Chapitre 17 - partie 2

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Zoey retint sa respiration — elle reconnaissait cette voix haut perchée et geignarde.
« Zoey ? Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda Tristan. On dirait que tu as vu un fantôme ! »
Les deux hommes se retournèrent. L'homme tout pâle et en sueur lança un regard noir à Zoey. Il semblait fou et violent. Il hésita, frémissant comme s'il était sur le point de bondir. En même temps, on aurait dit qu'il se retenait, au prix de gros efforts. Puis l'homme au manteau le poussa vers la porte et ils disparurent.
Zoey bondit de son fauteuil. « C'est lui ! Je reconnais sa voix. C'est le gars qui a volé les codes — le même type qui m'a attaquée quand je l'espionnais lui et Mme Dupont. Il travaille avec les Alphas. C'est l'un des traîtres ! »
Simon laissa tomber sa tasse. « Oh, bon sang — et il était assis ici depuis le début. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? »
Tristan se leva. « Si les traîtres sont toujours ici, alors peut-être avons-nous encore le temps de les arrêter avant qu'ils n'attaquent le quartier général. Il faut le dire à quelqu'un. »
« La plupart des agents sont partis à Londres, dit Simon, le visage blême. Les agents à la retraite sont sûrement déjà chez eux à l'heure qu'il est. Il ne reste que nous. Oh, ça craint, non ? »
Zoey les regarda tous les deux. Elle était tout excitée — et effrayée. « Alors c'est notre devoir de les arrêter. »
Sans attendre une seconde de plus, Zoey s'élança vers la porte.
« Zoey, attends ! » appela Tristan en la voyant disparaître par les portes d'entrée et s'élancer sur la pelouse.
Une pluie glacée la fouettait au visage tandis qu'elle foulait l'herbe des jardins. Elle ne parvenait à distinguer que la silhouette de l'homme furtif qui se dépêchait dans la pluie et le brouillard en direction de la ruche. Elle songea à lui lancer son boomerang, mais sa visibilité était trop faible. Il n'y avait aucune trace de l'homme en manteau noir.
L'homme disparut dans la ruche. Il ne lui manquait que quelques mètres pour y arriver à son tour. Pour un homme du genre plaintif, il était étonnamment rapide — il courait comme si sa vie en dépendait.
Elle était trempée jusqu'aux os quand elle tira les portes d'entrée et pénétra après lui dans le hall. Elle s'arrêta devant un grand miroir ovale au-dessus duquel était inscrit Royaume-Uni. Une brume argentée s'attardait encore à l'intérieur pendant quelques secondes avant de se dissiper et disparaître — on venait d'utiliser le miroir. Elle arrivait trop tard.
Simon et Tristan la rejoignirent.
« Il vient de se miroir-porter, dit-elle à bout de souffle. Si nous y allons maintenant, on pourrait encore le rattraper à temps pour l'empêcher d'agir. »
« Il ? Mais où est l'autre bonhomme au long manteau ? demanda Simon en regardant autour de lui. Nous n'avons vu personne dehors. »
Zoey haussa les épaules. « Je n'en sais rien. Je l'ai perdu. Il n'a pas utilisé le miroir-port, cela dit. »
« Alors où est-il maintenant ? » Tristan crispa sa mâchoire. « Il est toujours ici quelque part — »
« Dehors ! » tonna une voix.
Tous trois se retournèrent pour apercevoir une Mme Andrews visiblement très en colère. Elle fonçait droit sur eux, les désignant de son long doigt. Son visage était tordu de rage.
« Regardez dans quel état vous êtes. Vous dégoulinez ! Vous répandez de la saleté sur mon plancher tout propre ! Dehors ! Vous tous ! Sortez ! »
Zoey n'était pas intimidée. « Mme Andrews, avez-vous vu un homme par ici, il y a quelques instants ? Il vient d'utiliser les miroir-ports. »
Mme Andrews pinça les lèvres et sa colère s'apaisa légèrement. « Bien sûr que oui. Je travaille au bureau d'accueil, non ? Je vois tout le monde. Pourquoi cette question ? »
« Savez-vous qui c'est ? » demanda Zoey.
« C'est Sylvester Stokes, un excellent agent. Il est toujours très poli avec moi. Il a dit qu'il allait donner un coup de main à l'agent Barnes sur une affaire très importante. Il a aussi sali mon carrelage. De quoi vous mêlez-vous d'ailleurs, tous les trois ? Vous ne devriez pas être chez vous, les jeunes ? »
Zoey regarda Tristan et Simon et dit à voix basse : « Il cherche l'intruseur. Il faut prévenir l'agent Barnes. »
Mme Andrews croisa les bras. « Que complotez-vous, tous les trois ? Vous avez l'air de préparer des bêtises — ne croyez pas que je n'ai pas déjà vu ce regard. Vous autres, les gosses — toujours à vous attirer des ennuis ! »
« On pourrait essayer de lui faire passer un message, fit Tristan sans tenir compte de Mme Andrews qui se penchait sur eux pour entendre ce qu'ils disaient. Peut-être qu'on devrait d'abord essayer d'entrer en contact avec Londres d'ici ? »
Zoey secoua la tête. « Non, ça prendra trop de temps à expliquer, et nous perdrons un temps précieux. Nous allons devoir l'arrêter nous-mêmes », dit-elle, se sentant soudain fébrile.
« Quoi ? » Simon faillit cracher sa langue. « Tu es sérieuse ? Tu veux dire — à nous trois — poursuivre l'agent double nous-mêmes ? Bien sûr qu'on y va, quel imbécile je fais. Attendez que j'aille chercher mon matériel d'espionnage dans ma voiture secrète d'espion. »
Zoey se tourna vers Mme Andrews, qui les observait toujours comme si elle était chargée de les surveiller.
« C'est l'agent Stokes le traître, et il en a après l'agent Barnes. Il va sûrement essayer de le tuer pour s'emparer de l'intruseur. »
Zoey attendit que Mme Andrews referme sa bouche, puis elle poursuivit.
« Vous devez envoyer un message à la direction et aux autres agences immédiatement, Mme Andrews. Dites-leur ce que je viens de vous dire. Et s'il vous plaît, dépêchez-vous avant qu'il ne soit trop tard. »
Mme Andrews fronça les sourcils. « Ce sont de très sérieuses accusations, Zoey St John. On peut détruire la carrière d'un homme en disant des choses pareilles. Êtes-vous sûrs que c'est lui ? »
« Oui », répondirent Zoey et Simon en chœur.
« Il doit y avoir une erreur, insista Mme Andrews, ça ne peut pas être l'agent Stokes — il a toujours été si prévenant — si gentil avec moi. Il m'a même apporté des fleurs une fois. »
« C'est bien lui. Voulez-vous avoir le sang de l'agent Barnes sur les mains ? » fit Zoey d'un ton sec. Sa voix montait d'un ton, elle commençait à perdre patience. « Alors, c'est ce que vous voulez ? »
« Non. »
« — parce que c'est ce qu'il prévoit de faire si on ne les prévient pas à temps. Je vous en supplie, faites passer le message à la direction. Dites-leur que j'ai reconnu le traître. Si vous ne nous croyez pas, alors faites-le pour l'agent Barnes. »
Mme Andrews hocha la tête. La couleur avait abandonné ses joues.
« Bon, très bien. Ça ne peut pas faire de mal de transmettre un message, même si vous vous trompez certainement. » Elle retourna précipitamment derrière le bureau d'accueil.
Zoey souffla et se retourna vers ses amis. « Vous êtes prêts ? »
« Oui », répondit Tristan.
« Non », dit Simon.
Il y eut un moment de silence. « D'accord, mais faisons vite. Vous avez vos armes sur vous ? »
Tristan sourit et sortit son lance-pierres S9 de la poche arrière de son jean.
« Je ne quitte jamais la maison sans lui », dit-il avant de le ranger.
Simon fouillait ses poches comme s'il était empêtré dans ses propres vêtements. Il sortit son lance-pierres d'un air triomphant. « Je l'ai ! Je croyais l'avoir perdu. Ouf. »
Zoey se dirigea vers le panneau de contrôle, leva le doigt et marqua une pause.
« Euh, les amis — où se situe le quartier général ? Je suis juste censée taper Quartier général ? »
« Je ne sais pas », dit Tristan.
Simon haussa les épaules. « Je sais que c'est à Knightsbridge, à Londres — mais je ne sais pas si tu dois taper — »
Bang !
Quelqu'un hurla.
Zoey se retourna et vit Mme Andrews s'effondrer. Sa tête percuta le sol avec un bruit mat puis elle resta immobile.
L'homme au manteau de laine noir l'enjamba comme si de rien n'était et pointa un immense pistolet sur eux.
« Je déteste les gamins, dit-il d'une voix grave. Et je déteste encore plus ceux qui ne se mêlent pas de leurs affaires ! Je ne voulais pas avoir à faire ça à cette pauvre Mme Andrews, mais vous m'y avez obligé. Je ne pouvais pas la laisser raconter nos projets à tout le monde, si ? »
Zoey regardait le corps de Mme Andrews. Le coup de feu résonnait toujours dans ses oreilles, et elle se sentait nauséeuse, sur le point de vomir. Elle n'avait jamais vraiment apprécié cette femme, mais elle ne méritait pas de mourir. « Vous — vous l'avez tuée, sa voix chevrotait. Vous n'aviez pas à la tuer. » « Non, vous l'avez tuée », dit-il en visant Zoey de son arme.
« Tu aurais dû garder ta grande bouche fermée, l'Égarée. Maintenant, regarde ce que tu m'as fait faire. Sa mort pèse sur toi. »
Tristan se plaça devant Zoey pour la protéger. « Que voulez-vous ? »
Comme l'homme se rapprochait, Zoey vit qu'il avait un œil blanc laiteux tandis que l'autre était bleu. Il mesurait plus d'un mètre quatre-vingts, était large d'épaules et sous son manteau il portait un costume haute couture noir visiblement hors de prix. On aurait dit le méchant dans un film de James Bond.
« Je ne veux pas avoir à ajouter le meurtre d'enfants à ma liste, continua l'homme. Mais je le ferai si vous m'y obligez. Je ne peux pas vous laisser anéantir mes plans, bande de sales petites vermines. « Pas maintenant que nous sommes si près du but. »
Il tendit sa main libre. « Vos MDF. Maintenant. »
« Oh non, pas encore une fois », gémit Simon. Il sortit son poudrier métallique et le lui tendit à contrecœur. « Vous allez nous les rendre ? »
« Vous n'en aurez pas besoin », fit l'homme.
« Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? » Simon essaya de lui reprendre son MDF, mais l'homme le rangea hors de portée. Puis il saisit ceux de Zoey et de Tristan et les dissimula prestement dans les replis de son long manteau. Une fois que ce fut fait, il pointa le pistolet en direction des escaliers.
« Allez. Descendez au sous-sol. »
Tous trois obtempérèrent et se dirigèrent vers la cage d'escalier.
La pauvre Mme Andrews était morte. Zoey ne pouvait chasser son affreux hurlement de sa tête. L'image de son corps étendu sur le sol, tordu en une posture qui n'était pas naturelle, la hantait. Si elle ne lui avait pas parlé du traître, elle serait encore en vie. L'homme en costume allait payer pour ce qu'il avait fait, elle s'en faisait la promesse.
Chaque minute qui passait exposait un peu plus au danger non seulement la vie de l'agent Barnes, mais aussi le sort de l'agence tout entière. Ils devaient fausser compagnie à l'homme au pistolet — mais comment ? Elle était certaine qu'il les abattrait en un clin d'œil s'il le fallait. Ils étaient tous armés, mais leurs armes n'étaient pas aussi rapides qu'un pistolet automatique.
Ils ralentirent en atteignant le bas des marches et arrivèrent devant de grandes portes à doubles battants en métal. Au-dessus, un panneau indiquait :

MYSTIQUES : Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant