AllyahCette soirée-là, avant de retourner chez Yara, j'avais, encore et encore, longuement flânée au sein de la Cidade Maravilhosa.
Ma nouvelle routine. J'errais plus que je ne me nourrissais ou que je ne dormais. Enfin, même dormir, je n'y parvenais plus. Peut-être que, inconsciemment, je le faisais en traînant. Parce que je n'étais jamais fatiguée physiquement. Juste moralement.
Rio était encore en plein crépuscule alors que je m'approchais de plus en plus de la bâtisse de mon amie. Les nuages orangées buvaient l'azur de la nue. Les mobylettes vrombissaient, les gamins hurlaient. Tout allait bien ici.
J'aimais énormément être sous le ciel lorsque celui-ci se trouvait être mélangé de rouge et de jaune. J'aimais énormément, car il y avait toujours, en cet instant, une petite étincelle qui me redonnait une pincée de courage. Ces couleurs me donnaient envie de continuer ma marche à l'infini pour parcourir le monde. Et, bien qu'il y avait toujours un peu de nostalgie, ce spectacle était si fascinant et gorgé de messages que j'en oubliais presque mes songes.
La ruelle par laquelle je devais passer pour rejoindre l'immeuble de Yara fut froide. Cela me claqua instantanément. Le contraste avec la chaleur de la ville était si puissant que j'en vins vite à trouver cela étrange.
Un mauvais pressentiment me prit. J'étais devenue si attentive et prudente vis à vis des signes du monde que désormais, je me méfiais de tout et m'imaginais nombre de choses.
Exactement comme Yara. Depuis que Louisa et ses fils étaient venus chez elle, je remarquais que son regard vis à vis de moi avait quelque peu changé. Elle m'adressait moins la parole et se trouvait être moins enjouée. Peut-être était-ce à cause de cette opprobre qu'elle avait subie. Peut-être se sentait-elle encore humiliée.
Je n'en savais rien, et cela me perturbait énormément. Je ne voulais pas perdre Yara. Pas elle. Cependant, je n'étais pas non plus prête à lui expliquer ma vie dans un précis récit, et de toute évidence, c'était bien à cause de cela qu'elle s'était légèrement éloignée. Sûrement s'était-elle rendue compte qu'elle ne me connaissait pas aussi bien.
Mais je voulais qu'elle comprenne que c'était dur, de tout raconter. En prison, elle n'avait eu aucun mal à me dire qu'elle s'était retrouvée ici après avoir fait frôler la mort à un homme qui avait tenté de s'amuser avec une pauvre petite fille le même soir où quelques heures auparavant, elle était en pleine cavale après s'en être lourdement prise à un groupe de gus qui s'était moqué d'elle en l'ayant vu demandée des sous.
Je n'avais jamais su ce qu'il y avait eu de pire entre le fait qu'elle avait finie derrière les barreaux alors qu'elle avait protégée une enfant, ou le fait que l'on lui avait refusée des sous et qu'on l'avait boycottée à l'hôpital alors qu'elle n'avait que voulue soigner sa meilleure amie gravement malade.
D'ailleurs, elle m'avait apprise qu'elle était morte. Comme ça. Avec simplement des petits points brillants dans ses prunelles. Mais pas de larmes.
Juste des sourires.
Yara était foutrement forte, alimentée d'une force presque divine et d'un optimisme à en couper le souffle.
Lorsqu'elle m'avait tout dit, moi, j'avais pleurée alors qu'elle m'avait réconfortée.
J'avais chialée aussi bien à cause de son récit qu'a cause du fait que j'étais incapable de lui rendre la pareille en lui parlant de moi. Mon histoire n'était pas aussi pire que la sienne, mais je n'y parvenais quand même pas.
Subitement, j'eus comme l'impression que le schéma se répétait. Que tout revenait m'enlacer.
Elle ne connaissait presque rien de moi...Et tentait pourtant d'en savoir plus.
VOUS LISEZ
Mille coups de Haine [TOME 2 - TERMINÉ]
Teen FictionC'est désormais la vie qui se joue d'elle après qu'elle s'en eût longuement moquée. En six ans, le temps ne peut que craqueler les fragiles souvenirs déjà bien esquintés. En six ans, le coeur ne peut qu'être beaucoup plus exténué. Six ans derrière...