"J'veux que t'arrêtes de te faire du mal."
C'est tellement facile à demander. Comme si j'allais claquer des doigts, et plus ressentir ce besoin de trouver mon aide dans la douleur, dans toutes les mauvaises choses possible. Comme si je pouvais simplement ignorer les tirs de ma lame pourtant si bien cachée, qui me promets qu'elle fera sortir par les plaies rouges que je formerai toute la douleur qui se trouve au fond de mon être. Comme si je pouvais oublier ce sentiment de bien être que je sais qu'elle me procurera, ce sentiment d'être enfin remplie après tant d'année de vide béant. C'est tellement facile de demander ça sans même se demander pourquoi j'en ai besoin. Peut-être que je ne répondrais pas à ce pourquoi, parce que c'est bien trop difficile à comprendre pour quelqu'un de normal, comprendre que j'en ai besoin, que plus je me ferais du mal, plus je me sentirais bien, que c'est une drogue comme la cigarette ou la cocaine, quelque chose de mauvais mais qui soulage tellement, comprendre que si je le pouvais je ne le ferais pas car je m'en fou bien d'attirer l'attention malgré vos pensées idiotes, que si je pouvais arrêter je le ferais en un claquement de doigts, mais je peux pas. C'est comme essayer de pleurer quand on en a tant envie, ça brûle, ça brûle, et ça n'arrête de brûler que quand le soulagement vient; quand les larmes se mettent à couler. C'est tellement facile de dire à un drogué d'arrêter. Comme si vous pensiez être les sages qui apprennent à l'idiot, comme si personne n'avait jamais demandé ça. Vous pensez m'apprendre quelque chose, à me répéter que c'est mauvais pour moi? Quelle idiote penserait que c'est bien de se faire saigner, de se détruire petit à petit. Si je savais par quoi le remplacer, si je connaissais la solution... Et au final, la solution est simple; le seul moyen d'arrêter, c'est de ne jamais avoir commencer. Parce que dès le moment où vous ressentirez le bien-être qu'une entaille peut procurer, vous ne jurerez que par ça; la souffrance résout la souffrance. Parce que j'ai arrêté. J'ai arrêtée des mois et des années, mais il suffit d'un petit moment d'égarement et c'est reparti. Un petit moment d'abandon et vos bras refleurissent de sang et de cicatrices chaque jour qui défile. Une personne qui se mutile est bien similaire à un fumeur, voyez vous: le fumeur arrêtera des années, il suffira d'un moment d'égarement, d'un moment d'abandon, et il reprendra une cigarette pour le plaisir, en se promettant que ce sera juste la seule fois, alors qu'en réalité il reprendra son quota habituel qu'il avait pourtant réussi à abandonner pendant si longtemps. Parce que si c'était aussi facile que vos phrases prononcées, on n'aurait jamais commencé.
"Promets moi d'arrêter."
"Tu m'avais promis."
Mais que voulez-vous que je vous dise à la fin? Je suis bien obligée de vous le promettre, c'est fait machinalement, c'est devenu un réflex. Car je sais que si je vous disais la vérité, vous continuerez à forcer sur la marche, comme si vous connaissiez quelque chose à cette douleur. Vous demandez des exploits, vous osez dire qu'il y a des gens qui ont pire, qu'il suffit de faire des efforts, mais vous les connaissez, vous, ces efforts? Cet effort inhumain qui est de réussir à se lever le matin avec cette peur d'affronter une nouvelle journée, qui se transformera un jour en ennui, puis en dégoût? Cet effort inhumain qui est de sourire et d'agir comme si tout allait bien, de s'en persuader, de tout faire pour, de vivre la vie normale qu'on vous demande, comptant les secondes qui vous relient au moment où vous oublierez tout, au moment où vous fermerez les yeux dans votre lit qui est le seul endroit qui vous permet de mourir pendant quelques heures? Vous voyez les métros, voitures, et autres engins comme des simples moyens de transports, nous les voyons comme des moyens quasi-direct vers l'au-delà. Vous voyez les rasoirs comme un moyen de vous dépoussiérer, de vous rendre plus beau, nous les voyons comme un moyen de se vider les veines pour trouver au mieux un réconfort ou même une morte lente mais efficace. Vous voyez les cordes comme un moyen d'attacher un bateau à son port, nous les voyons comme un noeud resserre autour de la nuque, aspirant petit à petit la vie hors de nous. Vous voyez les médicaments comme un moyen de relâcher la douleur, mais nous aussi, seulement nous les voyons comme un moyen de relâcher la douleur à jamais, de nous faire fermer les yeux pour ne plus jamais les rouvrir. Vous voyez les hauteurs comme une peur ou comme quelque chose de magnifique, nous les voyons comme une chute ou l'atterrissage aussi violent soit-il nous fera quitter ce corps si douloureux. Vous voyez les rivières, mers et océans comme un endroit où naviguer et se baigner, nous les voyons comme quelque chose qui nous aspirera vers ses profondeurs, vidant notre air et remplissant d'eau ce vide irremplaçable, nous faisant enfin disparaître. Vous voyez les choses si belle et si... normale, comme nous les voyons comme des moyens de s'échapper de cet enfer qu'est devenu la vie. Vous osez parler comme si vous y connaissiez quelque chose, mais vous ne pourriez jamais imaginer ce qu'est de ne pas être bien dans son propre esprit, de ne pas supporter cette vie pourtant identique à la votre. Nous ne savons pas vivre, nous ne pouvons pas, nous sommes des êtres qui rejettent la vie.
Si nous pouvions seulement vivre aussi bien que vous.
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Extrait d'histoire (FR)
Short StoryCes histoires n'ont pas vraiment de lien entre elles. Ces histoires n'ont souvent ni début, ni fin. Ces histoires sont juste des histoires que j'ai écris il y a longtemps. Ces histoire parlent souvent de choses tristes, comme la dépression, les coeu...