Acte II, scène 2.

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Jaesa et la Madame.


La Princesse fuit dans les cuisines, en maugréant et en se frottant la joue.

MADAME Princesse Jaesa ! On dirait que vous vous êtes blessée. Vous seriez-vous prise un pilier à force de trop observer votre amour ?

JAESA Ce n'est pas drôle ! Arrête cela.

MADAME Ah, je sais ! Au vu de votre mine déçue, il s'est produit quelque chose pendant le dîner. Laissez-moi deviner ! Vous vous êtes endormie -d'où la trace sur votre visage- et vous avez manqué un moment avec le Lord.

JAESA Faux. Faux ! Faux !

MADAME, surprise — Allons, ne vous énervez pas, Princesse.

JAESA C'est à cause d'elle ! Encore et toujours là pour m'ennuyer.

MADAME N'allez pas trop vite en besogne, Jaesa. Racontez-moi du début. Qu'est-il advenu après que je vous ai remise le panier ?

JAESA Eh bien, j'ai trouvé Estebar et nous avons dîné ensemble, puis...

MADAME C'est déjà un bon point !

JAESA Oui, oui, et j'en suis très contente ! Ensuite, nous avons parlé longuement sur le mois que nous venions de passer l'un sans l'autre. Et là, c'est le drame !

MADAME Attendez, Jaesa. Est-ce ma faute ? Vous semblez énervée contre moi. Ai-je fait quelque chose de mal ? C'est à cause des épices que j'ai rajoutées dans le bœuf peut-être. Était-ce trop fort pour vous ?

JAESA, renfrognée — Non, absolument pas ! Cesse de m'interrompre, avant de t'imaginer des idioties... Alors que nous étions tranquillement installés et que je l'aurais très certainement obligé d'une manière ou d'une autre à passer la nuit avec moi, dehors, à observer les étoiles, un des gardes de ma mère vient et m'ordonne de le suivre.

MADAME, impatiente — Que voulait la Reine-mère ?

JAESA Me réprimander, quoi d'autre ? Elle compose sa vie à ceci ! Comme d'habitude, elle m'a blâmée et a braillé que ce n'était pas bien de fréquenter Estebar et que je devais absolument m'en éloigner, ou quelque chose d'atroce adviendrait.

MADAME Sa Grâce n'a pas tort. Votre père sera contre votre union. Aussi, je ne vous en ai pas parlé pour ne pas vous inquiéter, mais vous êtes au centre de toutes les conversations. Ils pensent que vous et Lord Estebar êtes amants, cachés des yeux de votre père. Vous savez la confiance que sa Majesté lui a accordée. S'il vient à savoir que vous lui avez menti, Estebar en paiera le prix.

JAESA, à bout de nerf — Mais en quoi est-ce si mal de vouloir le côtoyer ?! C'est uniquement ce que je désire. Sans mariage, permettez-moi au moins de lui parler !

MADAME Lorsqu'on vit en étant un puissant, il est préférable de couper son cœur.

JAESA Vous allez voir, vous tous, je deviendrai l'ombre d'une Princesse ! On ne me reconnaîtra plus ! Et le jour où mon père voudra me marier, ce sera trop tard, car il aura honte de moi ! Devrais-je finir ainsi ?! Devrais-je me retirer de la vie, comme de la passion ?

MADAME, doucement — Ce serait le mieux pour vous, Jaessamine. Les transports ne demeurent guère charmants bien longtemps.

JAESA, chagrinée — Je ne vois point souvent ma mère et pourtant, quand c'est le cas, je voudrais m'enfuir loin d'elle. Pourquoi dès que l'on se rencontre, elle me meurtrie l'âme ?

MADAME Parce qu'elle veut le meilleur pour vous.

JAESA Non ! Je suis sûre qu'elle est jalouse. Elle n'a jamais connu le moindre amour ! C'est pour cela qu'elle est aussi acariâtre.

MADAME Qu'en savez-vous petite idiote ?

JAESA Madame ?!

MADAME Oui ?

JAESA N'oublie pas que je suis une Princesse !

MADAME Et vous, n'oubliez pas qui est votre mère ! Vous devriez la remercier au lieu de vous en prendre à elle. Maintenant, déguerpissez de mes cuisines !

JAESA, scandalisée — Tu as raison ! Mieux vaut la compagnie de Lord Estebar que la tienne ! Je m'en vais le rencontrer.

MADAME N'avez-vous donc rien retenu de ce soir ?!

La Princesse l'ignore et se contente de s'éclipser.

Ethrian I - TinudaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant