Ethrian I - Tinuda

Acte II, scène 5.

Jaesa, Estebar et un garde.

La Princesse marche précipitamment dans les couloirs.

JAESA — Une troisième femme ! Vous rendez-vous compte ?! Il se pourrait qu'il y est une troisième femme ! Mais qui est-elle ? Et pourquoi n'en ai-je jamais entendu parler ? Ah ! les parents et leur "aucun mensonge entre nous, que la vérité". Quelle fourberie ! Hier, je m'y intéressais pour comprendre pourquoi ma mère pouvait être aussi insupportable, mais, maintenant, je veux percer à jour ce secret.

La Princesse arrive devant une des pièces les plus reculées du Palais Royal. Un homme garde la porte.

GARDE — Votre Altesse, Princesse Jaessamine. Puis-je vous être d'une quelconque utilité ?

JAESA — Je dois m'entretenir avec Lord Estebar. Pouvez-vous ouvrir cette porte ?

GARDE, perplexe — Mais, c'est qu'il se prépare, votre Altesse. Je ne peux vous autoriser à entrer.

JAESA — Ne pouvez-vous ? Êtes-vous certain de cette réponse ?

Le pauvre homme déglutit péniblement et s'empresse d'ouvrir un battant pour qu'elle entre. Il ne l'annonce pas et referme juste la porte après son passage.

JAESA — Lord Estebar ?

ESTEBAR, d'une autre pièce — Princesse ?! Est-ce vous ?

JAESA — O-Oui. Je dois vous poser quelques questions. Est-ce que vous êtes disposé ?

ESTEBAR — Patientez un moment, je vous prie.

JAESA, à part — J'entends des froissements de tissu. Aurais-je pu le surprendre en de mauvaises postures ? Oh ! Peut-être aurais-je dû réfléchir avant de me ruer ainsi ?

Le Lord surgit de la pièce en rangeant sa chemise dans son bas.

ESTEBAR — Une urgence, votre Altesse ?

JAESA — Euh...Eh bien... Pas vraiment... M-Mais, vou-vous savez comment mon e-esprit peut être.

ESTEBAR, goguenard — Très tortueux, oui. De quoi est-il question aujourd'hui ?

JAESA, à part — Reprends-toi, Jaesa ! Et garde les yeux fixés sur son visage ! Non, en fait, ne le regarde pas. Ce sera mieux. (à lui) Hier, vous m'avez parlée des mariages de mon père. Mais auriez-vous omis une personne par hasard ?

ESTEBAR — Je ne suis pas sûr de saisir où vous voulez en venir, votre Altesse.

JAESA — Allons, Estebar ! (à part) Est-ce que je suis vraiment en train de m'adresser à lui de la sorte ? (d'un sourire ravageur) Vous êtes le confident de mon père depuis des années. S'il y avait une troisième personne, vous le sauriez. Non ?

ESTEBAR — De quoi s'agit-il exactement, votre Altesse ? (à part) Serait-ce ce à quoi je pense ?

JAESA — Bien, je ne vais pas aller par quatre chemins. Est-ce que mon père a une maîtresse ? Si oui, qui est-elle ?

ESTEBAR, à part — La diablesse ! Pourquoi est-elle toujours aussi perspicace ?! Et comment l'a t-elle découvert ?

JAESA, à part — J'espère que mon manège suffira à le faire avouer. Devrais-je un peu plus sourire ? Ou rester distante ?

ESTEBAR — Je ne sais de qui il pourrait s'agir. Votre père n'a point de maîtresse, soyez-en rassurée. Où avez-vous eu cette idée saugrenue ?

JAESA — De mon père. Partiellement. Je suis presque certaine qu'il a esquivé la discussion, alors je me tourne vers vous, Lord Estebar. A-t-il oui ou non une maîtresse, une favorite, une concubine ? J'exige votre honnêteté !

ESTEBAR — Non, vous vous inventez des faits, votre Altesse.

JAESA — Vous me mentez !

ESTEBAR, à part — Bougresse ! Mes traits démentent-ils à ce point mes véritables pensées ?

JAESA — Dites-moi, Estebar ! C'est un ordre, de votre Princesse.

ESTEBAR, à part — Que faire si j'ai reçu un ordre de plus haut ? (à elle) Je ne peux vous orienter. Pardonnez-moi, votre Altesse.

JAESA, offusquée — Vous ! Vous m'énervez ! Tous !

ESTEBAR — Personne ne vous a demandée de vous en mêler, votre Altesse.

La mine de la Princesse s'assombrit. Le Lord s'incline immédiatement.

ESTEBAR — Excusez mes paroles, votre Altesse. Je ne les pensais point.

JAESA, désabusée — Vous me mentez encore. Vous les pensez et elles sortent tout droit de votre cœur. Pour répondre, je m'y intéresse parce que je n'ai que cela à faire de mes journées. Désormais, je vous laisse vous préparer tranquillement, sans vous importuner davantage, Lord Estebar.

Elle part donc.