Chapitre 29 : Apparence

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« Voilà ce que tu vas devoir faire, déclara t-il en me dévorant du regard. »

Je tressaillis brusquement. Voilà ce qu'ils voulaient dire par «dissimuler». Plantée sur la rive, je prenais lentement conscience de la difficulté de l'exercice, si on pouvait appeler cela ainsi. Ça risquait de faire mal, très mal et ça me demanderai un surplus de volonté. Étais-je encore décidée à renoncer à mes ailes de métamorphes ?

Je pensais alors à ma mère que j'avais failli perdre sur le Rainbow Bridge, à Tenshi qui ne se souvenait plus de moi, à ce... Ryota. Oui, il me restait la fin de ce mystère à élucider. Je le trouverai et je le forcerai à me rendre mes souvenirs.

Ryota, me cherches-tu encore ?

« Alors tu ne dis plus rien ? ricana t-il. Tu as peut-être changé d'avis.

Comme à son habitude, il enchaîna sur une pointe de cynisme. N'y prenant garde, je me contentais de fixer un instant son dos sanguinolent et une boule me noua l'estomac. Takara, il faut savoir ce que tu veux.

J'abandonnais donc mes chaussures, et fendit les eaux avec détermination. La fraîcheur de la rivière remonta mes mollets et mordit mes cuisses, les galets massèrent mes pieds nus, et les clapotis me répondirent d'une harmonie suave. À l'esquisse d'un sourire du Corbeau, je ravalais ma salive.

- Tu devrais d'abord retirer ce bout de tissu. Question pratique, bien sûr. »

Il désignait à l'instant mon kimono, dont les pans commençaient à s'imbiber d'eaux. Je m'arrêtais à mi-chemin, interdite. Il était en train de suggérer que je me balade en sous-vêtements devant lui ? Il manque vraiment pas d'air celui-là.

À cette idée, mes joues s'empourprèrent. C'est vrai que pour rentrer les ailes, pas le choix que de laisser le dos à découvert. Lui s'était bien déshabillé... partiellement.

Bordel.

« Si tu te moques de moi, je te noierai, menaçais-je tandis que le vêtement glissait déjà de mes épaules.

- Tu tiens donc tant à retrouver ton apparence ? s'enquit Raven d'un ton morne.

- Contrairement à toi, je tiens mes engagements jusqu'au bout, reprochais-je en laissant le kimono sur le rivage.

- Eh une seconde ! Ça veut dire quoi ça ? se braqua t-il vexé.

- ÇA VEUT DIRE QUE SI TU PARLES DE ÇA À QUI QUE CE SOIT, JE TE JURES QUE JE TE TUERAI !

- Toujours aussi prévisible, déclara t-il indifférent.

- D'ailleurs, je t'effacerai la mémoire pour être sûre que ça n'arrive pas, ruminais-je en essayant de mettre de côté ma pudeur.

- Wowowo, t'as pas intérêt à dérégler ma tête ! C'est bien rangé là-dedans !

- Bah faudrait faire un peu de ménage de temps en temps ! me moquais-je en arrivant à sa hauteur.

- Respecte un peu ton maître ou tu vas te débrouiller seule, répliqua t-il en désespoir de cause. »

Encore une fois, je ne comprenais pas comment nous pouvions avoir ce genre de conversation dans un moment pareil. Avec un individu aussi déséquilibré, j'avais cessé de chercher une explication rationnelle.

Je vins me tenir face à lui, les bras croisés sur ma poitrine car malgré tout, je me sentais effroyablement mal à l'aise. Le niveau de l'eau atteignait presque ma taille, comparé à lui. Je lorgnais la rive derrière moi, veillant à ce que nous soyons dans une paix totale. Je pestais intérieurement d'être aussi facilement gênée.

RavenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant