Chapitre XVI

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Un craquement se fait entendre derrière moi. Je continue de courir, sans m'arrêter. Le souffle court, je ne tiens que grâce à l'adrénaline qui gonfle mes petits muscles d'enfants. Devant moi, la sortie de l'Enfer me fait face, non-protégée. 

Des cris me parviennent, légèrement étouffés par la distance. Je n'ai que quelques minutes pour prendre ma décision. Dois-je faire demi-tour et me rendre, espérant que mon père ne me retrouve avant qu'elle ne me torture.... ou dois-je quitter l'Enfer, me mettant en danger ? 

Je n'ai pas le temps de prendre ma décision qu'une main agrippe mon bras maigrelet et m'entraîne vers la sortie. Dans le plus grand silence, je vois Dame Madera s'arrêter et pousser un cri de rage en comprenant qu'elle ne pourra pas m'atteindre. 

Autour d'elle, les démons qui l'adulent sont penauds et craignent sa colère, qui ne tardent pas. Elle égorge l'un d'eux et brise la nuque du second à mains nues, faisant fuir les autres. Une fois qu'elle a quitté mon champ de vision, mon père s'écarte et m'observe. Il me sourit, tandis que je baisse les yeux, sentant les larmes me piquer. Mon nez doit être tout rouge quand mon père me force à lever les yeux. 

 —  Tu crois qu'elle m'aimera, un jour ?, je demande, la voix brisée. 

Lucifer me prend dans ses bras, sans répondre à ma question. Je laisse libre court à mes larmes tandis que dans le dos de mon père, ses larges ailes s'étendent. Sans que je m'en rende compte, je suis dans les airs avec lui. Mes sanglots s'arrêtent et j'observe le monde qui s'étale à mes pieds. Je pourrais voler aussi, si mes ailes n'étaient pas aussi petites. 

Mon père dit qu'un jour, j'aurai les plus grandes ailes que l'Univers a jamais vu. Il n'a jamais parlé de leurs couleurs pourtant. Je sais qu'elles reflètent mon métissage... En-dessous de nous, des hommes vivent sans lever la tête. Pour eux, nous sommes cachés par les nuages. Ils ne nous verront jamais. Ils ne sauront pas qui nous sommes. 

C'est ainsi qu'ils seront en sécurité. Sous mes yeux, la terre fait place à la mer, la mer à l'océan et d'un coup, l'océan fait place à une île. Mon père s'y pose doucement et recule, rangeant ses ailes. 

Dans notre dos, des bruits de sabots se font entendre. Je connais ce bruit. Les hommes n'ont encore jamais réussi à attraper de chevaux. Alors où sommes-nous ? Je me tourne vers le bruit, ouvrant de grands yeux devant cette vision presque divine. 

Chevauchant un destrier blanc comme la neige, une jeune femme aux longs cheveux noirs, portant une bande d'or sur le front, nous fait face. Elle est seule. Aux côtés, elle porte une épée magnifiquement sculptée et qui paraît tranchante. 

Son cheval est très simplement harnaché, une simple cordelette. La jeune femme s'arrête à quelques pas de nous, nous surplombant depuis son cheval. Puis, après un instant, elle saute à terre, me permettant de regarder ses vêtements. Elle porte une tunique grise, avec des sandalettes de même couleur. Des symboles noirs gravés dans sa peau lui recouvrent les bras.

— Que puis-je pour toi Lucifer ?, demande la femme. 

Mon père sourit et pose ses mains sur mes épaules, me poussant vers elle. Je n'ai pu détacher mon regard de cette créature, me demandant véritablement ce qu'elle était. Elle respire la puissance et la violence, alors qu'elle est mince et ne semble pas plus musclée que ça.

Avec un soupir, la jeune femme me tend la main et je l'attrape, trop heureuse qu'une personne de sexe féminin ne m'accorde un peu d'attention. 

D'un geste, elle me soulève et me pose sur son cheval. C'est une sensation que je ne connaissais pas. C'est chaud et assez agréable pour le moment. J'observe l'échange entre les deux adultes, tout en flattant l'encolure du cheval, qui ne semble pas s'en formaliser. 

Les Chroniques d'Idan (tome 2) : La Première ReineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant