22. La porte de la mort

40 10 0
                                    

-Il est quelle heure chez toi ? William me demande.

-Il est minuit.

-Où es-tu en ce moment? Est-ce que quelqu'un peut nous entendre?

-Non, je suis dans un champs, en dehors de la ferme. Personne ne risque d'arriver, le couvre feu est déjà en place, plus personne n'est dehors.

-Le couvre feu? Il demande, perplexe.

-Et toi, où es-tu ? Personne ne peut nous entendre? Je répète sa question qui semblait si professionnelle, comme si nous étions deux agents secrets, deux espions. 

-Je suis dans mon appartement. Il n'y a personne avec moi.

-Tu vis seul?

-Oui, ça te surprends?

-C'est interdit de vivre seul, ici. Il faut vivre en famille, ta famille de naissance ou celle que tu fondes, mais on ne peut pas acheter de maison si on n'est pas mariés. Il n'y a pas assez de place pour laisser les gens prendre de la place à eux tout seuls

-J'étais marié. J'aimerais juste, il fait une pause pendant une longue seconde, ne pas parler de ça s'il te plait... C'est un sujet sensible.

-Oui, pardon. 

Un silence gênant se fraie une place dans la conversation. Je me demande quel âge il a. Et je me demande si sa femme est morte, ou si elle est partie. Je me demande si ils avaient des enfants, mais ce sont des questions que je ne pourrais pas poser.

-Parle-moi de Redox alors, si tu ne veux pas me parler de toi.

-Qu'est-ce que tu veux savoir?

-Comment le monde s'est-il reconstruit, en dehors de chez nous? Est-ce que vous avez des contacts avec les autres continents? Est-ce qu'il y a eu d'autres guerres?

-Je ne savais pas qu'on vous apprenait l'histoire, dans la Nation.

-Il faut bien qu'ils nous expliquent pourquoi on est enfermés, tu ne penses pas?

- Tu te trouves enfermée?

Je ris jaune.

-Tu te fous de moi, William? Tu fais exprès de ne pas voir qu'une barrière infranchissable nous entoure ici? Toi, tu es libre, libre d'aller où tu veux, aussi loin que tu veux. Mon monde a des limites. Des limites que tu ne connaîtras jamais. J'entends un bruit léger. Celui d'un crayon qui effleure du papier. Qu'est-ce que tu fais? Le bruit s'arrête. William ne me réponds pas. Tu écris ce que je te dis en ce moment? Tu retranscrit notre conversation?

-Ne prends pas peur, je veux juste oublier aucun détails de ce que tu dis.

-Pourquoi? Il a raison, je prends peur. Je ne me sens jamais en sécurité quand je lui parle. J'ai l'impression que tout pourrait basculer en un instant.

-Toute ma vie j'ai marché le long du champ de force, me demandant ce qu'il se passait à l'intérieur, me demandant si les gens étaient comme nous, quelle genre de vie ils avaient. Depuis que je suis enfant je me pose des milliers de questions sur la Nation. Il prend une seconde pour respirer. Et là, d'un coup, le champ de force devient transparent, et tu es là, comme un fantôme, comme une illusion face à moi, me laissant  voir derrière toi tout ce que j'espérais voir depuis tout petit. Une ville, un pays, un monde, presque... Un mythe, caché de tous depuis 300 ans.

Son histoire ressemble à la mienne, pourtant je n'ai jamais imaginé, alors que je passais mes journées à me poser des questions sur le monde extérieur, que quelqu'un, de l'autre côté du champ de force, pouvait penser à nous, dans la Nation.

Cross The Force FieldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant