Les Chroniques d'Idan (tome 2) : La Première Reine

Chapitre XXI

Assise sur la plus haute falaise d'Idan, je regarde le soleil se lever. Mes différents voyages s'additionnant à la perte de mon côté angélique, la fatigue a eu raison de moi en quelques minutes.

A peine avais-je passé la porte de la chambre que j'ai sur Idan que j'étais déjà dans les bras de Morphée. Cependant, ne perdant pas mes habitudes, je m'étais levée assez tôt pour assister au lever du soleil. Je trouve cela fascinant.

Il me rappelle que je suis en vie, que je suis libre et que je me dois d'en profiter. Habituellement, j'aurai laissé mes ailes se réchauffer grâce à la douce lueur de l'astre, mais pas cette fois. Je baisse les yeux, accusant le coup.

Avec tout ce qu'il s'est passé, je n'ai pas eu un seul moment pour me rendre compte de toutes les conséquences de cette perte. Certes, je ne pourrais plus voler, les Démons me verraient comme l'une des leurs et j'ai probablement perdu mon âme, mais ça veut aussi dire que le Lien est rompu, puisqu'il était en connexion avec mon côté angélique.

Je ne suis plus l'Ange Protectrice de Samantha. C'est sans doute à un nouvel Ange que cette tâche va incomber et je ne sais même pas comment lui avouer. Un gémissement sort de ma gorge et je prends ma tête dans mes mains. Je déteste me sentir impuissante.

Avec rage, j'envoie un caillou dans l'eau déferlante sous mes pieds. Accueillant mon offre comme un cadeau, la mer l'engloutit. Pourtant, ma peine, ma détresse et ma vulnérabilité restent, elles.

Une compagnie indésirable et dont j'ai pourtant besoin. Une fois seule, il ne me restera plus que ça. Un cri déchire le silence et je baisse les yeux vers la masse sombre pour y découvrir une tête humanoïde aux cheveux verts, qui m'observe d'un air mauvais.

La sirène me fait un doigt avant de replonger, frappant la surface suffisamment fort avec sa queue que je reçois des myriades de gouttelettes d'eau sur le visage. Avec un grognement, je les essuies et me promets que le jour où je récupère mes ailes –si c'est possible-, je vais noyer ce poisson.

Puis, sa tête reparait quelques centimètres plus loin afin de m'adresser un sourire vainqueur, me relancer le caillou et me montrer ses crocs. Je déteste les sirènes, tout comme je n'aime pas nager.

J'attrape le caillou avec aisance et j'entends un rire étouffé dans mon dos. Thomas s'approche de moi et se pose sur la falaise, à quelques centimètres du bord. Ses yeux scrutent la mer et je devine sa peur.

— Tu as le vertige ?, je demande.

Thomas hausse un sourcil et me fixe.

— Non, j'adore m'asseoir au bord d'une falaise si haute qu'une simple chute me tuerait avant même d'atteindre l'océan, ironise-t-il.

Mon corps est secoué d'un rire incontrôlable. Je le regarde et constate qu'il en est de même pour lui. Notre fou-rire dure plusieurs minutes avant que je ne me souvienne que le soleil est déjà presque au-dessus du niveau des vagues.

— Je suis contente de te retrouver, monsieur le Dauphinateur, je murmure, les yeux sur l'horizon.

Il sourit et je l'entends souffler.

— C'est un surnom pour gamin, se plaint-il.

Je tourne la tête vers lui, les yeux ronds.

— Attend, qu'est-ce que tu as dit ?

Thomas soupire.

— J'ai vingt ans, plus douze. Je ne peux pas continuer à supporter ce sobriquet ridicule, avoue-t-il.

Ma bouche s'ouvre et je repars dans un grand élan de rire, avant de me rendre compte qu'il était sérieux. Je fronce les sourcils, mes lèvres se rejoignant en une fine ligne. C'est moi qui l'ai surnommé ainsi quand il avait onze ans –et non douze-, à cause de passion pour les dauphins.