Chapitre 17 - partie 1

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Au sous-sol

Aria remonta vers la ruche, coinça l'agent Barnes, le menaça de sa casserole et lui expliqua tout sur l'attaque des vampires. Il lança une réunion d'urgence. À présent, les agents Vargas et Ward étaient attablés avec les directeurs, mais les agents Barnes et Lee restaient debout. Ils étaient dos au mur, l'un semblait tout rouge et l'autre livide.
Les directeurs des Lois et règlements mystiques, salle 3B, étaient assis en silence, abasourdis, tandis que Zoey leur racontait les événements de la nuit dernière. Il lui était impossible de cacher le fait qu'elle était d'abord entrée par effraction dans la salle. De toute évidence, elle avait eu l'intention de dérober le dossier de sa mère. Mais les informations qu'elle avait entendues étaient bien plus importantes qu'un simple petit vol — ou du moins le pensait-elle.
Aria rompit le silence. « Vous la croyez maintenant ? Ou faut-il qu'elle risque encore de mourir, pour que vous la croyiez enfin. »
Elle agita sa louche de soupe à l'ail vers les directeurs. « Elle vous dit la vérité. Je l'ai vu de mes propres yeux. »
L'agent Ward regarda Zoey et tenta de sourire, mais Zoey l'ignora.
Le directeur Hicks leva la main. « Veuillez vous asseoir, Aria, avant de blesser quelqu'un avec ça. »
« Il n'y a plus aucun doute dans mon esprit, Zoey nous dit bien la vérité. »
Ses yeux balayèrent la grande table et se posèrent sur Zoey. « Je suis désolé qu'il nous ait fallu tant de temps pour te croire. Une fille de ton âge ne devrait pas avoir des soucis avec les vampires. »
Zoey restait silencieuse et regardait les directeurs. Elle était contente qu'ils aient visiblement fini par la croire, mais elle leur en voulait toujours un peu. Pourtant, lorsqu'elle croisa le regard du directeur Martin, elle se rendit compte qu'il hésitait toujours — lui ne la croyait pas.
« Ce rapport est très inhabituel, dit la directrice Campbell, le visage grave. Je n'aurais jamais cru vivre suffisamment longtemps pour voir le jour où nos agents travailleraient avec la Nation Alpha. Ce n'est pas logique. »
« Croyez-le, fit l'agent Barnes, parce que c'est le cas. J'ai eu des doutes sur la ruche de Boston. J'avais l'impression que c'était une opération menée de l'intérieur, et maintenant nous savons que c'était bien le cas. Directrice Campbell, ouvrez les yeux, tous les agents ne sont pas loyaux envers l'agence. Ils sont influencés par l'argent et l'envie de pouvoir. Nous avons déjà vu une telle chose se produire. Des agents ont même déjà quitté l'agence — mais nous n'avons alors pas réalisé qu'ils le faisaient car ils étaient recrutés ailleurs. Qui sait depuis combien de temps ils complotent secrètement contre nous ? Et ce n'est pas juste un cas isolé, il y a encore d'autres traîtres. Croyez-moi — nous sommes loin d'avoir tout vu. »
Le directeur Hicks croisa ses mains sur la table. Le visage rond et débonnaire que Zoey lui connaissait était rouge, et il avait l'air prêt à frapper quelqu'un.
« Nous aurions dû faire plus attention à eux, il y a des années. La Nation Alpha est allée trop loin. Ils demandent la guerre — alors la guerre ils auront. Nous devons nous concentrer sur la protection de notre quartier général à Londres. L'un des intruseurs qui restent est toujours en leur possession. Les traîtres ont divulgué l'emplacement du dispositif, ce qui signifie qu'ils possèderont deux intruseurs s'ils mettent la main dessus — ce serait une combinaison dévastatrice. »
La directrice Campbell se pencha en avant.
« Quelqu'un sait-il qui est cette tête pensante ? demanda-t-elle. Pour ma part, je n'ai jamais entendu le nom de Mme Dupont. »
Tout le monde autour de la table secoua la tête.
« Est-elle seulement réelle ? » demanda la directrice Campbell.
« Elle est réelle, fit soudain Zoey, elle-même surprise d'avoir parlé. Vous ne l'oublieriez pas si vous l'aviez vue. Croyez-moi — elle est très réelle. »
Elle croisa le regard de la directrice Campbell, mais elle ne lui posa pas plus de questions.
« Nous devons agir vite, fit le directeur Johnson. Ils sont peut-être déjà en route pour Londres. Nous devrions préparer nos agents maintenant, avant que les Alphas ne nous soupçonnent de connaître leurs plans. C'est notre seul avantage. »
« Oui, approuva le directeur Martin. Si ce que nous dit la fille est vrai, alors nous devons changer l'intruseur de place. »
« C'est la vérité. » Zoey fixa le directeur Martin dans les yeux. Elle était prête à soutenir son regard froid, mais il le détourna.
Le directeur Hicks se caressait la barbe tout en parlant. « Agent Ward, il faut que vous informiez les autres agences d'Amérique du Nord. Dites-leur ce qui s'est passé et demandez-leur de nous envoyer tous leurs agents disponibles — nous avons besoin de tout le monde sur ce cas. Je parlerai à l'assistant directeur Darcy au quartier général, et nous nous arrangerons pour déplacer l'intruseur vers un autre endroit sécurisé. »
« Oui, bien sûr, directeur Hicks », fit l'agent Ward. Elle avait l'air abattue et fatiguée, comme si elle faisait un mauvais rêve.
Le directeur Hicks marqua une pause. « Nous avons trop longtemps ignoré les Alphas, et ce fut une énorme erreur. Et maintenant, nous allons en payer le prix fort. J'espère que notre naïveté ne nous coûtera pas trop de vies. »
Il frappa la table du poing. « Nous allons leur envoyer tout ce que nous avons ! »
Il pointa son large doigt en direction des agents Lee et Barnes. « Je veux que vous soyez tous les deux à Londres dans cinq minutes. Nous n'avons pas beaucoup de temps. »
L'agent Lee acquiesça. « Oui, directeur. » Il regarda l'agent Barnes avec un sourire espiègle. « Et Barnes, continua le directeur Hicks. Vous serez responsable de trouver un nouvel emplacement pour l'intruseur. Vous seul. Compris ? »
« Oui, directeur », fit l'agent Barnes.
Il se tourna vers l'agent Lee et lui dit avec un sourire en coin : « En avant, Richard. Je suis tout d'un coup d'humeur à botter des fesses d'Alpha. »
« Si seulement ils en ont », fit l'agent Lee en riant, avant de se diriger vers la porte en compagnie de l'agent Barnes.
« Attendez ! » Zoey se leva d'un bond et se précipita vers eux. « Je veux venir avec vous. »
L'agent Barnes s'arrêta et se retourna. « Non, Zoey. C'est trop dangereux, même pour une fille aussi courageuse et compétente que toi. Tu ne peux pas venir avec nous. »
« Mais je peux être utile — je sais que j'en suis capable, protesta-t-elle. Je suis la seule qui puisse identifier Mme Dupont. J'ai vu son visage. »
L'agent Barnes secoua lentement la tête. « J'ai besoin que tu restes ici et que tu surveilles la ruche pour nous. »
Il sourit à Zoey et dit : « J'ai besoin de quelqu'un en qui je puisse avoir confiance. Tu peux le faire ? »
« J'imagine. »
Elle savait que c'était une ruse pour la pousser à se tenir tranquille, et elle doutait fort que ça se révèle efficace.
L'agent Barnes mit la main dans sa veste et en sortit son boomerang en or. Il le tendit à Zoey.
« Tiens — tu auras besoin de ça au cas où les vampires décident de se montrer à nouveau. Si tu es à court de soupe à l'ail, tu peux toujours les décapiter avec ces bords tranchants. »
Zoey prit son boomerang et le serra avec bonheur. Tandis qu'elle bouclait le bracelet doré autour de son poignet, elle sentit sa fraîcheur contre sa peau et elle réalisa combien il lui avait manqué. Elle se sentait connectée à cette arme. Elle était incomplète sans elle. Elle leva les yeux vers l'agent Barnes et sourit.
« Je n'aurais jamais cru le récupérer. Merci. »
« De rien. On se voit à notre retour. »
Et sur ces mots, l'agent Lee et lui disparurent derrière la porte.
Une demi-heure plus tard, Zoey était assise dans la salle de séjour de l'Auberge des Pas Perdus en compagnie de Tristan et de Simon. Depuis qu'ils avaient appris la nouvelle de l'attaque de Zoey, ils attendaient, ainsi que la plupart des apprentis, dans le hall d'entrée. Au lieu de rentrer chez eux après les cours, ils étaient restés là, juste pour l'apercevoir. Même Stuart Leroy avait patienté pour la voir. L'expression choquée et d'intense jalousie affichée sur son visage — qu'elle se soit fait attaquer par trois vampires et qu'elle ait survécu — lui fit chaud au cœur. Zoey ne s'était jamais sentie aussi bien.
« Alors, qui a le dossier sur ta mère maintenant ? » demanda Simon. Il était confortablement étendu sur l'un des canapés et sirotait un chocolat chaud.
Zoey se réchauffait dans l'épais fauteuil près de la cheminée, profitant de l'odeur du bois qui brûlait. « C'est l'agent Barnes. Je ne crois pas qu'il le montre à quelqu'un. Je lui fais confiance. Il a dit qu'il allait m'aider à la retrouver. »
« L'agent Barnes est cool, confirma Tristan. J'aimerais qu'il y ait plus d'agents comme lui, à part Lee bien sûr. Il est vraiment bien, lui aussi. »
Il mit une autre bûche dans le feu. « Alors, tu es certaine que c'est bien ta mère ? »
« Oui. » Zoey regardait le spectacle du feu. « Je sais que c'est elle. Elle est vivante quelque part, et je vais la retrouver. »
Simon avala un peu de chocolat chaud et fit claquer ses lèvres. « Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant, les amis ? Je suis d'humeur pour un peu d'aventure. On ne peut pas tout laisser aux agents, ils manquent d'imagination. » Le feu se reflétait dans ses grands yeux, lui donnant un air sinistre.
Tristan se leva et se laissa tomber dans le canapé près de Simon.
« On ne peut pas faire grand-chose, coincés dans cette auberge du bout du monde. Comment sommes-nous censés aider, si le cœur de l'action est à Londres ? C'est vraiment nul », dit-il.
« Ce n'est pas comme si on ne servait à rien — nous sommes entraînés pour combattre. On pourrait être avec eux et combattre à leurs côtés. Ils pourraient avoir besoin de notre aide. »
Zoey soupira. « Mais comment faire ? Ils sont tous à Londres — et nous sommes ici, installés confortablement en train de nous tourner les pouces. »
« Moi, je bois du chocolat chaud », leur rappela Simon.
« À part boire du chocolat chaud, fit Zoey, un brin agacée. Nous ne sommes pas très utiles. J'aimerais être là-bas. Je sais que je pourrais les aider. J'aurais aimé qu'ils nous laissent les accompagner. »
Elle se sentait triste, découragée et anxieuse. Elle frottait ses paumes moites contre son jean, en regrettant que l'agent Barnes n'ait pas vu son plein potentiel — son véritable dévouement à l'agence — et ne l'ait pas laissé aller avec eux. Au fond d'elle-même, elle avait cru que révéler les plans des traîtres, et enfin gagner la confiance des directeurs, aurait suffi à lui faire gagner une place dans la mission de secours. Elle avait l'impression qu'ils lui devaient au moins un coup d'œil sur l'intruseur — après tout ce qu'elle avait traversé. Mais visiblement, ils n'avaient pas encore suffisamment confiance en elle.
« La ruche est pratiquement déserte », fit Simon. Il avala une nouvelle gorgée de sa boisson. « Peut-être qu'on pourrait retourner dans la salle des Affaires surnaturelles et chercher plus d'indices sur ta mère, ou même ton père, qui sait ? Tu n'en as jamais parlé. »
« C'est parce que j'ai moins d'informations sur lui que sur ma mère. Je ne saurais même pas où chercher. »
« Et bien, et si nous commencions par là où tu as trouvé ces informations sur ta mère ? reprit Simon. Ton père était un agent, lui aussi — j'en suis sûr. En plus, j'ai toujours voulu explorer cet endroit, pour chercher des informations sur les agents. Je me suis toujours demandé si l'agent Ward était réellement une femme. »
Soudain, la porte de l'auberge s'ouvrit et un homme entra, vêtu d'un long manteau de laine noir et d'une écharpe bleu clair en cachemire. Ses cheveux noirs étaient gominés vers l'arrière et séparés en deux par une raie au milieu, exactement comme Zoey en avait déjà vu sur les vieilles photographies en noir et blanc des années mille neuf cent vingt. On aurait dit un gangster élégant — beau, avec la mâchoire carrée et des traits fins et réguliers.
Il se déplaçait avec grâce, comme un chat en chasse, et se dirigea à grandes enjambées vers un autre homme attablé tout seul. Zoey reconnut immédiatement l'homme de la table. C'était le même client au teint maladif qu'elle avait vu assis tout seul plus tôt dans la soirée. Elle se demanda pourquoi il n'était pas accompagné. Ils échangèrent quelques mots, et lorsqu'il se leva brusquement, sa chaise tomba à la renverse sur le sol. Il se pencha pour la redresser, puis se coiffa les cheveux sur le côté. La tête basse, il suivit l'autre homme vers la porte.
Comme ils passaient près de Zoey, elle parvint à distinguer ce qu'ils se disaient.
« ... on s'en tient toujours au plan », disait l'homme en manteau de laine. Ils n'avaient pas remarqué les trois adolescents, assis dans l'auberge, qui les regardaient.
« Mais ils savent », disait l'autre homme, tout en se dirigeant vers la porte. Il se tordait les doigts. « Ça ne marchera jamais. C'est terminé. Tout est terminé. Ils vont m'envoyer au Nexus — je suis un homme mort.

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