L'AUBE ME TROUVA sur le pont du Géant des Mers. Je n'avais pas fermé l'oeil de la nuit et en avais profité pour tester une théorie, comme le prouvaient les trois bouteilles de vin à mes pieds.
Je ne pouvais pas être ivre.
En un sens, c'était un avantage à creuser. Étais-je également immunisée aux différentes drogues qui circulaient à Sezon et que j'avais aperçues dans les recoins sombres, passant de main en main ? Même le philtre de Temperance n'avait pas prouvé être à la hauteur pour vaincre mon insomnie.
J'étais revenue sur le bateau longtemps après minuit. Je ne m'étais pas attardée au Rossignol, sentant le regard perçant du barman sur moi à mesure que je m'étais frayée un chemin à travers ses clients. Je m'étais accordée un moment pour moi-même et avais déambulé dans les rues de Sezon, comme je le faisais un mois plus tôt, quand les Frères et les sorcières de Beatrice n'étaient qu'une menace hypothétique.
Qu'importe ce que je cherchais, je ne l'avais pas trouvé et j'avais rebroussé chemin.
J'avais comme intention de trouver Foster dès mon retour. Malheureusement, il semblait avoir disparu.
– Il n'est pas redescendu depuis ton départ, m'avait indiqué William alors qu'il s'apprêtait à aller se coucher. Comment s'est passée ta mission ?
J'avais reconnu la lueur dans ses yeux, l'émotion qui crispait ses lèvres dans l'attente de ma réponse.
– Demain, avais-je répondu. Ou plus tard, tout dépend de comment tu vois la chose. Bonne nuit, William. Profites-en pour bien te reposer.
Le jeune inventeur s'était gratté distraitement l'oreille en espérant ainsi cacher sa déception. Il avait échoué et j'avais eu la grâce de prétendre que cela avait été un succès.
– Tu devrais en faire de même, m'avait-il ensuite recommandé. Il faut que tu sois en pleine forme. J'ai comme qui dirait l'impression que le plan de Foster nous tiendra en haleine.
J'avais souri et lui avais promis que je n'allais pas tarder à aller me coucher. Satisfait, il était retourné dans sa cabine, refermant à clé la porte derrière lui. William n'avait pas besoin de savoir que je n'en avais absolument pas l'intention.
Si la magie avait quitté mes veines pour se rétracter dans cette cachette secrète qu'elle affectionnait tant, ce n'était pas le cas de l'adrénaline. Je tremblais presque à cause de toute la tension qui s'était accumulée dans mes membres.
Brièvement, j'avais regretté ne pas avoir joué le jeu de Faye. Et si j'avais attaqué dès le début, cela m'aurait-il aidé à trouver le sommeil ? Je doutais qu'une mort en plus sur ma conscience n'aiderait pas mes rêves agités.
J'en étais à combien, d'ailleurs ? Trop. Susan, la sorcière qui montait la garde et était alors chargée du pourboire du vieux Charlie. La première. Puis il y avait eu les victimes collatérales. Les Frères qui me poursuivaient, froidement éliminés par la sorcière vengeresse. Cette dernière, qui avait fini en statue au beau milieu du parc Ekaterina – courtoisie de Temperance. J'espérais de tout coeur qu'elle était morte et qu'elle n'était pas consciente à l'intérieur de cette gangue de pierre. Qu'allait-il se passer le jour où les Frères décideront de briser la statue, de la réduire en morceaux ? Allait-elle être libérée ?
Je doutais que Temperance laisserait un de ses ennemis s'échapper aussi facilement.
Puis il y avait toutes les autres filles qui avaient fini sur l'île après ma fugue. Combien étaient mortes dans l'Autre Monde ? Combien étaient mortes avant d'en arriver là ? Et surtout, combien de familles, d'amis et d'amants attendaient leur retour ?
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WILLOW
FantasyJe ne suis pas humaine. Du moins, je ne le suis plus. J'ignore ce que cette sorcière m'a fait sur cette île, et surtout comment elle a pu repousser ainsi les limites de la vie et de la mort. Elle veut faire de moi son instrument. Je ne suis pas la p...