Chapitre 32 : Escalade

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" Je suis amoureuse... de quelqu'un d'autre.

Une main contre mon cœur, je fixais un point sur le sol comme pour me maintenir concentrée. Je me sentais si mal actuellement. Devoir rejeter quelqu'un, un ami qui plus est, c'était horrible. Et par dessus tout, je ne comprenais pas. Qu'est-ce que j'avais fais d'anormal ? Pourquoi moi ? Y'a tellement d'autres filles, plus belles et plus intéressantes que moi. Vraiment, je crois que je faisais un blocage, même en sachant que c'était stupide.

« Je me demandais si tu voudrais bien venir au festival avec moi. » 

« Un truc sérieux cette fois-ci ! »

Il était sérieux, hein ? Quelle ironie... Il ne me connaissait même pas ! Il ne savait rien de moi, rien de ce que j'avais traversé, rien de mes doutes, mes idéaux... Comment pouvait-il prétendre éprouver un tel sentiment à mon égard ? Toute cette mascarade n'était décidément qu'une farce.

- Désolé, soufflais-je précipitamment. "

Et sans même prendre le temps de regarder son visage, je tournais les talons, honteuse et en colère. Contre Sotan, mais aussi et surtout, contre moi-même. Certaines personnes trouveraient que foutre un râteau était insignifiant, voire amusant. Pour ma part, c'était un poids dont je me passais volontiers. J'espérais pouvoir m'enfuir lorsqu'une main me retint par le poignet. Merde, j'allais devoir lui faire face malgré tout.

« Takara, je t'en prie, dis-moi au moins ce qu'il a de plus que moi, m'implora t-il.

- Il n'a rien de plus que toi, répliquais-je sur la défensive. C'est lui, c'est tout. »

Sur ces mots, je l'abandonnais à un océan d'interrogations, au néant le plus total. Je n'avais pas le droit de faire ça. Pourtant je l'ai fais.

Et j'ai fuis. J'ai fuis parmi la foule ingrate, j'ai fuis aux lueurs tamisées des lanternes, j'ai fuis en retenant de chaudes larmes, aux regards des passants qui s'interrogeaient. J'ai fuis le plus loin possible, seule, bercée par la douce mélodie de Hanami. Je comprenais à présent comme Sotan avait souffert, et comment j'avais décuplé cette souffrance. Non, en vérité, je ne pouvais qu'imaginer cette malicieuse souffrance qui lui empoignait le cœur. En un sens, je l'avais enduré moi aussi. Ces regrets qu'on cultivait, qui grandissaient et se faisaient une place en nous. Chaque fois que je le quittais sans lui dire ce que je ressentais, la même rengaine. Je le détestais pour ça ! Lui qui se vantait de si bien me cerner, ne pouvait-il me le dire, rien qu'une fois, rien que pour le plaisir de me mentir ? Raven, comment t'appelles-tu  ? À quoi ressemble ton visage ? Ta famille va t-elle bien ? Ne me laisse pas dans ce noir, je t'en conjure.

J'ai besoin de toi.

Une explosion retentit soudain, faisant trembler le sol sous mes pieds. Aux aguets, j'ai immédiatement relevé la tête. De la fumée s'échappa, toute proche. Ça venait d'une attraction. Non, est-ce que...

J'aurais dû m'en douter. L'Asphera n'était pas là uniquement pour profiter de la fête. Naturellement, il s'attendait à un imprévu.

Des cris survinrent de tous les côtés et commencèrent à me briser les tympans.

Ce genre d'imprévu.

Pas le choix, je devais réagir. Alors je suis revenue sur mes pas en courant. En arrivant sur place, je vis que la grande roue s'était arrêtée et menaçait de céder d'un moment à l'autre. Si elle venait à perdre l'équilibre, elle écraserai non seulement les rescapés à l'intérieur mais également la foule qui s'était amassée en-dessous, les familles des victimes. Il fallait les faire évacuer.

Au même moment, j'aperçus les membres de l'Asphera qui en faisaient leur entreprise. Katsu tentait de superviser tout le monde, mais la foule était trop dense, trop agitée. En levant les yeux vers la structure de fer, je vis un homme qui tentait de désescalader afin de sauver sa peau. D'autres essayèrent de le suivre jusqu'à ce que l'un d'eux glisse. Il trouva la mort quelques mètres plus bas. Paniqués, les grimpeurs tentèrent de remonter. Mais la roue grinça et se pencha sur le côté. Les victimes tombèrent les unes après les autres à mon plus grand désespoir. À présent, seuls quelques harnais et d'ultimes barricades tenaient le tout en place, mais l'attraction menaçait de casser d'un moment à l'autre, un vrai désastre.

RavenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant