Acte IV, scène 4.

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Jaesa, Estebar et un garde.


La Princesse se précipite laborieusement dans les couloirs du palais. Elle se rend au sous-sol où se tiennent les prisons.

JAESA Avouer ?... Avouer ?... Avouer quoi ?! Ah ! ils me fatiguent tous ! J'étais bien, j'étais sortie, j'avais vu autre chose que ces maudits murs pavés, j'ai rencontré un homme formidable, j'ai appris des choses sidérantes, j'étais contente. Alors, pourquoi ? Pourquoi diable vient-on gâcher ceci ?! (pleurnichant) Pourquoi ? (s'arrête brutalement de marcher) Une mère ? Est-ce réellement une mère ?! Je suis certaine qu'elle a tout inventé ! Elle me déteste tant, mais que lui ai-je fait ? (tape contre une paroi) Aie ! Fichtre ! Et diantre !

Elle reprend son chemin et arrive dans les cachots.

GARDE Votre Altesse, vous ne pouvez pas entrer. Ordre de sa Majesté.

JAESA, crie comme jamais auparavant — Et zut !!!

GARDE Eh bien,..

Elle le pousse sur le côté et passe. Elle parcourt les geôles presque vides de long en large.

ESTEBAR Votre Altesse ?

JAESA, à part — Je n'ai jamais eu semblable vision. Avachi dans une cellule, les cheveux en pagaille, on lui a même enlevé ses beaux vêtements. (tremblante) E-Estebar ? Est-ce que vous allez bien ?

ESTEBAR, à part — Que j'ai honte de me montrer à elle ainsi. Partez Princesse, partez. Ce n'est pas une maigre cellule qui va m'abattre, mais votre regard oui. (à elle) Je vais bien, votre Altesse.

Elle commence à s'abaisser à son niveau, mais ses jambes ne la soutiennent plus. Elle tombe à genoux.

JAESA Vo-Vous avez été victime d'un terrible complot, Lord Estebar.

ESTEBAR, dubitatif — De quel complot est-il question, votre Altesse ?

JAESA Ma mère, ma mère a... Elle vous a... Elle a menti ! Elle est celle qui vous a enfermé ici ! (furieuse) Je ne sais quelle est la raison, mais je vais exiger d'elle une explication et je vais vous sortir de là.

ESTEBAR Il est vrai que sans votre mère, je ne serais pas là, mais ne lui en voulez pas. Elle n'est pas le feu.

JAESA, pouffe — Alors qu'est-elle ?

ESTEBAR La poudre. J'y ai moi-même déposé les flammes. (s'approche d'elle et des barreaux) Ne rendez pas la situation plus compliquée qu'elle ne l'est déjà, votre Altesse. Je vais séjourner ici quelques temps, puis sa Majesté me libérera. Je serais sûrement envoyé loin, ou surveillé. Il est simplement mécontent et atteint dans sa fierté... De plus, cette cellule m'offre du repos et une pause dans mon travail. Je remercierais presque les Anges.

JAESA Ce n'est envers mon père que ma colère est dirigée, mais vers ma mère. Cette ogresse a fait croire que vous aviez avoué la faute ! Elle vous a piégé ! Selon elle et les faits qu'elle a reportés au Roi, vous m'aimez. Voilà pourquoi vous êtes enfermé !

ESTEBAR Elle ne m'a guère piégé, pas plus qu'elle n'a menti. Sa Majesté était présente lorsqu'elle m'a accusé. Elle n'aurait pas pu mentir. Elle m'a questionné : "est-ce que la rumeur est vraie" ; j'ai répondu "partiellement".

JAESA, faiblement — Partiellement ?

ESTEBAR Nous ne sommes pas amants. Mais je vous aime. (rieur) Je crois qu'il n'a point apprécié cet aveu !

JAESA, pitoyable — C'était une plaisanterie, n'est-ce pas ? L'Ancien aurait-il déteint sur vous ?!

ESTEBAR, gêné, se racle la gorge — Non, votre Altesse.

JAESA, éclate de rire — Mais qu'ai-je fait aux bons Anges ?! Fichtre ! Diantre ! Zut !!!

ESTEBAR Vous l'avez déjà dit tout à l'heure.

Elle lui lance un regard mauvais.

ESTEBAR Enfin, je-je vous ai entendu de-depuis...

Sans crier gare, elle le gifle à travers les barreaux.

ESTEBAR, penaud — V-Votre Altesse ?

JAESA - Idiot ! J'ai affaire à des idiots !

Elle se relève prestement et quitte les prisons à l'allure d'un cheval au galop et à l'état d'esprit d'un buffle.


Ethrian I - TinudaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant