Chapitre 7 - partie 2

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Sans y penser, Zoey se précipita vers la fille. Elle pulvérisa un nuage d'anti-fées devant elle tout en courant. Elle retint son souffle et tourna autour de la fille en vaporisant frénétiquement en zigzag. Les fées se figèrent, une expression pétrifiée sur le visage, avant de tomber comme des mouches autour de la fille en sanglots. Du sang coulait des innombrables plaies qu'elle avait au visage, et sa lèvre inférieure trembla lorsqu'elle essaya de sourire à Zoey.
« Est-ce que ça va ? » Zoey toussa pour expulser le gaz de ses poumons. Elle avait un goût affreux dans la bouche, comme si elle venait de mâcher du savon.
« Tu saignes. Tu devrais appliquer quelque chose sur tes blessures avant qu'elles ne s'infectent. »
Horrifiée, la fille regarda fixement Zoey avant de couvrir son visage de ses mains et de courir vers l'agent Vargas. Il traita ses plaies à l'aide d'un kit premiers secours.
Le sol aux pieds de Zoey était jonché de fées pétrifiées. Techniquement, elles lui appartenaient — c'était elle qui les avait arrachées à la fille en les vaporisant — mais avant qu'elle en ait ramassé une, quelque chose la frappa au creux des reins. Elle s'étala à terre. Elle ressentit une douleur cuisante au niveau de ses côtes. Lentement, elle se retourna et leva les yeux.
Un sourire aux lèvres, Stuart fourrait allégrement les fées dans son sac. Fier de son coup, il lui adressa un grand sourire.
Elle avait atrocement mal, et pourtant elle sentit la colère monter du plus profond de son être. Elle avait envie de le voir souffrir.
« Eh ! » s'écria Zoey furieusement. « Elles sont à moi ! Je les ai pulvérisées ! Tu n'as pas le droit de faire ça ! C'est du vol ! »
Stuart baissa les yeux sur Zoey et ricana. « Vraiment ? Je n'ai pas vu ton nom marqué dessus, Égarée. Je les ai trouvées, elles sont à moi, ce n'est pas ainsi que ça fonctionne ? En plus, tu n'es même pas une vraie apprentie — tu ne devrais pas être là. Tu ne peux rien faire pour nous rattraper. Tu ne seras jamais des nôtres. »
Le sang montait au visage de Zoey. Elle se redressa et brandit les poings sous son nez. « Tu vas recevoir ce que tu mérites, Leroy. Ça ne me dérange pas non plus de frapper les filles. »
Le visage de Stuart se rembrunit. « Pourquoi, espèce de petite — »
« Il y a un problème ? Que se passe-t-il ici ? » L'agent Vargas accourait, le visage blême.
« Arrêtez tout de suite ! Nous sommes ici pour une mission très sérieuse. Nous n'avons pas de temps à perdre avec vos stupides « bagarres d'adolescents. Les fées deviennent de plus en plus fortes, et au bout d'un moment nos bombes ne serviront plus à rien. Il ne faut pas que cela arrive ! C'est compris ? Est-ce que vous comprenez ? »
« Mais, agent Vargas, il a récupéré les fées que j'avais vaporisées — »
L'agent Vargas leva la main pour la faire taire. « Ça m'est égal de savoir qui les a vaporisées, ce qui compte est que nous les attrapions toutes avant qu'elles aient trop mangé. Je ne veux aucun incident fâcheux. »
Il baissa les yeux. « Ce n'est pas une compétition ; vous êtes censés travailler en équipe. »
Il se tourna vers Zoey. « Souviens-toi — tu es en cours d'évaluation. Ce n'est pas le moment de déclencher une bagarre. »
Zoey ouvrit la bouche pour protester, mais elle la referma en voyant la mine que faisait l'agent.
« Si je dois encore vous séparer, ça va barder. Retournez au travail, tout le monde ! » L'agent Vargas s'éloigna, mais Zoey se sentait plus bas que terre — voilà qu'il pensait que c'était elle qui avait commencé.
« À plus, Égarée. » Avec un sourire, Stuart jeta son sac de fées sur son épaule et rejoignit nonchalamment ses amis au pylône d'à côté. Zoey le fixa d'un regard noir.
Tristan jeta un coup d'œil à Stuart lorsque Simon et lui le croisèrent en rejoignant Zoey. Serrant furieusement les dents, Tristan semblait à deux doigts de sauter sur Stuart. Mais il préféra le dépasser en fermant les poings.
« Eh, Leroy ! lança soudain Simon. Tu as perdu ta couronne. » Simon lança sa bombe aérosol derrière la tête de Stuart. Elle le percuta avec un bruit mat qui les fit sourire. Simon se tourna vers Zoey, visiblement impressionné d'avoir atteint sa cible.
Stuart fit volte-face et leur jeta un regard haineux. Simon leva les yeux au ciel en sifflotant innocemment, les mains dans les poches et l'air un peu trop sûr de lui.
« Tu es mort ! » siffla Stuart en s'élançant vers Simon. Mais l'un de ses acolytes le rattrapa en désignant l'agent Vargas qui les observait attentivement.
Stuart lança à Simon un regard noir. « Tu es mort, Brown. Tu vas me le payer. Tu es mort ! » Il se retourna et s'éloigna.
Ce n'était pas une grande victoire, mais voir la marque rouge sur la nuque de Stuart faisait sourire Zoey.
« Tu es fou, tu sais ? » dit Zoey à Simon qui arrivait vers elle à grandes enjambées, en arborant un large sourire.
« Fou, c'est mon deuxième prénom, dit Simon avec fierté. Et ce n'est pas Esther, contrairement à ce qu'on raconte. »
Zoey vit Stuart ouvrir son sac et montrer à ses amis les fées qu'il avait volées. Tous éclatèrent d'un rire surjoué avant de se retourner pour regarder Zoey d'un air triomphant.
Ses yeux lui piquaient et elle ressentait une douleur dans sa poitrine. Ce n'était pas juste.
« Oublie-le, il n'en vaut pas la peine. » Tristan prit la main de Zoey et, l'espace d'une seconde, elle oublia complètement Stuart et son escorte.
« Allez. Je parie qu'on peut encore capturer plus de fées que Stuart et son groupe. »
La main de Tristan était chaude et réconfortante, et elle se laissa entraîner vers le poteau électrique suivant.
Simon les suivit.
« Eh, regardez par ici. » Il désignait un rassemblement de fées occupées à grignoter un petit poteau à quelques mètres d'eux. « On peut exploser les scores sans problèmes avec celles-là. Vite, avant que Sa Majesté et sa cour de débiles décident de nous les piquer ! »
Tous trois se mirent à courir.
Tristan brandissait deux bombes aérosol dans ses mains comme si c'étaient des pistolets.
« Prépare-toi — un groupe de cette taille peut faire de gros dégâts. Le truc, quand elles viennent vers toi, c'est de vaporiser en arc de cercle, comme ça. » Il agita les bras en un geste semi-circulaire. « Protège-toi, surtout les yeux ; elles attaquent toujours les yeux en premier. Tu as vu ce qui est arrivé à Anne. Si on est touché aux yeux, la panique prend le dessus et on oublie tout son entraînement. Et c'est foutu. »
Zoey tenait sa bombe bien droit devant elle.
« Je suis prête. Allons-y. » Elle se sentait étonnamment forte et compétente, la montée d'adrénaline lui faisait oublier sa douleur au dos.
Tristan sourit, et il donna un coup de pied dans le poteau. Les fées cessèrent de manger et dévoilèrent leurs dents pointues. Elles n'étaient pas contentes de devoir interrompre leur repas.
« Tiens-toi prête ! » Tristan recula d'un bond.
Les fées s'élancèrent dans les airs en hurlant comme des sirènes assourdissantes et fondirent sur eux. On aurait dit un raid aérien. Pas moins de cinquante fées en colère fondaient sur eux comme un essaim de guêpes enragées. Les fées se séparèrent en trois groupes et passèrent à l'attaque.
Le groupe de fées le plus gros et le plus proche se rua sur Tristan. Il tournoyait sur lui-même tout en les vaporisant. Il s'enveloppa d'une couche de brume protectrice, tel un cocon. Les fées assaillaient le mur de gaz mais elles étaient aussitôt pétrifiées et tombaient sur le sol. Des tas de fées immobiles gisaient aux pieds de Tristan.
Du coin de l'œil, Zoey vit Simon plonger sous un tronc d'arbre abattu. Il hurlait comme une fillette, mais entre ses cris, elle l'entendait vociférer : « Prends ça ! Et ça ! Un peu plus par ici ! Sales petites vermines — aïe ! »
Le troisième essaim se rua sur Zoey.
Elle se campa fermement sur ses pieds, jambes écartées. Elles fonçaient sur elle en ligne droite. Comme Tristan le lui avait montré, elle lança le bras et vaporisa en arc de cercle. Les dix premières fées tombèrent raides comme des pierres.
Puis elles se séparèrent. Avant qu'elle comprenne ce qui lui arrivait, elles l'attaquaient par derrière. Elle hurla en sentant leurs griffes acérées s'enfoncer dans sa peau. Elle tendit le bras gauche vers l'arrière et essaya de les arracher. Mais en vain. Elles étaient collées à elle. La douleur et la panique commençaient à l'envahir. Elle sentit leurs dents lacérer sa nuque, puis un liquide chaud coula le long de son dos. Elles lui mordaient les bras et les jambes, jusqu'à la recouvrir intégralement. Elles pesaient sur elle, l'empêchant de bouger. Elles allaient la déchiqueter.
Puis un déclic se fit en elle. L'adrénaline jaillit dans ses veines, et son instinct prit le dessus. Elle ferma les yeux et commença « à tourner sur elle-même comme une toupie. D'abord lentement, puis plus vite, elle vaporisait autour d'elle. Elle ne retira pas son doigt de la bombe aérosol pendant une bonne vingtaine de secondes. Les fées, immobilisées, se mirent à tomber sur le sol à ses pieds, et sa douleur cessa.
Quand elle s'arrêta de tourner et qu'elle ouvrit les yeux, les fées jonchaient le sol autour d'elle comme un tapis de fourrure.
« C'était dément ! fit Tristan en arrivant à son niveau. J'ai cru un instant que tu avais des difficultés, mais tu as carrément assuré. Tu es une pure et dure. Je le savais. »
Zoey se passa la main sur la nuque. Ses doigts étaient tachés de rouge. « Pas si dure que ça — elles m'ont bien eue. »
« On n'a rien sans rien », dit Tristan en souriant.
«  C'était trop génial » Simon traînait son sac derrière lui. Il regarda tout autour de Zoey. « Nom d'un petit bonhomme ! Tu en as combien, là ? Une vingtaine on dirait. Bon sang, je n'en ai que six ! Je suis lamentable, vraiment ! Dieu merci, je suis divinement beau, ça compense. »
Zoey ne parvenait pas à cacher sa fierté en fourrant les fées dans son sac. Lorsqu'elle eut fini, elle en avait vingt et un. Peut-être battrait-elle le record de Tristan ce soir.
« Tu crois que personne ne peut te surpasser ? »
Stuart arrivait vers eux à grandes enjambées, accompagné d'une fille magnifique aux longs cheveux bruns flottant sur ses épaules. On aurait dit un top model. Zoey perdit aussitôt toute sa contenance, et elle se réjouit de ce que l'obscurité alentour cache son visage rougeaud. Le mannequin était suivi par un autre garçon qui ressemblait à un gorille en jean et en t-shirt. Ils portaient tous au doigt les mêmes anneaux sertis d'un rubis.
« J'en ai déjà trente, et la soirée ne fait que commencer, fit Stuart. C'est moi qui battrai le record cette fois. »
« Dégage, Stutu, dit Simon d'un air las. On se fiche de savoir combien de fées tes amis ont capturées pour toi. Tu n'as pas rendez-vous chez l'esthéticienne par hasard ? Je trouve ta peau un peu grasse. »
« La ferme, crapaud — personne ne t'a sonné », siffla Stuart.
Simon riait sous cape. « On m'a donné beaucoup de surnoms mais jamais celui de crapaud. C'est censé être une insulte ? »
Stuart darda sur Simon un regard assassin et se tourna vers Zoey. « Tu veux prouver que tu es des nôtres ? » lança-t-il d'un air de défi.
Zoey le regarda droit dans les yeux. Son regard bleu délavé était si froid qu'elle se sentait mal à l'aise.
« Qu'est-ce que tu mijotes ? » Elle savait qu'il avait quelque chose derrière la tête.
Stuart sourit et désigna un endroit éloigné dans le champ. « Tu vois ce gros rocher, là-bas ? Et bien, il y a au moins quarante fées derrière, elles attendent d'être vaporisées. Tu crois que tu peux t'en charger ? Ou as-tu trop peur pour ça ? »
Zoey suivit son regard. Elle pouvait voir le rocher, mais il était trop loin et il faisait trop sombre pour apercevoir les fées.
« Je ne comprends pas — pourquoi tu n'y vas pas, toi ? demanda-t-elle. Tu veux le record ? Pourquoi me dis-tu ça ? »
« Vous voyez ? Je vous avais dit qu'elle ne le ferait pas, fit la fille en battant ses longs cils tout en regardant Tristan. Elle n'est pas comme nous. Elle a peur. Pourquoi tu ne rentres pas chez toi pour pleurer dans les jupes de ta mère ? Oh attendez — j'oubliais — tu n'as pas de mère. » Le gorille et elle éclatèrent de rire.
« Ferme-la, Claudia, dit Tristan. Tu ne la connais même pas. C'est la personne la plus courageuse que je connaisse. Elle n'a peur de rien. »
Zoey sentit le sang lui monter au visage.
Les joues de Claudia rougirent. « Alors pourquoi a-t-elle besoin que tu prennes sa défense ? le taquina la fille. Tu es quoi, son petit ami ? J'aurais cru que tu avais meilleur goût, Tristan. Elle n'est même pas jolie. »
Zoey jeta sur la fille un regard noir qu'elle espérait particulièrement haineux.
« La beauté ne fait pas tout, asperge. Au moins moi, je mange. »
Avant que Claudia ait pu rétorquer quoi que ce soit, Zoey se tourna vers Stuart. « Je n'ai pas peur. Je croyais juste que tout le monde voulait la récompense, y compris toi. »
Stuart sourit. « Puisque tu n'as pas peur, voyons comment tu te débrouilles contre quarante fées », railla-t-il.
« Si tu es vraiment l'une des nôtres, alors ça ne devrait pas être un problème. Combattre les mystiques devrait être dans tes gènes. »
Son visage était de marbre. « Tu dis que tu es comme nous. Prouve-le. »
Zoey ne savait pas quoi répondre. Il la faisait bouillir et lui donnait constamment des frissons. Elle détestait la façon dont il la faisait passer pour une incapable sans valeur. Ses amis et lui finiraient-ils par l'accepter si elle capturait toutes ces fées ? Elle en doutait. Elle fonça vers le rocher sans dire un mot. Elle savait qu'elle ne pouvait pas faire confiance à Stuart. Elle le détestait plus que n'importe quelle personne au monde, mais elle n'allait pas le laisser tout gâcher.
« Zoey ! Tristan courait à côté d'elle. Attends ! Il y a quelque chose qui cloche — ce doit être un piège. On ne peut pas faire confiance à Stuart ! Tout ce qui sort de sa bouche est un mensonge. »
« Il a raison, fit Simon en trottant à côté d'eux. Ne fais jamais confiance aux Leroy. Je préfère m'arracher le cœur à la petite cuillère plutôt que faire confiance à un Leroy. »
« Il m'a lancé un défi, je le relève. »
Zoey voulait juste prouver à tout le monde qu'elle faisait partie du groupe. Elle attraperait toutes ces fées, même si c'était la dernière chose qu'elle accomplissait. Elle en était capable. Zoey se retourna et leva les mains. « Vous devez rester ici, les gars. Je dois y aller toute seule. » Elle ne donnerait pas à Stuart la moindre occasion de l'accuser de s'être fait aider.
« Quelque chose ne tourne pas rond, je le sens, dit Tristan. Stuart est méchant, Zoey. Tu ne le connais pas aussi bien que nous. Il ne te donnerait pas une telle chance. Il prévoit quelque chose. »
« Je crois qu'il est méchant de naissance », acquiesça Simon.
« Pas grave, dit Zoey. Si vous ne me laissez pas y aller seule, ça ne cessera jamais. En plus, ça ne peut pas être si terrible, juste davantage de fées. Faites-moi confiance, je peux le faire. »
Zoey se dirigea vers le gros rocher, brandissant son spray devant elle comme une arme. Elle jeta son sac à terre — elle allait avoir besoin de toute sa liberté d'action.
Le rocher était de la taille d'un vaste hangar, et au-dessus, quarante fées étaient assises sur un gros amas de fils qu'elles grignotaient pour aspirer le courant électrique comme une bande de rats affamés. Elles ignorèrent complètement Zoey. Elle devait trouver un moyen d'attirer leur attention.
« Eh, vous, là-bas ! » appela-t-elle. Mais c'était comme si les fées ne l'entendaient même pas. Elles continuaient de manger sans jeter un seul regard dans sa direction.
« Eh, affreuses petites créatures ! » cria-t-elle de plus belle en agitant les bras.
« Oui, c'est à vous que je parle ! Vous voulez descendre jouer ici ? Eh, les fées ! »
Mais c'était comme si elle n'existait pas. Les fées continuaient de festoyer en se balançant d'avant en arrière sur le fil électrique, ivres et hallucinées. Tout ça pour ça, se dit Zoey. Frustrée, elle parcourut le sol du regard à la recherche de quelque chose à leur lancer.
C'est alors que se produisit une chose à laquelle elle ne s'était pas attendue.
Le gros rocher bougea et ouvrit les yeux.

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