Mille coups de Haine [TOME 2 - TERMINÉ]

12.

Allyah

Haylla Déchue.

Un nom aussi bien cynique que critique, et aussi amusant que désolant.

Voilà comment j'avais nommée ce livre que j'avais désirée écrire depuis bien des années. J'avais tout fait et j'avais utilisée bien des armes - matérielles comme un pistolet et immatérielles comme les paroles - mais... je n'avais encore jamais écris. Et coucher ses mots sur du papier...faire s'enlacer ses pensées à une autre matière fidèle...

Je n'avais jamais pensée auparavant qu'un geste aussi simple aurait pu être si dangereux. Vraiment. Les gens qui écrivaient m'avaient autrefois parus si absurdes ! J'avais été plus de ces personnes qui préféraient faire entendre leur voix plutôt que de crier en silence.

Mais pourtant, désormais, je n'avais plus assez de voix et d'audace pour me faire entendre comme jadis, et je n'avais pas non plus envie de me la boucler parce que certes, j'étais toujours aussi en colère contre le monde alors, il ne me restait qu'une seule solution : hucher à mon tour dans le plus grand des silences.

Haylla Déchue...

Ce petit rictus au coin de mes lèvres ne voulait point s'effacer alors que j'essayais d'écrire prudemment quelques mots. Pour trouver ces feuilles, et ce stylo bien écorché mais encore vivant, il avait fallu que je me rende à la déchèterie ; et je n'avais pas pensée qu'elle eût en sa possession des objets aussi dangereux. En les voyant, après bien des moments de recherche, je m'en étais vite emparée.

Le soleil s'élevait lentement derrière la fenêtre. Les premiers faibles rayons constituaient mon éclairage.

Yara dormait encore, et profondément. Elle dormait toujours, en réalité, mais surtout bien plus depuis qu'elle avait abandonnée son projet de trouver du boulot.

« — Si le monde du travail ne veut pas de moi, le monde de la paresse, lui, m'accueillera avec de grands bras. »

C'était ce qu'elle m'avait dit quand j'étais rentrée et que je l'avais trouvée allongée au sol, à l'instar d'une étoile de mer et le regard embrassé contre le plafond.

Elle me faisait de la peine. Mais je ne disais rien. Parce que je savais que je lui faisais de la peine aussi.

Haylla Déchue.

Pourquoi ce titre ? Pourquoi ces mots ?

Pour moi, ils voulaient tout dire. C'était prolixe. Pour vous, ils ne voulaient rien dire. C'était le néant. Enfin...il vous faudra chercher un peu. Les mots les plus courts sont les plus longs à déchiffrer.

J'avais déjà noyé deux pages d'encre. Deux pages, et mon coeur commençait à s'apaiser. Lentement, doucement...mais j'étais sur la bonne voie. Il me pesait moins lourd. Je savourais cette prudente décharge.

Une nouvelle feuille se présenta à moi. Vide, mais qui allait bientôt être boursouflée de cris.

En réalité, je m'étais aussi mise à écrire parce que je m'étais amusée à penser que c'était peut-être cela, mon talent : l'écriture. C'était un écho aux précédentes paroles de Yara qui avait longuement déblatérée sur le fait que nous étions tous dotés d'un talent pour tamponner le monde de notre marque.