9.

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Allyah

La tasse que l'on s'apprêtait à me servir devait sans doute être aussi brûlante que mes joues.

Les mains encore tremblantes de par sa trouvaille et le regard couvert de surprise, cette femme s'assit face à moi en ne manquant point de me lâcher des yeux, comme si j'allais m'envoler d'une seconde à l'autre tel un mirage.

Un certain silence couvrait cette atmosphère qui nous ornait, rendant alors la situation bien plus malaisante et fébrile qu'elle n'aurait dû l'être.

Je savais qu'elle voulait parler, me questionner dans tous les sens et m'assassiner de vérité. Mais elle ne le fit pas. Ou du moins, elle gardait cela pour plus tard. Pour l'instant, je la pressentais comme cherchant la bonne prémisse, la bonne amorce qui ne me ferait pas fuir.

La tasse arriva finalement entre mes paumes, et, comme je l'avais prévue, elle se trouvait être très fumante, si bien que je dû me forcer à ne pas la laisser s'écraser contre le sol.
Le liquide qui dansait en son sein était brun et hyalin. Nul doute, c'était du thé. Et je n'aimais plus le thé. Ou plutôt devrais-je dire que, comme la vie ces derniers temps, il ne possédait plus aucun goût qui serait capable de me faire l'apprécier. C'était vide, fade, troué, pour ne pas dire dégueulasse.

Je remarquais qu'elle ne s'était pas servie de thé, et j'en vins à me demander pourquoi est-ce qu'elle avait pensée que j'en avais voulue un. Politesse, impolitesse, j'étais arrivée à un point où ces deux notions m'étaient devenues complètement inconnues. J'avais une foutre envie de mouiller le sol avec ce liquide; mais je me retins.

Alors, en faisant mine de le refroidir en usant de mon faible souffle, je la dévisageais encore et sans vergogne tandis qu'elle faisait de même.

Les rides qu'elle arborait désormais plus en profondeur m'avaient instantanément frappées, tout comme ses lèvres autrefois rieuses devenues plus étroites. Ses yeux étaient aussi plats qu'une rivière et le peu de cheveux qui dépassait de son voile - elle possédait d'ailleurs quelques fourches blanches - semblaient dévergondés. De stress ou bien d'indifférence, je n'en avais aucune idée.

Ses yeux analysaient aussi chaque détail de mon être, cherchant tout ce qui avait bien pu changer chez moi en l'espace de six années. La liste - rien qu'en observant mon reflet contre la couverture du thé - se trouvait être très longue : mon regard tombait de fatigue, mes iris n'étaient plus aussi smaragdins, mon nez était gonflé de par tout ces reniflements et ma bouche en proie à une expression qui reflétait toute ma peine.

En réalité...mon apparence était bien le benjamin de mes soucis. Je n'étais plus pétillante, et j'avais perdue ma source d'essence ; je me sentais comme vide intérieurement, comme un coquillage et comme un esprit, et je ne pensais pas que les fantômes pouvaient prendre soin de leur physique.

Je m'amusais à faire danser le liquide dans la tasse de la même manière que le vent aimait jouer avec les vagues de la mer. Bientôt, je trouvais la situation si ridicule que j'en vins à penser que partir en laissant cette femme plantée ici avec pour seule compagnie son regard de moineau ne serait pas une mauvaise chose.

Mais, comme si elle eût par je ne sût quel foutu miracle entendue mes songes, j'entendis soudainement sa voix racler contre sa gorge avant de venir se percuter contre l'atmosphère absolument lourde.

— Allyah...C'est...C'est très étrange...J'ai tant de choses à te dire et pourtant, je n'arrive pas à te les dire...

Je haussais légèrement les épaules, en espérant que de par ce geste, j'allais masquer ma gêne et lui montrer mon indifférence.

Mille coups de Haine [TOME 2 - TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant