UNE VAGUE D'ÉLECTRICITÉ parcourut la pièce. Je la sentis sur ma peau, dressant mes poils et me faisant frémir de la tête aux pieds.
Il y avait une porte vers l'Autre Monde juste sous mes yeux. Je n'arrivais presque pas à y croire.
Je restai, malgré tout, fermement plantée sur mes pieds tandis que l'agitation envahissait tout le monde. Nora fixait la porte, les yeux ronds, avant de se remettre au travail. Beatrice avait toujours la main tendue, les sourcils froncés dans son effort. Dans mon dos, un concert de gémissements et de couinements explosa des trois favorites. J'entendis un bruit sourd : elles étaient tombées à terre dans leur hâte de reculer.
Puis les instruments devinrent fou.
Cela commença par un vrombissement qui grondait de plus en plus fort. Bientôt les autres instruments se mirent tous à émettre un bruit ou un autre, tous plus stridents les uns que les autres.
– Ça marche ! Ça marche ! s'extasia Nora par-dessus le raffut. Le flux est constant et le portail est stable.
– Magnifique, déclara Beatrice.
Elle baissa enfin le bras et... Avais-je rêvé ou avait-elle titubé ? Était-ce de la sueur sur son front ? Combien cela lui avait-il coûté d'ouvrir ce portail ? Je comprenais enfin l'utilité du catalyseur.
Les deux sorcières ne me prêtaient aucune attention et les favorites gémissaient toujours au sol. J'en profitai pour avancer et m'approcher du miroir. Comme dans la boîte, je sentais l'attraction de l'Autre Monde. Le point au-dessus de mon nombril avait refait son apparition et j'avais l'envie de continuer à avancer.
De franchir le portail.
Un frisson me parcourut, cette fois provoqué par rien d'autre que mes propres émotions. Tout me semblait désaxé. J'étais attirée par l'Autre Monde, je voyais l'Autre Monde – étendue colorée, infinie et confuse – mais je ne vivais pas l'expérience en étant divisée. Il n'y avait pas mon corps dans la boîte et mon esprit dans l'Autre Monde.
Cette fois, et mon esprit et mon corps s'apprêtaient à plonger dans l'Autre Monde.
J'ignorais combien de temps je passai à contempler le portail et à avancer vers lui, mais un bras m'arrêta dans mon cheminement.
– Espèce d'idiote, persifla Beatrice à mon oreille tout en me tirant vers l'arrière. Tu vas te faire tuer !
Le contact avec Beatrice me ramena violemment à la réalité.
– Il m'appelle, bredouillai-je.
– Ignore-le, répliqua-t-elle en me repoussant. Tu n'as pas compris pourquoi il t'appelle, n'est-ce pas ?
Je n'avais pas de réponse à sa question. Je ne savais même pas que l'Autre Monde avait une raison particulière de m'attirer.
– L'Autre Monde est plein de promesses, dit Beatrice. Mais il ne donne jamais rien sans retour. Il se nourrit des rêves et des esprits. D'ordinaire, il se contente de ceux des morts, mais il ne crachera pas sur celui d'un vivant qui s'est égaré là où il n'aurait pas dû s'aventurer.
– Pourquoi n'y a-t-il que moi qui ressens ça ?
– Les sorcières y deviennent immunisées par habitude. Quant aux autres...
Elle jeta un regard où je pouvais clairement lire du dégoût aux filles prostrées au sol.
– Elles n'ont plus rien à offrir à l'Autre Monde. Il n'aime pas particulièrement les coquilles vides.
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WILLOW
FantasyJe ne suis pas humaine. Du moins, je ne le suis plus. J'ignore ce que cette sorcière m'a fait sur cette île, et surtout comment elle a pu repousser ainsi les limites de la vie et de la mort. Elle veut faire de moi son instrument. Je ne suis pas la p...