Chapitre 10 : Les règles du jeu

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La télévision émit un petit grésillement lorsque je l'allumais. C'était étrange que des personnes possédant des oreillettes militaires n'aient pas de télé plus récente. Mais je n'avais pas envie de m'attarder sur la question. Lorsque la télé s'alluma, je vis d'abord mon père. Il avait les traits tirés par le manque de sommeil mais face au journaliste, il se tenait droit et semblait fier. Je voulu monter le son mais rien ne se passa.

- Elle n'a pas de son. Mais si tu veux savoir de quoi les journalistes parlent, c'est simple : ils parlent de toi. Ton père à annoncé publiquement la fin des recherches et ça a fait du bruit. Beaucoup pensent que tu es morte, certains pensent que tu as simplement été retrouvée en état de choc. Tous ont l'impression que cela les concerne de près.

Vu le ton qu'elle avait employé, elle méprisait cet état d'esprit. Je pouvais la comprendre, je ne supportais pas que chaque habitant de la Terre se permette de juger mes choix. Mais ils le faisaient. Parce qu'ils avaient l'impression d'être proche de mon père. Il avait beau faire très peu d'apparitions publiques, il était adoré pour ce qu'il avait fait. Je ne devais la vie qu'à sa notoriété. Sinon, j'aurais été internée il y a longtemps. Je déglutis avant de me reconcentrer sur l'image.

Ma mère était en retrait, à droite de l'estrade. Ses joues étaient creusées par la faim et le manque de sommeil. Elle avait les yeux injectés de sang et les mains tremblantes. J'étais certaine qu'elle se retenait de fondre en larme devant les journalistes. Mon père avait dû lui dire que je n'étais pas réellement en vadrouille, elle aurait souri un peu sinon. Elle avait toujours voulu me faire voyager et découvrir le monde, mais mon père craignait beaucoup trop pour ma sécurité. Et puis, elle avait vu comment j'étais parti et où j'étais allée. Elle devait bien se douter que quelque chose n'allait pas.

Je fus néanmoins soulagée de ne voir aucune blessure. La fusillade n'avait pas l'air de l'avoir atteinte physiquement. Mes épaules se relâchèrent un petit peu. Ils avaient l'air triste mais en vie. C'était déjà ça, car je n'aurais pas supporté qu'ils leur arrivent malheur. Ils étaient mes seuls piliers. N'étant jamais allé dans les écoles traditionnelles et n'ayant plus d'autre famille, ma vie se résumait à leurs deux visages. Pas d'amis sur qui compter ou de proches sur qui me reposer. Je ferais tout ce qui était en mon pouvoir pour les protéger. Même si cela impliquait de rester ici avec une blonde bipolaire et un sociopathe avide de pouvoir.

Je me retournais vers Ayano, plus convaincue que jamais de ce que je devais faire. Il fallait que je les désorganise depuis l'intérieur pour laisser assez de marge de manœuvre à mon père. Je pris une grande inspiration avant de rendre la télécommande à ma gardienne. Elle semblait s'impatienter et je n'avais aucune envie de subir une de ses colères. Je regardais une dernière fois les visages de mes parents avant qu'elle n'éteigne l'écran pour de bon. Mon cœur se serra. Ma petite vie tranquille avait été bien chamboulée ces derniers-temps.

Ayano prit de nouveau ma main, comme si j'étais incapable de la suivre seule et me ramena dans la cuisine. Et si mes vertiges continuaient, j'étais bien plus lucide maintenant que lorsqu'elle m'avait amenée ici la dernière fois. Je percevais mieux les détails, le nombre de pièces, l'espace... Et je me rendais compte que le petit appartement dans lequel je me trouvais ne l'était pas tant que ça. Chaque pièce était fermée par une porte coulissante en toile, m'empêchant de voir à l'intérieur, mais une dizaine de pas devaient séparer les pièces les unes des autres. Et je ne voulais même pas imaginer les pièces qui m'étaient cachées.

Ma gardienne m'installa sur une chaise et prit place face à moi. Son sourire carnassier ne me disait rien qui vaille.

- Ren est plutôt content aujourd'hui. Il a eu un nouveau jouet, les recherches te concernant se sont arrêtées complètement en à peine quelques heures et surtout, Keiko n'a pas pointé le bout de son nez.

Little AngelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant