L'intruseur
Zoey hurlait tandis que l'agent Stokes la traînait sur le toit par les cheveux. Ses yeux étaient mouillés, et le monde semblait flou. Il la jeta au sol et lui administra un nouveau coup dans le ventre.
« Tu as essayé d'anéantir mes plans, sale morveuse, mais tu n'as pas réussi. Comment aurais-tu pu, d'ailleurs ? Tu n'es rien d'autre qu'une petite fille ridicule qui va bientôt mourir. »
« Je ne suis pas une petite fille », riposta Zoey — où se trouvaient l'agent Barnes, Tristan, Simon ? La douleur de ses côtes cassées était insupportable lorsqu'elle pleurait. Elle essaya de contrôler sa respiration.
« Oh, mais si, tu l'es, et une petite fille très bête. Tu croyais vraiment que tu pourrais venir ici et m'arrêter ? J'ai tué ton cher agent Barnes et tu vas me supplier de t'achever avant que j'en aie fini avec toi. D'abord, je vais t'arracher la langue — »
« Il suffit », ordonna une voix de femme.
Zoey regardait Mme Dupont. Elle tenait un cube en métal dans les mains. Il présentait des rangées de cubes plus petits sur chaque face, mais au lieu d'être colorés comme un Rubik's cube, les petits carrés portaient des symboles géométriques. L'intruseur.
« Tu t'es bien amusé, Sylvester, maintenant laisse-la. »
Mme Dupont baissa les yeux sur Zoey. « Je la veux vivante pour répondre d'abord à mes questions. »
« Mme Dupont, vous ne comprenez pas, commença l'agent Stokes. C'est elle qui a failli tout gâcher ! Laissez-moi la tuer ! Je vous en prie ! »
Il brandit un couteau et empoigna Zoey par les cheveux. Il tira violemment sa tête en arrière et elle sentit la lame froide contre sa gorge. Elle retint sa respiration.
Mme Dupont s'avança vers elle nonchalamment. « Pas encore. J'ai quelques questions à lui poser dont les réponses me manquent. Tu pourras la tuer après. Promis. Lâche-la, Sylvester — ne m'oblige pas à te le demander une nouvelle fois. »
Elle sourit à Zoey et son visage en fut défiguré — comme si certains muscles de son visage bougeaient tandis que d'autres restaient immobiles.
L'agent Stokes lâcha les cheveux de Zoey et la poussa sur le sol. « Tu es morte, l'Égarée. Morte. »
Puis l'homme au pistolet et à l'œil blanc se rapprocha et lui lança un regard mauvais.
« Je vous ai enfermés avec les monstres — tu devrais être morte — ou mieux encore, déchiquetée en mille morceaux. Comment t'es-tu échappée ? » demanda-t-il.
« Vous aimeriez le savoir, hein ? » répondit Zoey. Elle lui rendit son regard.
« Merci, Nazar, fit Mme Dupont en le repoussant d'un geste de la main. Je m'en occupe maintenant. »
Nazar recula lentement. Son œil d'un blanc laiteux était rivé sur Zoey et elle frissonna sans le vouloir.
Mme Dupont posa ses yeux de chat sur Zoey et l'examina plus attentivement.
« Alors c'est toi, l'Égarée », finit-elle par dire.
« C'est remarquable. Je suis très impressionnée. Tu es exceptionnellement douée pour quelqu'un de si jeune. Aucun agent n'a réussi à m'approcher d'aussi près que toi — et pourtant tu n'es — qu'une jeune fille. Mais tu n'es pas que cela, n'est-ce pas ? Il y a quelque chose d'unique en toi — n'ai-je pas raison ? Si, bien sûr. Dis-moi, comment t'appelles-tu ? »
Zoey cracha un peu de sang. « Zoey. »
« Zoey, répéta Mme Dupont. Tu es une fille très courageuse, Zoey. C'est toi qui as espionné ma conversation avec Sylvester dans ce couloir. Je me souviens très bien de toi. Je n'oublie jamais un visage. Dis-moi, comment nous as-tu trouvés, ce jour-là ? Quelqu'un t'a-t-il dit où nous étions ? »
Zoey haussa les épaules. « Non. Je ne sais pas. Quelqu'un m'a poussée au moment où j'utilisais mon MDF, et j'ai atterri là. J'ignore comment j'ai fait. C'est arrivé, c'est tout. »
« Très intéressant. » Mme Dupont semblait vouloir froncer les sourcils, mais elle ne put que plisser maladroitement son front.
« Dis-moi, Zoey, à quoi pensais-tu — juste avant d'utiliser ton précieux miroir ? »
« Je ne sais pas — à rentrer à la ruche ? »
Zoey commençait à se sentir mal à l'aise sous le regard de chat oppressant de Mme Dupont. C'était presque comme si elle savait quelque chose — quelque chose à son sujet.
« Est-ce possible que tu aies été en train de penser à l'intruseur volé ? » demanda Mme Dupont. Elle avait l'air fébrile et ses traits félins se tordirent en un sourire ridicule.
Les cheveux de Zoey se dressèrent sur sa tête. Elle se souvenait. Elle pensait bel et bien à l'intruseur au moment où Stuart l'avait poussée. Elle était en train de se demander si l'intruseur ressemblait à leurs MDF, s'il comportait des miroirs. Comment Mme Dupont savait-elle à quoi elle pensait ?
« À voir la tête que tu fais, j'en déduis que c'était le cas. » Le visage de Mme Dupont tressaillit.
« Je vais te dire ce qui s'est passé, ma chère. Tu as pensé à l'intruseur, et tu t'es miroir-portée à l'ancre qui se trouvait le plus près de lui. »
Zoey se crispa. « Je ne comprends pas. »
« Non — c'est normal — mais moi, si. »
La façon dont Mme Dupont la dévisageait la mettait très mal à l'aise. C'était presque comme si Zoey était la récompense qu'attendait Mme Dupont depuis très, très longtemps.
Les yeux de Mme Dupont brillaient d'excitation. « Dis-moi, Zoey, d'où viens-tu ? Comment s'appellent tes parents ? »
Un déclic se fit en elle, et Zoey décida d'arrêter de se montrer coopérative. Lui dire la vérité ne donnerait rien de bon. Plus elle fournissait d'informations à cette femme, plus elle se mettait en danger.
« Bill et Marge St John », mentit-elle, en prenant sa mine la plus angélique.
Mme Dupont et Nazar échangèrent un regard, puis elle revint sur Zoey. « Vraiment ? Comme c'est intéressant. »
Mme Dupont resta un moment silencieuse, mais elle paraissait fébrile.
« Ces cheveux roux — ils en sont presque flamboyants, n'est-ce pas ? Ils sont très beaux et très rares. J'ai déjà vu les mêmes il y a longtemps — sur une femme — et son nom n'était pas Marge St John. »
Elle se concentra sur Zoey encore plus intensément. « Tu as inventé ces noms, n'est-ce pas ? Ne me mens pas, fillette. Dis-moi de qui il s'agit. Où est le mal à vouloir connaître le nom de quelqu'un ? Tu peux me le dire. »
Zoey en était toute retournée. Que savait donc Mme Dupont sur elle — sur son passé — sur sa mère ?
« Ce sont leurs noms, mentit à nouveau Zoey. Maman et papa St John — ce sont des super noms, non ? Et pourquoi voulez-vous le savoir, d'abord ? Qu'ont à voir mes parents là-dedans ? »
« Énormément », répondit Mme Dupont. Sa voix était glaciale, et toute trace de gentillesse feinte avait disparu.
« Je sais que tu mens, je peux toujours dire quand quelqu'un ment. On peut appeler ça un don. Je peux voir le mensonge et la peur dans tes yeux. Je vois tout. Je vois même ton besoin désespéré de protéger ta mère. Mais c'est impossible. »
Le cœur de Zoey battait la chamade.
Soudain, le visage de Mme Dupont se déforma de colère. Elle tendit la main et tordit violemment le bras droit de Zoey.
« Où est ta mère ? Où est Elizabeth ? » rugit-elle. Elle envoya des postillons au visage de Zoey.
Zoey s'écria : « Je ne sais pas de qui vous parlez ! Je ne connais aucune Elizabeth. Je le jure. »
« Menteuse ! » Mme Dupont tordit le bras de Zoey avec une telle force qu'elle entendit un horrible craquement.
Zoey tomba sur le sol. Sa tête tournait sous l'effet de la douleur lancinante. Elle cligna des yeux pour chasser les points blancs et les larmes qui obstruaient sa vue. Son bras pendait mollement contre son flanc, et la panique la submergea comme une brume glacée. Elle frissonna. Elle essaya de se lever, mais rien que bouger ses jambes lui arrachait des cris de douleur. Elle était trop faible pour se défendre.
Elle savait qu'une fois que Mme Dupont aurait obtenu les informations qu'elle voulait, ils la tueraient. Elle n'en doutait pas un instant.
Elle inspira des bouffées d'air saccadées et essaya de se calmer. Ils pouvaient la tuer, mais ils ne pourraient pas faire de mal à sa mère s'ils ne savaient pas où elle était — elle se sentit un tant soit peu réconfortée.
Mme Dupont était penchée sur Zoey. Son visage était rouge et moite, comme un mannequin de cire dont le visage aurait fondu sous une chaleur extrême.
« Heureusement pour toi, dit-elle en arrosant le visage de Zoey d'une salive tiède répugnante, je n'ai pas de temps à te consacrer pour le moment. Mais sois assurée que je m'occuperai de toi plus tard. J'obtiendrai de toi les réponses qu'il me faut — même si je dois couper tes jolis petits doigts un par un — tu finiras par me dire où elle se cache. Je te le promets. »
Zoey soutenait son bras blessé. « Et moi je vous promets que je ne vous dirai rien. » Zoey voyait l'intruseur bien distinctement à présent. Elle était si proche qu'elle aurait pu tendre le bras et le toucher.
Mme Dupont surprit le regard qu'elle posait sur l'intruseur, et un sourire déforma à nouveau ses traits.
« Tu le voudrais, n'est-ce pas ? »
Zoey ne répondit pas, et Mme Dupont poursuivit.
« Sais-tu ce que c'est ? »
Elle brandissait l'intruseur pour que Zoey le regarde.
« C'est l'intruseur auquel tu pensais — la réponse — le moyen de restaurer l'équilibre entre les mondes qui existait du temps des Originels. Le monde des bêtes et des monstres ne devrait pas se mêler au nôtre. Il déshonore les Originels. Nous sommes la race supérieure, et nous devrions régner sur les bêtes, pas cohabiter avec eux. »
« L'équilibre se modifie dans le Nexus, Zoey. Un puissant seigneur de guerre démoniaque est sur le point d'envahir notre dimension avec son armée de barbares. Il est en guerre dans son propre monde et il est furieux que les agents l'aient jeté hors de ce monde il y a des siècles. Alors, nous avons passé un accord. Nous allons lui ouvrir le portail pour notre monde et laisser son armée entrer — et il se débarrassera de l'agence pour nous. Il viendra se venger, et chaque agent, jusqu'au dernier, périra. Puis la Nation Alpha, les vrais disciples des Originels, domineront et règneront sur ce monde. »
« Ça n'arrivera pas, fit Zoey en essayant d'ignorer la douleur lancinante dans son bras. Ils vous en empêcheront. »
Bien que son bras soit cassé, Zoey regrettait de ne pas avoir son boomerang à portée de main.
Mme Dupont éclata de rire.
« Qui donc ? Qui m'en empêchera, ma chère petite — l'agence ? Ah ! Regarde autour de toi, Zoey — l'agence est finie. Les mystiques que tu aimes tant vous anéantiront ce soir. Il ne reste personne ici pour t'aider. Les Alphas les ont tous tués. Tu es la seule qui reste. »
Zoey se remémora les corps qu'elle avait vus dans l'amphithéâtre, et elle eut envie de vomir. Elle savait que ce que Mme Dupont était en train de préparer allait se révéler un million de fois pire. Une rage terrible bouillait en elle. La femme au visage de rat devait être mise hors d'état de nuire. Mais comment ?
« Sylvester, fit Mme Dupont, donne-moi l'autre intruseur. L'heure est arrivée. »
Elle tendit la main, et l'agent Stokes sortit l'autre intruseur des replis de sa veste. De toute évidence à regret, il le donna à Nazar.
« Pourquoi lui a-t-il le droit de l'utiliser ? s'indigna l'agent Stokes. C'est moi qui l'ai volé à l'agent Barnes. C'est moi qui ai dû affronter toutes ces galères pour l'avoir ! C'est moi qui vous ai obtenu les codes pour pénétrer dans le quartier général de l'agence. J'ai failli me faire prendre ! Lui n'a absolument rien fait ! »
Nazar caressait l'intruseur. « Arrête de te plaindre, Sylvester. »
Il adressa à l'agent Stokes un sourire satisfait. « Tu croyais vraiment que Mme Dupont te laisserait le manipuler ? Toi — un agent banal et bon à rien — un homme aussi incompétent qu'un singe ? Je ne pense pas. »
« Mais... » L'agent Stokes perdait ses mots. « — Je ne comprends pas. Je vous ai laissé entrer dans la ruche de Boston. C'est moi qui vous ai fait franchir la sécurité. J'ai risqué mon matricule pour vous obtenir ces codes ! »
« Et nous te remercions pour ton aide, agent. » Une lueur grise brilla dans les plis du manteau de Nazar, et l'instant d'après il poignardait l'agent Stokes en pleine poitrine. L'agent Stokes ouvrit la bouche, s'étouffant dans son propre sang, avant de s'effondrer sur le sol.
Nazar eut un sourire méchant en lisant l'horreur sur le visage de Zoey. Elle se mordit la langue et ne dit rien.
« Commençons », fit Mme Dupont.
Elle conduisit Nazar au bord du toit. Ils restèrent côte à côte tels deux jeunes mariés devant l'autel, tenant les cubes métalliques comme s'il s'agissait de deux bouquets de fleurs.
Mme Dupont se tourna vers Zoey. Ses traits de chat étaient soulignés de façon inquiétante par les ténèbres de plus en plus sombres. « Ce n'est pas tous les jours qu'on peut voir s'ouvrir un portail de cette taille. Tu es une fille très chanceuse, Zoey St John. »
« Je ne me sens pas très chanceuse », répondit Zoey dans un souffle. Son bras la faisait atrocement souffrir.
Mme Dupont éclata de rire. « Oh, mais tu as de la chance — beaucoup de chance — de la chance que je t'aie enfin retrouvée. »
« Quoi ? C'est censé vouloir dire quoi ? Nous ne nous sommes jamais rencontrées ! » Zoey détestait l'air de triomphe qui brillait dans ses yeux de chat déments. Que savait-elle d'elle ? »
Mme Dupont s'amusait de la détresse de Zoey.
« Cela fait quatorze ans que je te cherche. Elizabeth a cru pouvoir te cacher loin de moi, mais elle se trompait — et maintenant je t'ai retrouvée. »
Le puzzle de la vie de Zoey commençait à prendre forme. Sa mère ne l'avait pas abandonnée — elle l'avait cachée à l'orphelinat pour la sauver de cette femme et de la Nation Alpha. Mais pourquoi était-elle si importante — que Mme Dupont voulait-elle obtenir d'elle ? Et si Elizabeth Steele était sa mère, alors qui était son père ?
Mme Dupont hocha la tête en direction de Nazar, et ils appuyèrent ensemble leurs pouces sur les intruseurs. Les cubes se mirent à irradier d'une lumière blanche éclatante.
Zoey devait réagir sans attendre. Elle regarda le toit autour d'elle, à la recherche d'une aide quelconque. Elle aperçut les mots Attention Haute Tension écrits en grosses lettres rouges sur un grand panneau métallique vissé au tuyau d'aération, de l'autre côté du toit. Elle eut une idée.
Un mouvement attira son regard. Tristan et Simon étaient accroupis derrière les autres bouches d'aération. Ils étaient vivants. Simon tenait son boomerang doré dans la main. Elle s'assura que Mme Dupont et Nazar ne les avaient pas vus, colla son doigt sur ses lèvres et leur fit signe d'approcher.
Ils atteignirent le tuyau d'aération le plus proche d'elle. Elle croisa un instant le regard de Tristan et, ignorant la sensation étrange qu'elle ressentait dans la poitrine, elle désigna leurs lance-pierres, puis Mme Dupont et Nazar. Ensuite, elle tendit le doigt vers le panneau indiquant l'électricité à haute tension. Elle était nulle en mimes. Elle espérait qu'ils comprendraient.
Tous deux hochèrent la tête — Dieu merci.
Tristan et Simon orientèrent leurs lance-pierres, mais le toit trembla et ils perdirent un instant l'équilibre.
Une ombre passa au-dessus d'eux. Zoey leva les yeux.
Le tonnerre éclata et des éclairs zébrèrent le ciel, l'illuminant comme en plein jour. Zoey crut que ses yeux lui jouaient des tours — une ligne noire apparut dans le ciel au-dessus de leurs têtes. La ligne grossit, jusqu'à ce qu'un deuxième horizon noir barre le ciel londonien. Elle regardait, horrifiée. La ligne s'élargit, comme si un écran géant se déroulait, formant à présent un vaste rectangle noir.
Puis ce qu'elle vit lui glaça le sang.
À l'intérieur du rectangle s'ouvrait un autre univers, un monde rouge de vent, de pluie et de feu. Un paysage d'un autre monde. De vastes déserts s'étendaient sur des kilomètres à l'intérieur du rectangle. Elle pouvait apercevoir de gigantesques volcans d'où sortait une fumée rouge, qui se détachait en scintillant sur la plaine blanchâtre. De la cendre noire pleuvait, et des colonnes de fumée et de vapeur s'élevaient du sol brûlant.
Puis elle vit des dizaines de milliers de mystiques à l'air méchant charger vers l'entrée du portail.
C'était une armée féroce de géants à trois têtes, d'humanoïdes mutants aux membres d'animaux, et de morts-vivants de forme humaine qui couraient en laissant traîner derrière eux leurs membres putrescents. Des créatures semblables à des cadavres momifiés se ruaient dans sa direction, leur peau formant des replis mous qui pendaient de leurs corps. Un immense ver transparent muni de deux tentacules terriblement longs rampait vers l'entrée du portail, aux côtés de centaines d'araignées monstrueuses dont les petits bras humains se tendaient sous leurs mandibules. Des créatures qui ressemblaient à de gigantesques globes oculaires flottants roulaient vers elle, suivies par des humanoïdes squelettiques engoncés dans des armures métalliques, chevauchant de grosses mouches.
Les créatures se lançaient de féroces coups de griffes, se battant pour entrer dans son monde avant que le portail ne se referme. Leur multitude la submergeait. Personne ne pourrait vaincre une telle armée. Les mystiques hurlaient en se déversant dans les rues de Londres, tel un raz-de-marée.
Mme Dupont éclata d'un rire triomphant. Elle brandit l'intruseur au-dessus de sa tête comme une offrande à Dieu. Ses traits déformés étaient tordus de fureur.
Zoey fit signe à Tristan et Simon. Ils visèrent et tirèrent.
Une boule de métal percuta Mme Dupont sur la tempe. Elle s'effondra à terre et son intruseur lui glissa des mains pour rouler sur le sol.
Nazar fut frappé à la nuque et il tomba sur un genou — mais il s'accrochait toujours à l'intruseur.
Zoey tituba en avant, l'adrénaline dans ses veines la remplissant d'une énergie toute nouvelle. Chaque pas était une torture, mais elle ne tint pas compte de la douleur et s'efforça d'avancer. Des rugissements retentissaient autour d'elle tandis que d'autres mystiques hostiles se ruaient sur le portail, mais elle ne leva pas les yeux.
Son bras cassé lui fit horriblement mal lorsqu'elle ramassa l'intruseur de Mme Dupont. Elle se précipita alors vers Nazar et lui donna un coup de pied maladroit sur la main. L'objet lui fut arraché des mains. Elle serra tant bien que mal les deux intruseurs contre sa poitrine et revint en boitant aussi vite qu'elle le put de l'autre côté du toit.
« Arrête-la ! » tonna Mme Dupont.
Nazar était debout. Plus rapide qu'elle ne l'aurait souhaité, il s'élança vers elle.
Zoey parvenait péniblement au panneau de haute tension. Elle pouvait sentir Nazar tendre le bras vers elle, prêt à l'attraper. Simon et Tristan firent feu sur Nazar, mais il se baissa et les boules métalliques passèrent en sifflant de l'autre côté du toit. Ils tirèrent une nouvelle salve sur lui, l'atteignant en plein torse et aux bras avec des craquements de bon augure — mais il avançait toujours.
Juste au moment où l'énergie de Zoey était sur le point de s'épuiser, elle atteignit le panneau électrique.
« Seigneur, j'espère que ça va marcher. »
Elle l'ouvrit d'un coup de pied. Des étincelles bleues jaillirent autour d'elle, et elle recula d'un bond. Des charges électriques dansaient dangereusement autour des câbles, tels des serpents venimeux.
Elle déglutit avec peine. « Qui ne tente rien n'a rien. »
« Non ! hurla Mme Dupont. Arrête-la ! Tue-la ! »
Zoey lâcha les cubes sur les câbles, au moment où les mains de Nazar se refermaient autour de son cou. Elle ouvrit la bouche pour hurler, mais Nazar serra plus fort, et elle sentit son dernier souffle lui échapper. Elle savait qu'elle allait mourir.
Elle crut entendre Tristan appeler son nom. Les sons lui parvenaient comme si elle était sous l'eau. Ses bras pendaient sur ses flancs comme des branches mortes. Elle détourna les yeux du sourire meurtrier de Nazar et les posa sur les intruseurs. Pendant une seconde, rien ne se produisit. Puis l'électricité bleue s'enroula autour d'eux, et la lumière des intruseurs se fit plus forte, jusqu'à ce qu'ils soient tous les deux chauffés à blanc. Enfin, ils explosèrent.
La force de la détonation heurta Zoey en pleine poitrine. Nazar et elle volèrent en arrière. Il fut forcé de la lâcher, et elle prit une inspiration désespérée. Elle vint s'écraser brutalement contre le mur au bord du toit et sentit quelque chose se briser. Elle était incapable de sentir ses jambes et ses bras, et un liquide chaud se mit à couler derrière sa tête. Ses oreilles sifflaient, et elle comprit qu'elle était en train de mourir. Son corps était broyé.
Rassemblant le reste de ses forces, elle regarda le portail trembler avant de s'évanouir dans les airs. Comme une brume emportée par le vent, le rectangle noir scintilla et disparut. La dernière chose qu'elle vit fut les visages fous furieux des mystiques qui, de là-haut, dardaient sur elle des regards incendiaires.
Elle ferma les yeux et laissa les ténèbres la saisir.
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MYSTIQUES : Tome 1
ParanormalTOME 1 : Le septième sens. Jeune orpheline de quatorze ans, Zoey St John est une adolescente ordinaire douée de facultés extraordinaires - elle peut voir des monstres. Mais lorsqu'elle fait la connaissance d'une société secrète appelée l'Agence, do...