JE NE PLONGEAI PAS dans un monde coloré mais dans un océan de ténèbres.
Je ne voyais plus rien et la chute me paraissait être interminable. Ma bouche était ouverte mais aucun son n'en sortait ; le vent soufflait dans mes oreilles, me rendant sourde en plus d'être aveugle.
Est-ce ainsi que les morts voient l'Autre Monde ? me demandai-je. Un royaume de ténèbres, un abysse sans fond ?
Je lui préférais largement les chemins éphémères et colorés.
Finalement, finalement, ma chute s'arrêta brusquement. Mes pieds reposaient sur la terre ferme et le vent avait disparu aussi soudainement qu'il était apparu. Je pouvais enfin respirer librement.
Où étais-je ? Cet endroit ne ressemblait pas du tout à l'Autre Monde que je connaissais, que je croyais connaître. J'avais l'impression d'être de retour dans la boîte, c'est-à-dire dans un espace sombre et silencieux, sans bénéficier des limites qui la rendaient supportable.
Je levai la tête, me dévissant la nuque pour essayer de discerner quelque chose, n'importe quoi qui pourrait me donner une indication. Il n'y avait rien.
Mon instinct me hurlait que je n'avais rien à faire ici, que j'étais en danger. Je ne pouvais qu'être du même avis. Ma main se porta à mon front, lisse sous mes doigts. J'espérais que le symbole de Beatrice s'y trouvait toujours. Je voulais retourner de l'autre côté du miroir. Je craignais ce qui rôdait dans le noir, tout autour de moi.
Il n'y a pas de monstre dans l'Autre Monde. Beatrice avait semblé formelle. Je ne pouvais m'empêcher de remettre en doute ses dires. Ce n'était pas elle qui se trouvait dans l'Autre Monde, mais moi, et je me sentais observée.
Je n'osais pas bouger. Privée de mes sens, je n'avais plus aucun contrôle sur la panique qui enflait peu à peu en moi.
J'enfonçai mes ongles dans ma paume. La douleur perça le brouillard qui s'était abattu sur mon esprit. Mais ce n'était pas suffisant. En proie au désespoir, je recommençai, encore et encore, jusqu'à sentir la peau se briser sous mes ongles. Le sang se mit à couler le long de ma main, chaud, poisseux. Si seulement je pouvais y voir quelque chose...
Puis la lumière jaillit de nulle part.
Elle était diffuse, loin d'être aveuglante, et révélait que je me trouvais dans une pièce ronde, recouverte de carrelage du sol au... Il n'y avait pas de plafond. Il n'y avait pas non plus de porte, de meuble ou de fenêtre. Elle était complètement vide.
Était-ce moi qui avais invoqué la lumière ?
– Tu n'as rien à faire ici ! hurla une voix.
J'étouffai à grande peine un hurlement de terreur. Derrière moi, apparue comme par magie, se tenait Rose.
Sauf que ce n'était pas Rose. Ses yeux étaient d'un noir profond, sans pupille ni iris, rien d'autre qu'un lac d'ébène. Je reculai d'un pas.
– Qui êtes-vous ? bredouillai-je.
– Personne, gronda-t-elle. Car personne ne vit ici.
En poussant un grognement digne d'un animal, la pseudo-Rose bondit en avant. Je levai les mains pour me protéger, en vain : elle éclata en un nuage de fumée sombre et je me retrouvai à nouveau seule.
Le coeur battant à tout rompre et l'adrénaline pulsant dans mes veines, je tentai de mettre de l'ordre dans mes pensées. Que venait-il de se passer ? Avait-ce été une illusion ou une manifestation de l'Autre Monde ?
VOUS LISEZ
WILLOW
FantasyJe ne suis pas humaine. Du moins, je ne le suis plus. J'ignore ce que cette sorcière m'a fait sur cette île, et surtout comment elle a pu repousser ainsi les limites de la vie et de la mort. Elle veut faire de moi son instrument. Je ne suis pas la p...