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Point de vue omniscient

— J'aimerais bien te remercier car grâce à toi, j'ai pu sortir bien plus tôt, mais, après réflexion, ça serait légèrement déplacé sachant que tu as quand même suppliée la prison de te reprendre ! Enfin...

L'Arrogante, aux côtés de L'Appauvre qui avaient les yeux rivés contre le sol goudronné, laissa s'échapper d'entre ses lèvres charnues un bref soupir qui provenait d'une fusion entre soulagement et nervosité.

Elle était soulagée d'avoir enfin quittée cette atmosphère lugubre qu'était la prison de Nova Mutum, et elle se trouvait également être, comme toute détenue fraîchement sortie, nerveuse à l'idée d'affronter à nouveau la société et la sociabilité des normes.

— M'avoir faite sortir bien plus tôt compense le fait que ton voeu de retourner là-bas ne puisse être exaucé. Sérieusement, Allyah, tu ne peux pas retourner en prison rien qu'en pleurant et déblatérant au téléphone que le monde ne te plaît plus ! Si tu veux y retourner, commets un crime, mais tu seras bien plus maltraitée cette fois-ci, et le monde extérieur que tu méprisais deviendra ta nouvelle cible ! Sois pas paradoxale, ma belle, il n'y a rien de plus con.

Trois semaines étaient passées depuis la sortie de prison d'Allyah. Trois semaines, qui lui avaient montrés les abysses de l'enfer qu'était la Terre. Bien plus féroces que ce qu'elle n'avait pu s'imaginer, tout en elle s'était fait fouetter par les braises du malheur et de la méchanceté.

N'ayant aucunement eu le courage de se forcer à résister, lors du début de la troisième semaine et lorsque ses doigts eurent frôler la carte de prison qui pourrissait dans sa poche, ni une, ni deux, la jeune femme s'était ruée jusqu'à une cabine téléphonique.

Elle avait emplie son âme d'un espoir fort, de cet espoir que la prison comprendrait ses supplications et la ferait alors revenir en son sein. Les barreaux et l'obscurité la protégeaient mieux que le ciel et le soleil. Et elle ne parvenait plus à se modeler au coeur de la société, malgré toute la volonté dont elle avait faite preuve : elle était expirée, périmée aux yeux de l'Etat qui s'était délecté de son absence.

Malheureusement, la secrétaire à l'autre bout du fil et ébranlée par tant de désespoir, avait fait l'une des rares choses dont l'être humain était naturellement doué en cela : faire preuve de lâcheté en raccrochant.

Alors, quand les bruissements de voix hésitants derrière le combiné s'étaient transformés en bip incessants, psalmodiant l'égoïsme et l'incompréhension du danger, le téléphone et son espoir, à l'instar d'une rivière se jetant dans une cascade, chutèrent.

— Maintenant que je suis là, je vais pouvoir t'aider sans limites ! J'en avais assez d'essayer de t'envoyer des ondes positives et de toute manière, je ne pense pas qu'elles arrivaient jusqu'à toi...On est ensembles, Allyah, maintenant, et plus dans cette prison, mais dans la vrai vie. Je vais t'aider sans relâche, même...même si avec ce foutu bracelet électronique que je porte, je suis condamnée à seulement huit heures hors de chez moi. Je vais t'aider. Je te le jure. Croix de bois, croix de fer, si je mens, je redeviens prisonnière !

L'Appauvre adressa un bref sourire à Yara qui jetait des coups d'oeil grivois aux passants autour d'elle.

La conseillère de prison, qui était apparue comme la plus compréhensive et humaine du bâtiment, n'avait point eu l'esprit tranquille quand elle eût appris qu'Allyah les avait appelée dans le but de les supplier afin de revenir parmi eux.

Mille coups de Haine [TOME 2 - TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant