13. Je ne t'aime pas

160 12 0
                                    

La matinée fut lente et ennuyeuse. Je voulais à tout prix connaître les révélations de Samuel, j'étais si curieuse et je passais les trois heures de cours à imaginer, à créer des hypothèses. Tout en réfléchissant, j'observais Samuel devant moi, il était la plupart du temps de trois quarts et je n'arrivais pas à m'empêcher de mordiller nerveusement mon stylo lorsqu'il riait avec ses dents blanches et ses fossettes aux yeux. Parfois, sa beauté me sautait aux yeux et c'est dans ces moments là où je n'arrivais pas à détourner le regard. Il était hypnotisant et une partie de moi ne pouvait réfuter cette attirance immense. Mais le côté raisonnable de mon cœur ne cessait de me rappeler qu'il était un danger ambulant. Et c'est depuis que je l'avais rencontré que ces deux aspects étaient en conflit.

Retour à la réalité plutôt brusque: Samuel m'avait surpris en train de baver devant lui. J'enlevais le stylo de ma bouche et je regardais la prof comme si de rien n'était, comme si je ne l'avais pas regardé, comme si il était inintéressant.

Les cours se finirent enfin à 12h30, je rassemblais mes affaires et me levais rapidement. Avant de quitter la salle, je me retournais pour regarder Samuel. Il était en train de me regarder. Dans un échange silencieux, il me suivit sans que personne ne nous remarqua.

J'avançais à grandes enjambées, lui restait un peu en retrait derrière moi. J'entrais dans la bibliothèque du lycée déserte, je me dirigeais dans une des nombreuses rangées de livres. Je ne l'avais pas choisie au hasard. C'était celle la plus éloignée de l'entrée, la plus discrète et la plus sombre. Je me retournais et faisait face au loup-garou. Je croisait les bras, un sourcil soulevé, prête à recevoir les réponses à mes questions.

Samuel avait, pour une fois, un regard sérieux. Il se jeta dans un pouffe avec désinvolture.

- Bon...Mon père était un loup-garou... Avec sa meute, ils ont construit une sacré réputation à Thiercelieux. Dans un sens général, les loups garou n'ont jamais eu une bonne réputation mais les choses s'étaient calmées au début du siècle. Ils n'étaient plus vraiment craints comme au Moyen-Age... En fait, depuis que ma famille a commencé à se transformer, les meutes sont devenues plus sanguinaires.

- Tu veux dire que ta famille a commencé à se transformer après les autres? J'étais adossée à une étagère, une jambe pliée.

- Oui mais les raisons sont très floues. A vrai dire, je sais seulement que mes ancêtres sont devenus loups garous vers 1850 pourtant ils étaient implantés à Thiercelieux depuis au moins au Moyen-Age.

- D'après mon grand-père, personne ne s'est transformé dans ma famille et pourtant elle est aussi ancienne que la tienne.

Il secoua la tête.

- C'est impossible, il doit avoir des loups garous dans ta famille.

- Peut être pas, il suffit que certains gènes ne soient pas partagés ou qu'il y ait des enfants bâtard dans ma famille.

Il  regarda devant lui avec un air réfléchi.

- Mhh impossible... Dans la bibliothèque de mon père, j'ai retrouvé plusieurs gravures sur les familles créatrices et j'ai vu des dessins de loup-garou sensé représenté des loups de ta famille, de la mienne et de certains gars...

Il regarda sa montre et commença à se lever. Je voulais le retenir, je n'en avais pas suffisamment appris.

- Je pense à un truc là... T'aurais pas retrouvé des arbres généalogiques dans ta bibliothèque?

- Mmmh non pourquoi?

Il se touchait le menton, déstabilisé. Maintenant qu'il était debout, nos corps étaient rapprochés dans l'étroite rangée.

- Eh bien, nos deux familles sont très anciennes... Il me regardais les yeux vifs et intéressé. C'était à mon tour d'être déstabilisée. Et au Moyen-Age, les mariages ... tout ça... Je désignais d'un geste vague sans arriver à la fin de ma réflexion... Peut être qu'on est des cousins éloignées?

Il eu un sourire bref, comme s'il avait compris mon sous-entendu. Un sous-entendu bien évidemment non volontaire. Il se rapprochait de moi et posa ses deux bras autour de moi en s'appuyant sur les étagères de la bibliothèque.

- Quel est le rapport avec toi Rose? Ou plutôt avec nous?

- Je... euh....

En paniquant, je regardais un peu partout et par chance j'aperçus deux individus entrant dans la bibliothèque.

- Putain, baisse toi! J'attrapai les épaules de Samuel et lui fis mine de s'asseoir.

  Comment avais-je pu me retrouver dans cette position? J'étais assise au milieu des jambes de Samuel, cachée derrière les livres. Je sentais son torse collé à mon dos, lui aussi s'était approché pour observer les deux inconnus. J'avais posé mes mains sur l'étagère et je sentis sa main sur ma cuisse. Je lui jetais un bref coup d'oeil, sa deuxième main était placé près de la mienne. J'essayais de ne pas être déconcentrée par la situation et je revenais aux deux intrus.

J'arrivais à distinguer le directeur de l'école, un vieux bonhomme qui appréciait plutôt bien le maire et ses sbires. Il était en train de discuter avec un homme blond qui nous tournait le dos. Je ne reconnaissais pas sa voix. L'inconnu avait l'air animé et bougeait fréquemment ses mains.

- Nous devons être prêt pour fin octobre M. le directeur, n'oubliez pas l'importance de votre mission!

- Oui bien sûr j'ai eu quelques imprévus mais je vous promet que d'ici ...

- N'oubliez pas que tout retard aura un impact sur votre intégrité au groupe. Je prends de gros risques de me déplacer jusqu'ici. Ne me faites par regretter M. le directeur. Je dois y aller. Bonne fin de journée.

L'homme blond était en costume, j'eus à peine le temps d'observer son profil qu'il avait déjà quitté l'endroit. Le directeur ne tarda pas à le suivre quelques minutes plus tard.

Je regardais Samuel, je ne tenais pas compte de la promiscuité de nos visages. J'étais trop perturbée par la discussion à laquelle nous avions assisté.

Les loups de ThiercelieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant