Chapitre 1

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// Point de vue de Bridger //

« Tata tata tata tata tata !! »

Anna et moi étions dans la cuisine en train de préparer le petit-déjeuner pour tout le monde. Anna était à la découpe des fruits et moi au lancé de crêpes au dessus de la poêle. Kris venait tout juste de partir en courant chercher Camille qui n'était toujours pas levée.

« Il est déjà en pleine forme dis donc.

- Oh, avec lui, je ne suis pas certaine qu'un jour, il ne soit pas en forme ! Même le jour où il sera malade !

- Tu n'as pas tort ! »

Elle avait totalement raison, matin, midi et soir, Kris était une boule d'énergie qui n'avait de cesse de courir partout, de jouer, de danser et parfois même de crier. Cependant, ce matin même fut différent des autres, Kris revint dans la cuisine tout penaud avec une mine boudeuse et triste.

« Qu'est-ce que tu as mon trésor ?

- Tata Camille n'est pas là. Elle avait promis qu'on irait ensemble à son travail aujourd'hui ! Elle a menti ! »

Anna se tourna vers moi et fronça légèrement les sourcils en me faisant un léger signe de tête.

« Elle est peut-être à la douche. Tonton va aller voir. D'accord ? »

Je reposai ma tasse de café sur le plan de travail et me tournai vers elle en hochant la tête. En sortant de la cuisine, j'entendis Kris commencer à renifler. Normalement, à cette heure-là, Camille était déjà debout. Elle était même, en général, la première levée. De plus, Camille n'aurait jamais raté cette journée en tête à tête avec Kris, elle ne l'aurait même pas oublié. Elle et Kris n'avaient fait qu'en parler depuis quasiment plus d'une semaine.

L'un comme l'autre se faisaient une joie de passer la journée ensemble à l'animalerie. Le programme de la journée avait même été planifié entre eux le jour même où Camille avait eu l'autorisation d'emmener Kris à son travail.

Je toquai à la porte de Camille en arrivant devant sa chambre, Kris l'avait laissé entre-ouverte en retournant dans la cuisine, mais je préférai avertir de ma présence ma jeune amie. Après tout, elle pouvait à tout moment sortir de la douche.

Malgré ça, je n'eus aucune réponse de la part de Camille, alors je me décidai à entrer dans sa chambre. Le lit était à demi défait, preuve qu'elle avait bien dormi ici, et qu'elle s'était s'en doute même levée. Sa peluche en forme de kangourou au mélange de vert d'eau et d'orange pastel était tombé par terre et ô grand jamais Camille ne l'aurait laissé par terre en partant. Il était bien trop précieux à ses yeux.C'était son petit Jacy à elle.

Son uniforme était encore accroché au cintre posé sur la porte de son armoire. Elle n'était donc pas partie au travail. Elle avait d'autres uniformes certes, mais je les avais tous étendus hier soir avant d'aller me coucher, elle n'avait donc pas pu les mettre aujourd'hui car ils étaient encore tous humides. J'avais même vérifié ce matin en prenant une de mes paires de chaussettes. 

En regardant vers sa salle de bain, je remarquai que la porte était ouverte. Je n'entendais également aucun bruit provenant de la pièce. Il n'y avait même pas un peu de buée qui s'échappait par la porte.

« Camille ? Tu es là ? »

Je passai la tête à l'intérieur de la salle de bain en ouvrant légèrement un œil pour être sûr de pouvoir le refermer rapidement si jamais Camille était présente sous la douche, mais là aussi, Camille n'était pas là. La salle de bain était vide. Il y avait encore son petit shampoing à la fraise ouvert sur le rebord de la douche. Son morceau de salon solide à la camomille était également posé sur le porte savon et il semblait être tout sec. Camille n'avait donc pas pris de douche ce matin, et ça non plus, ce n'était pas dans ses habitudes. 

Mais où était-elle passé bon sang...

Je retournai dans la chambre et ramassai Jacy qui était encore sur le sol. Il me regardait avec ses deux gros énormes yeux noirs, comme s'il attendait que je parle.

« Alors mon grand... Sais-tu où est ta Maîtresse... ? »

Sans grande surprise, le petit kangourou ne me répondit pas. C'était trop beau pour être vrai. Même dans un monde aussi étrange que celui-là, voir une peluche parlait serait... beaucoup trop étrange...Ce serait la goute d'eau qui aurait fait déborder le vase.

Je reposai soigneusement Jacy entre les coussins du lit, à l'endroit exact où Camille le posait chaque matin à son réveil après l'avoir gardé toute la nuit dans ses bras. J'en profitai également pour refaire son lit, le voir ainsi lui ferait certainement plaisir quand elle rentrerait.

Si elle rentrait un jour...

Je secouai la tête pour faire taire cette petite voix intérieure qui ne cessait de crier depuis dix minutes que Camille ne reviendrait jamais, qu'elle était partie, définitivement. Cette idée déclencha en moi une crise d'angoisse.

Je ne voulais pas que Camille disparaisse, je ne voulais pas la perdre. Je l'aimais... Mais elle n'était pas là... Elle n'était plus là... Et je ne savais même pas où elle était...

Il n'y avait pas de mot, pas de lettre, pas de signe, rien, juste un lit défait et un kangourou renversé sur le sol. Il n'y avait pas de Camille.

Il y avait un uniforme sur l'armoire, une photo de nous quatre sur le bureau, mais il n'y avait pas de Camille.

Il y avait un savon tout sec dans une douche, des volets encore fermés et son petit bracelet de perles encore posé sur sa table de chevet.

Mais, il n'y avait plus de Camille.

Je m'assis sur le lit en me prenant la tête entre les mains. Les larmes ne tardèrent pas à monter. L'ignoble vérité ne cessait de se frayer un chemin jusqu'à ma tête alors que mon cœur ne faisait qu'essayer de la repousser de toutes ses forces. Pourtant... Elle arrivait encore et encore à gagner du terrain.

Malgré le bourdonnement incessant qui hurlait dans mes oreilles, j'entendis au loin des pas dans le couloir. Je sentis quelques secondes plus tard ses mains sur les miennes. Elles étaient douces, comme celles de Camille...

Je relevai la tête en reniflant.

« Camille c'est toi ?

- Non Bridger... C'est moi... Anna...

- Elle n'est plus là... Je ne l'ai pas trouvé...

- Je sais Bridger... Je suis désolée... »

Elle s'assit à côté de moi et me prit dans ses bras. Je sentis des perles tomber peu à peu dans mes cheveux. Elle aussi pleurait. Elle aussi avait compris...

Nous avions tous les deux compris...

Camille ne reviendrait jamais...

Plus jamais...

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