Chapitre 17

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« Cours ! Putain Gab, cours et t'arrêtes pas !! »
Tel le première coup de fusil, la brindille craqua sous le pied furtif du soldat. Elle sursauta. Un regard sur les côtés, un regard en arrière, mais hélas, elle ne voyait rien de plus que les ombres démoniaques des arbres scrupuleux, leurs multiples bras branlants, habillés d'une crinière drue mouillée par la pluie. Il n'y avait dans ce silence maudit que le souffle enjoué de la jeune fille.
Elle courait, se cognant à tout buisson venant là, crachant ses poumons à chaque pas de plus.
Déjà, dans les redoutés ténèbres, elle était seule. Charlie n'était qu'un souvenir à des dizaines de lieux plus loin. Pourquoi elle ? Une branche la fouetta de pleine face, tantôt une goutte de sang coula, tantôt une goutte d'un nuage grincheux. Dans cette forêt indifférente à toute douleur, ou l'indulgence n'était que rumeur, bruits ou hurlements rythmaient avec l'inconnu, rimaient avec terreur.

Le chant peureux de certains hiboux s'égailla, dès lors quelques étoiles persistaient dans le ciel, d'aucune bonne augure.
Gabrielle dérapa ou trébucha sur l'étendue humide parsemée de cailloux, mousses et autre, et s'écrasa au sol.
Elle n'avait pas envie de se relever. En avait-elle la force ?
Alors, dans une rapidité inouïe, furtivement, elle crue apercevoir les contours peu perceptibles d'un homme, se fondant presque dans l'horizon ocre. Cette vision l'eu percutée, elle l'a remit sur pied. Si c'était un allié, il fallait le rattraper ; si par ailleurs c'était un ennemi, il fallait le tuer.
Gabrielle bondit vers l'individu et le poursuivit, comme emplie d'une nouvelle énergie, plus vive et plus intense. Elle se sentait prête à traverser le monde entier. Si cela était pour arriver à ses fins.

De plus en plus près de lui, elle ne reconnu en cet être rien de familier. Il aurait dû porter un brassard jaune. Ce n'était alors ni un ami, ni un adhérent.
Il devait mourir.
Gabrielle se jeta sur lui, le poussant contre le tronc d'un hêtre fendu d'en haut. Dans un rayonnement lunaire, semblable à une décharge fantastique, transperçant la face de l'adversaire, et le visage à découvert détenait bien les traits aquilins trop fin et gracieux pour être ceux d'un homme. La femme se releva dans un gémissement de douleur et tenta une riposte.
« Okais, gamine. Tu veux jouer ? On va jouer.
Gabrielle se mit alors en garde. Elle ne devait pas perdre son temps, elle n'en n'avait que très peu. Elle ne comprenait pas tout et n'avait pas envie de tout comprendre, mais la personne qu'elle venait de surprendre accourait vers une base lointaine, et elle avait le pressentiment de devoir si rendre avant quiconque. Ce fut un combat rapide, agrémenté d'hight-kick, de coup de tête et de genoux mais Gabrielle ne se démenait pas non sans plaisir durant les entraînements et eu l'avantage facilement. Elle reprit vivement sa course en laissant derrière une ennemie inanimée, tapis dans l'herbe fraîche.

Gabrielle courait toujours, mais se sentait gagnée par la panique. Des cris, des... rires lui provenaient de la direction finale. Gabrielle accéléra mais suffoqua. Elle ne se savait pas aussi endurante, et le charme se romprait bientôt.
Elle sauta par dessus un buisson, évita de justesse un arbre, se baissa à l'approche d'une branche, mais cependant, sa botte cogna un rocher et le soldat s'étala au sol, dans la terre mouillée et souillée.
Lorsqu'elle releva sa tête salie, un spectacle affreux s'offrit à elle. Charlie était étendu sur un tas de feuille rouges. Rouges ? Un liquide pourpre se répendait lentement sur la végétation.
Gabrielle eu alors des hauts-le-cœur.
Sa vue se troubla, ses mains tremblèrent, sa tête tourna, vrilla. La jeune fille, titubant, rampant presque, bondit jusqu'à son ami, à demi s'envolant. Et dans un sanglot, plus sinistre que le ciel ou bien l'avenir du garçon, elle empoigna le cadavre de Charlie.
« CHARLIE!!!!!
Elle y découvrit un visage blafard, qui peignait un funeste destin pour eux. Charlie avait les yeux clos, les bras abattus de manière démoniaque dans leur sang, la bête d'une vie s'était éteinte ; l'âme pervertie par la mort.
Le glas sonna pour Gabrielle, son cri symbolique tinta dans toute la forêt. Elle embrassait le jeune homme qui ne connaîtrait jamais cela. Elle posa sur son front milles baiser lavés par ses larmes déchirantes, et le serra d'autant plus contre elle. Les sanglots drus la brusquèrent, elle et son défunt camarade.
- Charlie...Non Charlie, Charlie. CHARLIE !
Elle pleurait sans plus se contrôler. La sage Gabrielle avait perdu la raison, ainsi que Charlie. Charlie son meilleur ami, Charlie son plus vielle ami.

En tournant la tête, elle aperçut aussi, allongé et mort, son baraquement. Elle vit Ana, dont plus un souffle ne transperçait sa poitrine, et plus loin encore, Conny et Sasha. Ils étaient tous là, tous.
Gabrielle hurla, déchirant le silence mortel d'avec ses pleurs et ses terribles clameurs. 
Elle se releva en tenant dans sa main celle, froide et pâle, de Charlie. Puis, d'avantage seule présentement qu'elle eut vue son caporal-chef, yeux ouverts, affalé sur l'herbe, détrempé par la pluie. Il était sale et blême. Gabrielle chancela, ébranlée par cette réalité démesurée. Elle se laissa choir près de son aimé, se croyant plus morte que vivante.
Que s'était-il passé ? Comment pouvait-on tuer Levi ?
Gabrielle gémit, soupira, hoqueta. Ses plaintes semblaient éternelles. Les spasmes la soulevaient.

Mais alors qu'elle pensait tout espoir éreinté, Rivaille remua. Mais ce ne fut pas un homme aisé, inné qui s'assit, mais plus une personne dont l'apparence était momifiée. La peau du capitaine se décomposait par lambeaux, et les os saillants se distinguaient de par sa peau fripée et assurément mince. Les pupilles de ce dernier était jaunâtres et vitreuses, et lorsqu'il ouvrit sa bouche miteuse, ce n'était que pour en sortir un son désagréable et aigu. Il geignait le nom de la jeune fille.
Un écho sinistre.
Gabrielle...
Gabrielle..
Gabrielle.
Gabrielle !
GABRIELLE !!!

« Gabrielle !!
Je rouvris soudain les yeux. Les avais-je fermé ? M'étais-je endormie ? Était-ce un rêve ? Mais je sentait dès lors mes joues douchées de larmes amères. Je regardais alors devant moi et discernais Levi non pas à demi mort par terre, mais face à moi, tout près, trop près. Il me tenait les épaules et arborait une expression que je pourrais abuser d'inquiet.
Je pleurais toujours.
- Gabrielle, c'est fini. Il faut te reprendre. »
Je remarquait alors ne plus être seule au beau milieu de cadavres, mais loin d'être délaissée au centre de vivants qui me jaugeait d'en haut. Levi me parlait toujours mais la peur embrumait mes oreilles.
Et dans un frisson glacial me parcourant l'échine du dos, je surpris Charlie, et sa bonne tête éveillée. Je me dressais en percutant Rivaille, et jaillis vers Charlie pour l'attraper et le serrer jusqu'à adopter une teinte de peau fade comme la mort. Les pleurs revinrent de plus bels et je murmurais inconsciemment mon bonheur. Ma joie de le, les, savoir en vie m'envahit le cœur et je n'eus plus jamais l'envie de leur dire ou faire du mal.

Je lâchais prise en embrassant une dernière fois Charlie qui était plongée dans l'incompréhension, et fit volte face pour agripper les lèvres de Levi et ne pas les abandonner.

Plus tard, alors que la 104e était encerclée autour d'un feu, repue de cette journée particulièrement émotionnelle pour certains, le major  Erwin Smith s'éleva devant les flammes qui mordaient les étoiles, et prit la parole.
« Nous avons aujourd'hui testé, sur plusieurs d'entre vous une boisson de peur. Celle-ci permet à celui qui la boit d'être immergé dans un rêve plus que réel, et ainsi braver l'adversité sous tout les angles. Les résultats ont démontré que tout pouvait être à l'épreuve et exercé à son bon vouloir. La peur même se dresse ! En lui faisant face et l'affrontant, vous ne la craignez face aux titans. Elle vous permet le contrôle sur vous et vos vie.
Il marqua une pause en nous observant un à un. Son regard hagard s'attarda sur ma personne et j'y lisais de la haine et de la peine. Il savait le vécu de ma journée et ma réaction désastreuse. Je devais désormais me montrer moins cocasse et délicate, mais audacieuse et confiante. Ardente.
- Ces semaines suivantes ne seront occupés que pour combattre la peur. Vous vous entraînerez comme pour mourir ou voir quelqu'un mourir. Je ne veux voir personne faiblir.
Je repensais alors à mon comportement, ma fragilité devant une possible perte d'un de mes proches. Je devais être plus forte pour eux, les défendre sans peur.

N'avoir dans le cœur que le sentiment de réussite inassouvie. 

« Gabrielle ? » La voix qui me parvint n'avait rien d'enjouée, mais plutôt triste. Je me retournai doucement, et découvrit avec stupeur et effarement ce que je  pensais, et ce que je ne ne voulais jamais voir se produire.

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