Dire que j'avais peur des armes à feu était un peu étrange. Dire que je vivais avec était plus exact. J'avais beau n'en avoir vu qu'une seule fois en action, cela avait suffit à marquer ma vie entière. Finalement, la balle ne m'était pas destinée, mais ça ne l'avait pas empêché de ma marquer de manière indélébile. Elle n'était peut-être pas rentrée dans ma chair mais elle avait éclaté mon esprit de manière tout aussi violente. Cela faisait sept ans que je vivais constamment avec le son de trois détonations dans les oreilles et que l'odeur du sang n'avait quitté mes narines.
Pourtant, lorsqu'il braqua son arme vers moi, ce fut le seul moment de ma vie que je ne vis pas défiler.
La première chose que je ressentis fut de la joie. Celle que j'avais étant enfant, la joie de l'innocence et de l'insouciance. A cette époque où je ne comprenais pas encore ce que ces foutus masques à gaz signifiaient. Dès lors où j'ai commencé à comprendre, j'ai ressenti de l'inquiétude. Une inquiétude immense et dévorante d'être la suivante. Celle dont les joues se creuseraient, dont le visage se viderait de couleur progressivement, celle que les gens regarderaient avec pitié et qui jetterait, elle, des regards désespérés au reste du monde. Un regard vide de l'espoir de pouvoir vivre encore. Et enfin celle dont on viderait la table à l'école.
Je me rappellerais toujours du jour où j'ai demandé pourquoi Iris ne venait plus en cours. Ce fut le jour le jour où je découvris que la mort existait. Et bizarrement, ce fut également le jour où l'espoir d'un monde meilleur m'apparut. Un monde où les tables se videraient moins vite et où personne ne serait plus sensé mourir. Et c'est à lui que j'en avais parlé. Mon père était sans cesse occupé à des tâches que je ne comprenais pas et ma mère était trop occupée à consoler les cas désespérés pour essayer de les soigner. C'était donc à lui que je parlais de toutes mes idées farfelues à l'époque.
Il avait été tué sept mois plus tard à cause de ses mêmes idées farfelues.
Après ça, je ne sais pas si on peut appeler ma vie une vie. Il y a eu une longue période où plus rien n'avait d'importance. Autour de moi, des dizaines d'hommes en blouse blanche s'afféraient sans que je sache pourquoi. A vrai dire, je ne devais pas avoir envie de savoir à l'époque. Tout était sombre à ce moment-là, la vie semblait avoir perdue ses couleurs et je me sentais vide de toute énergie. Peu à peu, j'ai réussi à mettre toutes mes idées farfelues au placard. Jusqu'au jour où l'on m'a dit qu'une solution avait été trouvée.
On m'a dit que mon père avait trouvé le moyen d'arrêter toute cette folie. Alors j'ai de nouveau aperçu les couleurs. Elles étaient ternes et incomplètes, comme si rien ne pouvait gommer son absence, mais elles étaient là. Toutes autour de mon père. Le reste n'avait aucune importance. A mes yeux, il était le seul qui avait su redonner de l'éclat à ce monde en perdition. A partir de ce moment-là, je crois que je n'ai vécu qu'à travers lui. Il à commencé à me parler de l'entreprise et du fait que j'allais devoir la reprendre un jour. Je l'ai écouté et j'ai acquiescé. Comme à chaque fois à partir de ce moment.
Je crois aussi qu'il m'a dit qu'il était heureux que j'aille mieux. Je n'en suis pas sûre, je ne m'en souviens plus très bien.
Mais quand Ren à débarqué, c'est comme s'il avait remis quelque chose en marche. Comme si les rouages de mon cerveau se remettaient à fonctionner après une très longue pause. Comme si le fait de me priver de ce que j'étais me faisait renaître. Je n'étais plus la fille du sauveur de l'humanité, ni celle de la douce Hannah, j'étais... Quelqu'un d'autre. Je n'étais plus l'enfant insouciante, je n'étais plus non plus l'adolescente docile, j'étais... différente.
Et quand il a pointé son arme sur moi, mon cœur s'est remis à battre.
Pour la première fois, je me suis sentie vivante. Et j'ai eu peur de mourir. Peur de mourir sans avoir vraiment vécu. Enfin, pas au début. Non, le premier sentiment qui m'a traversé à été le regret. J'ai regretté de ne pas être morte à sa place ce jour-là. Puis, lorsque Ren a rangé son arme, je me suis sentie idiote. Il avait sacrifié sa vie pour que je garde la mienne et je n'avais même pas pris la peine de la vivre.
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Little Angel
БоевикLe monde a atteint un pic de pollution critique, tuant une grande partie de la population mondiale. Mon père est le sauveur de l'Humanité. Ou presque. A 17 ans, et je suis obligée de le suivre dans une mission diplomatique au Japon. Les Yakuzas ont...