Les Chroniques d'Idan (tome 2) : La Première Reine

Chapitre XXXVII

Contrairement à ce que l'Homme pourrait penser, l'autre côté de la Faille n'est pas toute blanche, ou toute noire. Ce n'est pas non plus un champ en bord de mer, une plage lors d'un coucher de soleil ou un luxuriant jardin à l'image de la Bible. 

Ni même une dimension remplie d'étoiles, de galaxies et de planètes. Malgré toutes mes croyances et mes années de découvertes, je n'ai pu retenir un petit recul de surprise en traversant la Faille. 

Ce que j'ai sous les yeux semble si réel...mais ne peut pas l'être. En fait, c'est tout bonnement un miroir de notre réalité. En surgissant de l'autre côté de la Faille, Samantha et moi sommes arrivées à notre point de départ. Seulement, de ce côté-ci, il n'y a aucun Archanges. Seulement nous et un grand silence.

— Il y a quelqu'un ?, demande timidement Samantha.

Seul le bruissement de quelques feuilles nous répond. Autour de nous, l'ancienne station de métro semble plus déserte que jamais. Il y a moins de gravas, cependant. Sans doute parce que de notre côté, les créatures du Chaos ont détruits le plafond de la station pour s'enfuir. 

Alors qu'ici, il est toujours présent. A quelques exceptions près, où des années d'abandons ont fait leur travail et créée quelques ouvertures maladroites. La Banshee se tourne vers moi et m'adresse un regard d'incompréhension. Quelqu'un voulait que nous voyions cela, mais pour quelle raison ? Et qui ? Nous amener ici n'a aucun sens si on ne peut avoir les réponses tant attendues !

— Je ne comprends pas. Elle voulait que l'on vienne ici ! Pourquoi n'est-elle pas à ?, lâche la jeune femme.

Je peux sentir un début d'énervement de la part de la jeune femme. L'incompréhension se mêle à la pression posée sur ces épaules et elle est au bord de la crise de nerf. Seulement, je ne peux pas vraiment l'aider, puisque je ne comprends même pas ce que je fais là. 

Je ne sais même pas qui nous a voulu là. Par contre, Samantha semble savoir et c'est peut-être bien ce qui l'énerve autant. Encore une fois, je comprends. Qu'est-ce qu'il y a de pire que de donner rendez-vous à quelqu'un puis de lui poser ce genre de lapin ? 

Surtout quand le rendez-vous se trouve dans une dimension dont nous ignorions tout jusqu'à aujourd'hui. Et si jamais il nous était impossible de survivre plus de quinze minutes dans cet endroit ? Si nous devions à mourir ici, est-ce que nos âmes repartiraient à travers la Faille ?

— Qui est « elle » ?, je réplique pour éloigner de moi les pensées noires qui affluent.

Samantha se tourne à nouveau vers moi, visiblement surprise. Elle ouvre la bouche puis la referme, sans rien me dire. Tel un poisson. 

Je me contente de hausser un sourcil, attendant la réponse. La jeune femme se met soudainement à marcher, tourner en rond. Mon Dieu comme c'est énervant. Roulant des yeux, je lui attrape le bras et le force à me regarder, arrêtant tout mouvement superflu.

— Sam', arrête de te fatiguer. Il n'y a personne, alors rentrons, je soupire.

La jeune femme baisse la tête, des larmes pointant dans ses jolis yeux verts. Elle recommence à faire le poisson, visiblement incapable de mettre des mots sur ce qu'elle tente d'exprimer. 

Touchée, je lui lâche le bras et l'attire contre moi, la laissant sangloter contre mon épaule. Cela dure quelques secondes avant qu'elle ne se ressaisisse et arrête de pleurer, plongeant son regard émeraude dans le mien.

— Elle a dit qu'elle serait là. Qu'elle viendrait. Qu'elle allait tout m'expliquer, répète Samantha.

Je lui souris et joins ma main à la sienne, entrelaçant nos doigts.