JE FLOTTAIS À NOUVEAU dans les ténèbres. La sensation était étrange et me désorientait profondément. Où étais-je ? Que s'était-il passé ?
Il m'était difficile de penser. Tout se mélangeait dans mon esprit, les visages se superposaient les uns aux autres et, lorsque leurs lèvres s'agitaient, il ne s'en échappait qu'un charabia incompréhensible.
J'abandonnai l'espoir de les comprendre et me laissai aller aux ténèbres.
Une voix, plus claire et plus forte que les précédentes, transperça mon inconscience. Je tendis l'oreille : ses mots avaient un sens.
– Bois, me pressa-t-elle. Il faut que tu boives, Ruby... Tu ne vas pas me faire ça.
Je connaissais cette voix. Elle appartenait à un visage mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Frustrée, j'entendis vaguement un gémissement pitoyable. Venait-il de s'échapper d'entre mes lèvres ?
– Ce n'est pas le moment de t'agiter, recommença la voix. Laisse-toi faire, pour l'amour du Créateur. C'est pour ton bien !
Les sensations me revinrent. J'étais toujours dans les ténèbres, mais on me touchait. Une main s'était glissée contre ma nuque et je connaissais ses doigts, leur force quand ils agrippaient ma peau. Un objet froid et solide fut pressé contre mes lèvres ; lorsqu'il fut incliné, un liquide glacé coula le long de ma gorge, apaisant une sensation extrême de sécheresse dont je n'avais pas conscience jusque-là.
Et pendant ce temps, la voix continuait de murmurer à mon oreille une litanie de mots.
– J'ai confiance en toi. J'ai confiance en toi. J'ai confiance en toi...
Je voulais lui répondre, lui demander qui elle était, pourquoi elle avait confiance. Mais il m'était difficile de me concentrer : mes pensées s'éparpillaient comme des feuilles aux vent, chassées par une fatigue extrême qui rendait mes membres lourds et me tiraient de plus en plus dans l'obscurité.
– Je sais que tu m'entends, poursuivit-elle. Rappelle-toi. Tous les jeudis, Ruby.
Il y eut un bruit sourd, au loin, et les mains quittèrent aussitôt ma peau. J'avais froid.
Une autre voix rejoignit la première. Celle-ci grondait plus qu'elle ne parlait et me faisait frissonner de peur. Tout l'apaisement que j'avais pu ressentir s'évanouit, comme s'il n'avait jamais existé.
– Rose, cingla la deuxième voix. Je pense pouvoir m'occuper seule de la situation. Sors.
Une protestation s'éleva et mon coeur se serra. Tais-toi, pensai-je. J'avais peur pour moi, mais pour elle aussi. Cette nouvelle-venue était synonyme de danger.
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WILLOW
FantasyJe ne suis pas humaine. Du moins, je ne le suis plus. J'ignore ce que cette sorcière m'a fait sur cette île, et surtout comment elle a pu repousser ainsi les limites de la vie et de la mort. Elle veut faire de moi son instrument. Je ne suis pas la p...