Chapitre 2

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« C'est haut... C'est vraiment super haut... »

J'étais assis sur la rambarde du balcon au quatrième étage alors bien sûr que c'était haut, mais étrangement je n'avais pas peur, bien au contraire, c'était comme si une force surnaturelle m'attirait inexorablement vers le sol.

L'air était froid, presque glaciale en cette nuit de décembre. Les étoiles avaient disparues depuis environ une heure, cachées derrière d'épais nuages apportant probablement de la pluie encore une fois depuis le début de la semaine.

Derrière moi, même avec la baie vitré à demi fermée, je pouvais entendre la musique et les rires provenant du salon de l'appartement dans lequel je me trouvais. Ils avaient l'air de bien tous s'amuser, mais moi je n'arrivais pas à me plonger dans la fête, à rire avec eux, je voulais juste sombrer une bonne fois pour toute dans les abysses et ne plus jamais en ressortir. Aussi longtemps que je m'en souvienne, cette envie avait toujours été en moi. C'était comme si elle était une part de moi et que sans elle, je me sentirais bien vide.

Je poussai un profond soupire en tirant sur mon joint, la tête levée vers le ciel. Voilà à quoi se résumait ma vie : à essayer de ne plus rien ressentir et à me droguer, enfin... surtout me à droguer, ça aussi c'était une deuxième nature chez moi. Je savais que j'étais accro mais je m'en fichais pas mal, au moins j'en avais conscience et c'était déjà un bon début. De toute façon, au point où j'en étais plus rien n'avait d'importance. Je savais aussi que c'était mal, que je mettais ma vie en danger quotidiennement, que je bousillais mon cerveau à chaque rail de coke, mais je ne voulais pas arrêter, surtout je ne pouvais pas, je ne pouvais plus, c'était beaucoup trop tard désormais.

Quand je prenais de la drogue, - et je les avais presque toutes essayées - , je ressentais une certaine liberté, je ne ressentais que du bien-être, plus rien ne pouvait m'atteindre dans ces moments là. En prendre me soulageait presque instantanément, ma douleur morale disparaissait, j'allais mieux, enfin, j'avais surtout l'illusion d'aller mieux et c'était la seule chose que je souhaitais.

Le retour à la réalité était à chaque fois brutal, alors je reprenais un peu de cette poudre magique qui me faisait tant de bien et je pouvais dire au revoir à cette douleur durant plusieurs heures. Je gelais mes émotions en sachant que ce n'était pas la meilleure des solutions, et la vie était alors plus belle. Il me suffisait de monter un mur de pierre entre mon cœur et ma souffrance pour que tout soit plus vivant autour de moi. Après avoir pris celle qui partageait ma vie depuis bientôt sept ans, je me sentais divinement bien et je pouvais tout prendre du bon côté même quand les circonstances ne le permettaient pas.

Désormais je ne pouvais plus m'en passer. Est-ce que c'était mal ? Sûrement oui, mais ça me faisait une belle jambe. J'en avais trop besoin pour essayer de m'en sortir. Ma vie ne tournait plus qu'autour de ça.

Du coin de l'œil, je vis une masse s'appuyer sur la rambarde du balcon pour me regarder. J'expirai lentement ma fumée pour regarder à mon tour l'homme à ma droite qui affichait un air grave. Avant même que la conversation ne commence, elle me saoulait déjà, super.

« Qu'est ce que tu veux *...* ?

- Essayer de te faire arrêter cette merde.

- Je n'ai pas besoin de ton aide et je t'ai déjà dis qu'arrêter ne faisait pas partie de mes projets.

- *...* tu as besoin d'aide... Tu ne peux pas continuer à faire ça. Tu es en train de bousiller ta vie. »

Je ne répondis pas. Au fond de moi, je savais qu'il avait raison mais jamais je ne l'avouerais devant lui, ni devant personne d'autre. Il se mit à soupirer en se frottant les tempes. À ce geste, je savais qu'il était agacé, mais pourquoi m'en soucier ? Après tout, j'avais été clair dès le début de leurs tentatives répétées pour me sortir de là. Je voulais qu'ils cessent tous, ils le savaient, alors à quoi bon continuer d'essayer ? Ils s'agaçaient eux même et m'agaçait également par la même occasion, on perdait tous notre temps dans cette histoire. Je ne ressentais même pas de la tristesse ou de la honte, je ne m'en voulais même pas ! Peut-être que j'étais un monstre après tout.

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