Acte II, scène 1.

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Jaesa et la Reine-mère.


La brunette traîne les pieds et entre à contrecœur dans la chambre de sa mère.

JAESA, lasse — M'avez-vous faite quérir, votre Grâce ?

REINE-MÈRE Redresse tes épaules et tiens-toi droite ! J'ai l'impression d'être en présence d'une servante. Comment t-ont éduqué tes précepteurs ?!

JAESA Peut-être qu'ils m'ont mal enseignée, mais ils m'ont enseignée, contrairement à une certaine personne.

REINE-MÈRE Pardon ?!

JAESA Rien, mère. Pourquoi suis-je ici ? Il est tard et je souhaiterais me reposer.

REINE-MÈRE Il est certain que la journée a été éprouvante pour toi.

JAESA Qu'insinuez-vous par là ?

REINE-MÈRE Que quelques minutes auparavant, tu t'affichais avec le Conseiller de ton père. Ce doit être très épuisant, effectivement, de rire et de faire les yeux doux.

JAESA J'avais oublié que vous me faisiez espionner.

REINE-MÈRE Je ne t'espionne point, je te surveille !

JAESA Quelle est la différence ?

REINE-MÈRE, en colère — C'est que je dois continuellement connaître tes faits et gestes afin de te sauver du pétrin ! Des bruits s'élèvent déjà sur cet homme et toi. Si ton père les apprends, vous serez tous deux punis. Que se passe-t-il dans ta tête de moineau pour ne pas comprendre cela ? Désires-tu vraiment le condamner ?!

JAESA Nous avons dîné ! Quel est le mal ? J'avais faim, il avait faim, voilà tout !

REINE-MÈRE Je t'interdis de te moquer de moi, Jaessamine ! Vous êtes amants, tous le savent.

JAESA, offusquée — Je jure sur les Anges que ce n'est que mensonge !

REINE-MÈRE Insolente ! Comment oses-tu jurer sur le sacré ?! Tu mériterais une correction pour ce blasphème.

JAESA Croyez ce que vous voudrez. Moi, je sais la vérité. (sa voix se brise) Lord Estebar n'a pas plus d'affection pour moi qu'il en aurait pour un chien errant.

REINE-MÈRE Exactement ! Et il n'est guère digne de ton amour. Par ailleurs, de quel nature est-il ?

JAESA, revêche — Vous n'avez pas à empiéter sur ce sujet, mère.

REINE-MÈRE Petite impertinente ! Je ne pourrais t'aider si tu me caches certaines choses.

JAESA M'aider ?! Vous m'enfoncez davantage. Quoi qu'il en soit..! Mon estime pour Lord Estebar est tel que, la nuit, dans mes rêves harmonieux, je perçois de plaisantes boucles rousses et un regard d'océan qui me scrute. Je ne peux alors détourner mes yeux de son corps frêle, mince et tellement séduisant. Il me hante à chaque heure de ma vie.

REINE-MÈRE C'est bien ce que je pensais. Tu n'as qu'une attirance envers celui-là. Cela traversera vivement ton existence et bientôt, il ne sera qu'un lointain souvenir.

JAESA Non, mère. Depuis déjà plus de dix-sept longues années, je le croise tous les jours. Et je me dis toujours "pourrais-je me défaire de son emprise ?" ; la réponse me parait évidente. Jamais !

REINE-MÈRE, exaspérée — Qu'attends-tu de cette passion ?! Qu'est-ce que cela t'apportera ? Hormis de la douleur et beaucoup de souffrance !

JAESA Je veux me marier avec lui, mère.

Cette réplique jette un vent glacial dans la pièce. La Reine a les yeux grand ouverts et la Princesse ne sait plus où se mettre.

JAESA Ne vouliez-vous pas m'aider ? Pourriez-vous arranger cela pour moi, mère ?

REINE-MÈRE Effrontée ! (elle la gifle) Tais-toi et va-t'en !



Ethrian I - TinudaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant