Embrassez qui vous voudrez

Chapitre 6 - Janvier - Faille spatio-temporelle

                La journée de ski un lendemain de veille était plus difficile à assumer que Margaux ne l'avait cru. Elle était revenue dans sa chambre à 16 heures et s'était affalée sur son lit pour s'endormir comme une masse pendant deux heures. Antonin n'avait pas bougé du chalet et avait entretenu sa future cirrhose du foie avec d'autres gens du cercle. Comme il était baptisé philo et lettres, les ingénieurs trouvaient cela amusant de le surnommer Queen A alors qu'Antonin n'était en rien homosexuel. Mais il ne prenait pas ça mal du tout, pour lui, ça n'était en rien une insulte.

              Le repas se passa bien cependant la traditionnelle raclette était quand même un peu lourde pour ceux qui avaient bu toute la journée. Vers 23 heures, il ne restait plus qu'une vingtaine de personnes dans la salle commune. La plupart des mecs étaient déjà dans un état de déchéance avancée, l'un des mecs de l'A.S.B.O. (l'Ordre Académique du cercle des ingénieurs) avait vomi plusieurs fois.

               Margaux était affalée sur un fauteuil, Justine assise à terre contre ses jambes, parmi d'autres filles. Ça parlait de mecs, de sexe, de maquillage et un peu des cours. Comme d'habitude. Et Margaux ainsi que sa grande langue monopolisait l'attention sans s'en rendre compte. Elle adorait faire son show, n'étant pas d'un naturel effacé. Dès qu'elle avait un fou-rire, tout le monde se retournait vers elle et puisqu'elle détestait les moments de silence, elle faisait tout pour les combler. On pouvait dire d'elle qu'elle était un moulin à parole. Et comme elle était dotée d'un charme fou avec ses petites rondeurs, son sourire ravageur, ses cheveux blonds bouclés et ses grands cils toujours bien maquillés, elle en faisait craquer plus d'un. Mais toujours pour une nuit. Jamais pour une relation officielle et publique. Comme si s'afficher avec elle était une honte... Même si elle préférait se réconforter en se disant que les mecs savaient qu'elle ne tomberait jamais amoureuse d'eux et qu'ils ne voulaient pas souffrir.

- T'as couché avec combien de mecs ? l'interrogea une des filles calottée Namuroise.

- Moins que Justine ! se moqua Margaux en tapotant l'épaule de son amie.

- À la rentrée je fête mon 50ème, les filles ! déclara la petite décolorée, tout sourire.

- Comment ça ?

- J'en suis à 48 mais je compte bien m'en faire deux d'ici la fin du séjour ! dit-elle d'une voix bourrue.

          Margaux éclata de rire en voyant les visages choqués des filles autour d'elles. Bien sûr, ses conquêtes à elle n'atteignaient pas un tel nombre mais elle avait l'habitude des histoires de Justine.

- Nous on a Emma. C'est la bleuette qui se tape le plus de mecs, informa une brunette du C.I.

- Mais elle est chouette ! rétorqua Justine.

- Pourquoi ça ne m'étonne pas que vous soyez amies ? se moqua la brune.

           Un mec un peu barbu, mince avec un bonnet et un sweat à capuche bordeaux s'approcha des filles. Il était plutôt sexy et Margaux savait d'avance que Justine allait jeter son dévolu sur lui.

- Est-ce que ça vous dirait d'aller à une soirée ? proposa-t-il.

          Justine se leva en une fraction de seconde, suivie par la brune et une des filles à la voix fluette qui prit la main de Margaux pour l'entraîner.

- On doit mettre quoi ? demanda la blonde tandis qu'elle était emmenée de force.

           Le barbu se tourna vers elle alors qu'ils arrivaient justement dans le hall du chalet déjà remplit de gens enfilant manteaux et bottes.