Chapitre 36 : Au nom de l'Amour

28 6 92
                                    

" Laisse-moi te montrer ce que tu as oublié, Takara. "

Je battais plusieurs fois des cils, déconcertée. Puis, je maintins ma tête d'une main sur la tempe, les paupières lourdes. Je n'avais pas rêvé. Ses images de ma mémoire, ses souvenirs volés me revenaient aujourd'hui aussi claire que de l'eau de roche. J'étais leur légitime propriétaire, j'étais celle que Ryota...

« Tu te souviens maintenant, déclara t-il en m'attrapant les épaules.

- On... on a, bafouillais-je déstabilisée, la Pierre.

- Oui, acquiesça t-il sereinement.

- Mais... comment ?

- Il ne faut pas sous-estimer la détermination de l'être humain.

- Je suis à l'origine de tout ce conflit, avançais-je, le regard au sol. Ce qui est arrivé à mon frère, ma mère, ma maison, à toi et à Raven. Je n'ai eu de cesse de tout détruire.

- Tu te trompes. »

Il prit mon visage dans ses mains, me forçant à relever la tête. Alors, nos pupilles se croisèrent et je vis tant de tendresses dans les siennes. Je me sentis soudain envahie d'un indescriptible sentiment de culpabilité. Qu'est-ce que j'avais fais ? C'est moi qui avait provoqué cela, cet amour qu'il me vouait tel un soldat à sa reine. La douleur dans laquelle le souvenir de cet idylle m'avait plongé me ravageait jusqu'à l'âme même.

« Takara, tes mains ne détruisent pas, tes mains sauvent des vies. Ne vois-tu pas que la seule personne que tu détruis, c'est toi ? Malgré tout ce que j'ai fais pour te préserver, tu as toujours eu le chic pour te mettre en danger, s'amusa t-il amèrement.

- Ryota, je te remercie sincèrement d'avoir essayé de m'aider pendant tout ce temps mais je ne suis plus celle que tu as connu. Tu n'as plus besoin de faire tous ces efforts désormais. »

Je montais ma paume au niveau de la sienne dans l'espoir d'écarter ses mains de mon visage. Sa chaleur qui rougissait mes joues me rendait si mal à l'aise. Et par dessus tout, je ne voulais pas lui donner de faux-espoirs. Personne n'avait le droit de jouer avec les sentiments d'un autre. J'étais cruelle, tellement cruelle. À cette pensée, une boule de sanglots se forma dans ma gorge.

" Takara, je n'ai jamais cessé de t'aimer, relança t-il d'un ton plaintif.

- Tu ne comprends pas, fis-je avec compassion. Tu as peut-être ramené ma mémoire, mais pas mes sentiments."

J'ai retiré ses mains chaleureuses de mon visage, brisant notre contact subitement. Il se tint droit, immobile, silencieux. Je crois que j'entendis en moi résonner sa douleur. Mais que pouvais-je y faire ? Il valait mieux que ça, je le savais. J'aurais désiré partir, mais mes jambes ne réagissaient pas. Pouvais-je encore fuir comme j'avais fuis Sotan ? Néanmoins, je devais être claire, être concise. Au fond, peut-être que je voulais me débarrasser de cette tâche et ainsi...m'échapper. Alors, et malgré toute la peine que j'enfouissais en moi, je lâchais faiblement :

" Je ne suis plus... celle que tu as aimé.

- Je sais ça ! "

Il hurla soudain, me faisant sursauter. Mais ce qui me fendit le cœur, ce fut les larmes à ses yeux quand il dévoila son visage meurtri. Et je vis la désolation que j'avais semé, inerte. Puis, sans crier garde, Ryota m'attira à lui, me serra fort. Le geste me toucha. Sans voix, telle une coquille vide, j'ignorais quoi faire. Et tandis que je montais mes bras pour le consoler, j'entendis soudain un bruit de choc surmonté d'un son de frottement. On aurait dit... une personne qui s'enfuit.

M'arrachant à son étreinte, je fis volte-face dans la direction d'où l'écho m'était parvenu. Je lui demandais ensuite s'il avait entendu tout en courant vers la cage d'escalier. Là-bas, en bas des marches, je devinais une ombre qui montait vers le toit. L'anxiété me gagna aussitôt, un espion de Bloody Light ? Je n'arriverai jamais à le rattraper.

RavenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant