V - Iris

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- Je sors ce soir !

- Comment ça ? Et tu vas où ? s'exclama ma mère depuis la cuisine.

- Je vais chez Anna.

- Ne rentres pas trop tard, la rentrée approche, il faut que tu sois en forme ! Et il y aura qui, chez Anna ?

J'attrapai vite fait bien fait une veste sombre à capuche, en espérant soudain que Tia aurait la même idée. J'aurais bien voulu la prévenir, mais je n'en avais pas les moyens.

- J'sais-pas-à-tout-à-l'heure !

Avant que ma mère ne me pose plus de question, je pris les clefs de la porte d'entrée et je quittai la maison. Mon frère ne m'avait pas reparlé de la journée, ce qui me peinait un peu. Mais je savais qu'il ne pouvait pas être trop longtemps fâché avec quelqu'un ; son caractère joyeux et bonne pâte refaisait toujours surface, malheureusement ou heureusement. Je revins finalement sur mes pas et allai toquer à sa porte, prise de remord, attendant sa permission pour rentrer. J'entendais ses grognements à travers la porte, me murmurant de partir. Mais je rentrai tout de même dans sa chambre, pour m'excuser et le prendre dans mes bras, lui chuchotant à l'oreille que tout allait bien et que j'étais désolée de m'être emportée.

- Qu'est-ce qu'il t'a fait Alex ? Je croyais qu'il était gentil, bredouilla-t-il en se serrant un peu plus contre moi.

- Tu sais, parfois, les gens font des choses qu'on n'excuse pas. On a l'impression de les connaître, sauf que non.

Il releva la tête vers moi, en fronçant les sourcils d'incompréhension.

- Mais moi je te connais, et je sais que tu ne me feras jamais de mal ! s'écria-t-il avec une conviction qui me réchauffa le cœur.

- Évidemment, mais les choses ne sont pas aussi simples.

Mon frère fronça de nouveau les sourcils. Ses yeux cherchaient dans les miens une meilleure explication, chose que je ne pouvais pas lui donner.

- Allez, dis-je en sortant de la pièce pour le laisser dormir, ne t'en fais pas : demain on fera un clafoutis, ça te va ?

Son regard s'illumina, et déjà il s'endormait, les poings ramenés au niveau de sa tête, les paupières détendues. Il n'y avait rien de plus beau qu'un enfant qui dormait, paisiblement. J'aimais beaucoup le regarder dormir, voir sa poitrine se lever au rythme de sa respiration. Alors que je pensais qu'il était plongé bien profondément dans les bras de Morphée, sa petite voix m'interpella :

- Pourquoi tu ne chantes plus ?

Je me figeai, le corps soudain paralysé. Je serrai la mâchoire, refoulant mes stupides larmes qui ne cherchaient qu'à rouler encore et encore le long de mes joues. Je n'avais pas de réponse à cette question. Quelque chose s'était brisé, et ma voix refusait depuis d'émettre le moindre son harmonieux. Chaque fois que je l'avais fait par le passé (par réflexe), cela me ramenait à lui. Une envie de vomir me coupait toujours l'envie de continuer, tant la colère et la tristesse étaient grandes. Je n'arrivais pas à m'enlever son visage de la tête lorsque je chantais, aussi je finis par me rendre à l'évidence : le chant était né avec lui, et il était reparti avec lui. Point.

- Dors bien, finis-je par articuler pour donner le change.

Et je m'enfuis sur la pointe des pieds, avec une petite voix qui me disait que j'étais lâche d'abandonner si facilement ma seule et unique passion. Si je courais tout le temps, ce n'était pas que pour m'occuper pendants les jours mornes de mes vacances. C'était pour oublier ce qu'il m'avait prit, lui, en nous abandonnant. Tout ce qu'il nous avait pris.

La Mélodie du HasardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant