Mille coups de Haine [TOME 2 - TERMINÉ]

3.

Point de vue omniscient

— On ne condamne jamais quelqu'un pour qu'il répare son crime, Allyah. La loi doit être respectée, et nul n'est au dessus des lois. Si un individu transgresse les codes, c'est qu'il n'a pas compris pourquoi ils sont là.

La jeune Brésilienne, dont les doigts étaient entremêlés et le souffle haché, écoutait les paroles morales de la conseillère de prison qui était assise face à elle. Mais il fallait se rendre à l'évidence : elle faisait mine d'écouter, ne souhaitant qu'une chose : s'éclipser.

Seulement, elle devait rudement se forcer à ouïr ces mots pour la simple et bonne raison que cet entretien était la dernière étape avant sa libération totale, et la fin définitive de sa peine.

— La sanction n'est là que pour apprendre à un Homme d'être libre, de lui montrer ce qu'est la latitude qui est l'un des cadeaux les plus naturels et utiles qu'il puisse posséder. La loi n'est pas là pour vous limiter, mais pour au contraire vous protéger. Malheureusement, très peu de personnes comprennent cela...Tous veulent devenir révolutionnaires, tous se sentent constamment en défi, en attaque et c'est pourquoi ils s'en prennent d'abord à la police et l'armée qui ne sont là que pour assurer leur protection.

L'Appauvre, soudainement mal à l'aise et en proie à un mauvais souvenir, détourna le regard.

— C'est si contradictoire...Ils ne sont là que pour assurer notre protection à tous, ils ne sont là que pour vous faire comprendre que la loi n'est que bonne, mais des personnes arrivent quand même à s'en prendre à eux...Ils éloignent les conflits. C'est grâce à eux que la plupart des gens tournent leur clé dans la serrure pour rentrer chez eux le soir, que d'autres peuvent retrouver leurs proches, aller dormir en paix...La paix. La police et la loi ne sont que pacifistes. Alors pourquoi pensez-vous tous qu'ils ne sont là que pour vous tuer ?

La conseillère de prison, d'origine chilienne, ce qui lui avait causée son appartenance au mouvement de la "fuite des cerveaux", fit culbuter sa chevelure colorée contre le dossier de sa chaise d'un mouvement qui ne se voulait point hautain. Ayant constatée la soudaine pâleur de la jeune Brésilienne face à elle, elle jugea bon de changer de sujet et de stopper de tels reproches.

— Allyah...Je vais te reposer la question. Es-tu, après six ans passés ici, vraiment prête à nous quitter ? J'ai parfaitement conscience que ta peine est terminée mais l'aspect psychologique ne suit que très rarement le temps.

Pensant que c'était en s'adressant de manière douillette et tempérée à la jeune détenue qu'elle allait s'attirer sa sympathie voire même ses mots, elle était en réalité, de par son ton débonnaire et trop inoffensif, en train de se faire foudroyer par les pensées de L'Appauvre, qui ressentait trop distinctement une certaine ironie dans ses intentions. Après avoir été trompée par tout le monde, elle ne voyait plus que du faux-semblant autour d'elle.

Emprise d'une paranoïa qui frôlait l'extrémum, elle ne se sentait plus que tourner dans un fourbe manège à l'intérieur duquel faire tomber les masques des gens paraissant les plus innocents était le nouveau but du jeu de son existence. Détruire les peluches en les attrapant soi même et ne plus se laisser amadouer par elles en se laissant prendre, telle était sa nouvelle mission.

Les ongles de la conseillère tapèrent de manière brusque contre le fer de la table, faisant alors sortir la jeune femme de sa torpeur.