloureux que d'échouer à protéger ceux que l'on aime ? Cette simple pensée suffit à le faire frissonner et il ouvrit les yeux brutalement. Méridiel avait donc raison ? Devenait-il réellement aussi sombre que son géniteur ? Si c'était le cas, il devrait se surveiller avec une vigilance accrue.

En parlant de Méridiel, celle-ci venait justement le rejoindre. Sa venue ne le gêna pas. Si voilà quelques secondes, il aurait été déçu de ne pas pouvoir jouir de plus de solitude, il était à présent soulagé de savoir qu'il pourrait penser à autre chose qu'à ses états d'âme. Cependant, la jeune elleth avait une mine sombre et ses yeux semblaient éviter tout contact visuel avec lui. Méridiel, d'ordinaire si ouverte et si lumineuse, donnait à voir un reflet totalement imprévisible d'elle-même. Legolas, troublé par ce comportement, la suivit du regard tandis qu'elle prenait place devant lui, pas tout à fait en face, toutefois. Sans cesser de garder la tête baissée, les genoux ramenés contre sa poitrine, Méridiel ne cessait de murmurer des paroles inintelligibles pour l'oreille du prince.

— Si vous avez besoin de vous confier, je suis à votre écoute, fit-il savoir après un temps.

— N'inversez pas les rôles s'il vous plaît, grogna l'elleth en se redressant, tâchant vaille que vaille de reprendre contenance. Vous êtes celui qui a besoin d'aide et moi qui suis là pour vous aider à résoudre vos problèmes, non l'inverse.

Prisonnière des bois [SDA] - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant