Chapitre XI

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NORA ME TROUVA dans cette position, avachie le dos au mur et les genoux remontés contre la poitrine.

Lorsque la porte s'était ouverte, j'avais sursauté et m'étais empressée de détourner le regard et de fixer un point au loin. Tu es aveugle, m'étais-je rappelé en me concentrant. Elles ne doivent rien savoir

Je n'avais pas l'habitude du mensonge. Avant, avant la réception, avant l'expérience, je n'en avais jamais eu besoin. En réalité, je n'en aurais même pas été capable. Mais j'avais déjà menti à Beatrice, une fois, en la regardant dans les yeux et j'avais eu peur

Nora ne sembla s'apercevoir de rien. Elle s'affola en me trouvant hors de mon lit et me pressa de retourner m'allonger :

– Ce n'est pas bien, pas bien du tout ! Tu dois te reposer, retrouver tes forces. On ne sort pas d'une telle épreuve indemne. 

J'avais envie de lui répliquer que je me sentais parfaitement en forme compte tenu des événements, que je n'avais absolument pas envie de me reposer, que j'avais besoin de réponses et tout de suite. 

Mais c'était trop dangereux. Si Nora découvrait la vérité, je n'avais plus aucune chance de m'enfuir. J'ignorais quel sort Beatrice réservait aux menteurs et je ne voulais pas vraiment le découvrir. Alors je me tus et me laissai faire par la sorcière. 

Une fois de retour dans mon lit, Nora parut satisfaite. Elle saisit mon menton entre ses doigts et me tourna vers elle pour m'examiner intensément. 

– C'est fascinant, murmura-t-elle. J'avoue que j'avais mes doutes sur les chances de réussite de l'expérience. J'aurais dû avoir confiance en Beatrice. C'est tout simplement miraculeux...

Un long frisson parcourut mon échine et mon souffle se retrouva bloqué dans ma gorge. Je devais me rappeler de cligner des yeux et de ne pas détourner le regard. 

– Tu dois manger un peu. Beatrice t'attend dans son bureau mais j'aimerais mieux que tu y ailles le ventre plein. 

Il y eut encore un instant de flottement avant que Nora ne me lâche et tourne les talons. Je m'autorisai enfin à respirer. 

Elle revint un plateau en main. 

– Laissez-le là, dis-je en détournant la tête. Je peux me débrouiller toute seule. 

– Je peux t'aider, si tu veux, proposa-t-elle en déposant le plateau sur la table de nuit. 

– Je n'ai pas besoin de votre aide, objectai-je fermement. Je peux me débrouiller seule, merci bien. 

Nora obéit. J'étais surprise de la voir quitter la pièce d'un pas un peu raide et repoussai le sentiment de culpabilité qui menaçait de m'envahir. Elle ne veut pas t'aider, elle ne fait qu'exécuter les ordres de Beatrice, me convainquis-je. Tu n'es personne pour elle. Personne.

Une fois la porte fermée, un poids dont je n'avais pas conscience disparut de ma poitrine. Je m'enfonçai dans mon oreiller, laissant brièvement mes paupières se reposer. Je sentais que ces deux jours allaient être épuisants. 

Le plateau reposait, intact, sur la table de nuit. Il n'avait rien de fameux : l'infâme bouillie habituelle, un verre d'eau et un morceau de pain. Visiblement, même les privilèges de Beatrice avaient leur limite.

Alors que je tendais la main pour saisir le verre, un détail me fit m'arrêter en plein mouvement. 

Le plateau était réfléchissant. 

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