❝DEUX ; CONFESSIONS❞

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Vide

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Vide. Voilà comment je qualifierais ces quatre derniers jours à l'Isolement. Je ne manque pas de compagnie ni de distraction, John y veille. C'est juste qu'il ne se passe rien d'excitant. Rien qu'une petite évasion...

Un type réussirait à sortir de sa cellule. Il se mettrait à courir. Bevy, sous le coup de la surprise, se casserait la figure avant de reprendre pieds et de poursuivre le prisonnier qui le distancerait largement.

Je vais être honnête, Beverly Johnsson ne doit pas être très fier de sa vie. Se lever chaque matin pour aller surveiller des délinquants qui l'utilisent pour passer le temps ça doit être très agréable. Et puis, est-ce que la vie est agréable lorsqu'on est un homme dont le ventre bedonnant menace de faire sauter les boutons de sa chemise, au crâne dégarni et qu'on s'appelle Beverly ?

Ce soir, je suis assise sur ma couchette et balance des pieds en chantonnant une de mes chansons préférées, Blitzlrieg Bop par Ramones. Mon père disait toujours que cette chanson était encore plus vieille que le mp3 lui-même. Je ne sais pas comment il en savait autant sur chacune des 657 chansons et le mp3, mais au moins ces réponses me satisfaisaient.

John, allongé sur sa couchette, cesse sa contemplation du plafond.

- J'peux savoir c'que tu fais, là ? me demande-t-il.

- Ça s'appelle chanter pour combler un silence, Murphy.

- Comment tu connais cette chanson ?

Mon ami est à présent assis en tailleur, prêt à m'écouter. Il a l'air d'un type qui n'a pas eu de relations sociales avec un être humain depuis un bout de temps.

- Héritage familial. Mon père m'a laissé une sorte de boîtier et des câbles, ce qui donne un mp3 et les écouteurs qui vont avec. Dans le temps, les gens les utilisaient pour écouter de la musique. Y'a 657 chansons sur le mien.

- Il lui est arrivé quoi à ton père ?

J'entend sa voix vaciller lorsque le mot "père" franchit ses lèvres. Ce pincement au cœur que je ressentis alors n'est pas pour mon propre père, mais pour John. Je ne sais pas si je peux tout lui dire, mais avoir un ami en qui j'ai confiance ne rendra la fin de ma vie que plus agréable.

- Ce salopard s'est barré quand j'étais gamine pour me laisser avec mon alcoolo de mère. Puis il a été envoyé à la dérive pour je sais plus quoi.

Murphy reste silencieux. Pendant un court instant, j'ai l'impression qu'il prie. Qu'il prie pour son propre père, peu importe ce qu'il lui est arrivé. C'est ce qui arrive quand on pose trop de questions : on réanime des revenants de notre passé.

Soudain, la sale tête de Johnsson apparaît à la vitre et ouvre la porte.

- C'est l'heure de la douche, Murphy. Et toi, dit-il d'un signe de main dédaigneux dans ma direction, ton tour est après.

- T'a hâte d'aller me savonner le corps, Bevy ? Raille-je en passant mes mains délicatement sur mon t-shirt.

Le garde lève les yeux au ciel et fait signe à mon camarade de s'avancer. Avant que celui-ci ne disparaîsse de ma vue, il ajoute rapidement :

- Au fait Koda, ta voix est pas si désagréable à entendre.

Johnsson et Murphy quittèrent la cellule et la porte de celle-ci se referme. Et comme une gamine, je glisse une mèche de mes courts cheveux bruns derrière mon oreille et souris à la remarque de John.

___

L'eau de la douche est chaude. Le savon n'a aucune odeur. Le shampoing ne pique pas les yeux. L'heure de la douche est définitivement le moment de la journée que je préfère. Je me sens comme enveloppée d'une aura chaleureuse et protectrice. Malheureusement, il y a Beverly Johnsson qui cogne la porte de temps en temps pour me rappeler que je n'ai droit qu'à cinq minutes.

Lorsque qu'on me ramène à ma cellule, je me sens toute légère dans ces vêtements propres. L'extinction des feux arriva une dizaine de minutes plus tard et je me lance dans une quête impossible pour trouver le sommeil. Puis il doit être vingt-trois heures lorsque j'entend la voix de Murphy me chuchoter :

- Tu ne dors pas non plus ?

- Non.

Je me retourne sur mon matelas et lui fait face, un bras sous l'oreiller. Mes yeux se referment et je poursuis l'air que je chantais tout à l'heure. Au bout d'un moment, John sombre dans le sommeil. Bientôt, c'est à mon tour de m'endormir à la lueur des veilleuses du couloir de l'Isolement.

Cette nuit-là, je rêve de ma mère. On s'engueule encore, jusqu'ici rien d'inhabituel. Sauf que dans mon rêve, c'est moi qui casse la bouteille, et c'est moi qui la poignarde avec les débrits de verre.

- Tu as tué ta mère, Koda. C'est de ta faute, tu lui as gâché sa vie dès ta naissance. C'est de ta faute. Murmure la voix accusatrice de mon père.

C'est de ma faute. C'est de ma faute.

(1) HEAVEN | j. murphy (✓)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant