Ethrian I - Tinuda

Acte I, scène 5.

Jaesa et Estebar.

Le Conseiller s'évertue à brosser son cheval dans les écuries, tandis que Jaesa y pénètre silencieusement, un panier d'osier à la main.

JAESA — Lord Estebar ?

ESTEBAR, sans se tourner — Princesse Jaessamine. Que faites-vous ici ? Êtes-vous au moins accompagnée ?

JAESA — J'ai réussi à semer mes suivantes dans un détour de l'aile ouest du Palais.

ESTEBAR, pose son seau d'eau au sol — Ce n'est pas très prudent, votre Altesse.

JAESA, renfrognée — Ce n'est pas vous qui êtes suivi à chacun de vos mouvements, où que vous alliez, et toute la journée. Ç'aurait été le cas, vous comprendriez.

ESTEBAR — Je ne doute pas de l'agacement causé, votre Altesse. Toutefois, ces temps-ci, le danger plane sur Ethrian. Si j'étais l'ennemi, c'est à vous que je m'en prendrais en premier.

JAESA, bougonne — Et pourquoi donc ?

ESTEBAR — Parce que sa Majesté tient à vous comme à la prunelle de ses yeux. Vous êtes sa dernière fille encore au Palais. Afin de le menacer, ce serait logique de débuter par vous. Puis, on s'en prendrait certainement au Prince héritier aussi.

JAESA, avec une moue disgracieuse — Vous avez vraiment tout prévu.

ESTEBAR — Envisagé serait le mot correct, votre Altesse. Mais, vous ne m'avez répondu. Que faites-vous là, seule qui plus est ?

JAESA, retrouve son sourire — Je vous ai apporté un petit quelque chose. Une surprise !

ESTEBAR — Une surprise ? Pour moi ? Qu'est-ce ?

JAESA — Je me doute que vous devez être affamé après votre long voyage. Zishao n'est pas réputé pour son bon accueil. Alors, voici un repas pour vous ravir la panse.

ESTEBAR — Oh ! que c'est aimable, votre Altesse. Vous n'auriez pas dû ! Est-ce vous qui l'avez préparé ?

JAESA, embarrassée — Serait-ce vraisemblable de vous répondre "oui" ?

ESTEBAR — Répliquez ce que vous souhaitez, je vous croirai toujours, votre Altesse.

JAESA, à part — Je...Ai-je bien entendu ?...Mon cœur fond, aidez-moi ! (à lui) Dans ce cas, je suis celle qui l'a préparé.

ESTEBAR — Je suis persuadé qu'il sera délicieux, votre Altesse.

JAESA , sous un ton de confidence — Cependant, les remerciements - si vous désirez en distribuer - se feront auprès de la Madame.

ESTEBAR — Ah ! vous n'avez guère changé Jaesa !

JAESA, à part — M'a t-il appelé "Jaesa" ? Je pense que mon esprit me joue des tours, mais mon nom entre ses lèvres glisse d'une extrême fluidité. D'ailleurs, il n'a jamais sonné aussi beau.

ESTEBAR — Avez-vous déjà soupé, votre Altesse ?

JAESA — N-Non, pas encore.

ESTEBAR — Me feriez-vous le privilège de partager ce panier en ma compagnie ?

JAESA, à part — Je vous assure que le privilège est mien, Lord Estebar. (rouge en s'adressant à lui) Devrais-je ?

ESTEBAR — Eh bien, ce panier est assez rempli. Je ne pourrais sûrement le finir. Il serait dommage de gâcher la nourriture de la Madame.

JAESA — Vous avez raison. Rendons hommage au travail de la Madame !

ESTEBAR — Parfait ! Trouvons-nous un endroit plus agréable que les écuries, voulez-vous.

Incapable de parler, la Princesse acquiesce et tente au moins de retenir les coins de ses lèvres qui s'allongent de leur propre chef.