Chapitre 24 : Kouko

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« Comment...passé ? Beaucoup...sang...nettoyé...Ma faute...Pourquoi...impliqué...fille...? Compliqué...»

Des bribes de conversations pénétraient mon esprit et se réitéraient. Ces mots vides de sens me donnaient mal à la tête. J'étais incapable de les déchiffrer et j'ignorais pourquoi. Mes yeux taris me brûlaient, mon dos et ma main m'envoyaient des décharges insoutenables, je n'arrivais plus à ressentir mes jambes. Je me sentais inconfortable pourtant, une douce chaleur enveloppait mon corps affaibli.

Soudain, je me retrouvais de nouveau sur le Rainbow Bridge, tenant le poignet de ma mère, haletante. Je me réécoutais crier, implorant qu'elle me réponde. Je revivais cette scène, celle où mon impuissance aurait pu causer sa perte. Étrangement, j'eus l'impression de m'éloigner et de n'être qu'une simple spectatrice. Autour de moi, le monde n'avait plus de couleurs. Toutes les teintes étaient devenues fades et seules les plaintes désespérées de Takara résonnaient aux alentours. Oui, je me souvenais avoir eu cette sensation, celle que mon environnement se mourait, que tout autour de moi s'éteignait.

Comme si mon âme survolait les lieux, je contemplais la baie en dessous du pont. Mais l'eau était d'un rouge carmin et des vagues déchaînées s'écrasaient sur la structure de fer. Puis, quand la main de ma mère commença à glisser de celle de Takara, l'esprit que j'étais voulu aider cette fille. Je pouvais entendre de furieux battements frapper sa cage thoracique, comme une hache qu'on abattrait sur sa poitrine. Je pouvais entendre ses pensées, ses prières, les douleurs qui l'assaillaient. Cependant, je semblais invisible et mon soutien ne l'aidait en rien. C'était comme si... je n'existais pas.

Je ne voulais pas revivre ça.

C'est alors que Takara perdit sa prise et tandis que nous étions toutes deux pétrifiées d'effroi, je ne pus que regarder le corps de ma mère frapper l'écume avant qu'elle ne soit engloutit sous les vagues meurtrières.

« Non ! »

Mes paupières s'ouvrirent brusquement dans un souffle atrophié. Seulement alors, je réalisais que ces images n'avait été qu'un rêve et mon rythme cardiaque se calma instantanément. Cependant, j'étais allongée sur le ventre et sur des édredons bien plus douillet que les miens. Je portais mes mains à hauteur de mon visage. Celle que j'avais cassé était particulièrement bien bandée, m'empêchant de la mobiliser à ma guise. En tournant un peu la tête, je découvris une pièce exiguë, toute de bois meublée et où régnait une faible lumière ainsi qu'une odeur d'encens, donnant à tout cet ensemble une ambiance tamisée apaisante. Dehors, je pouvais entendre quelques piaillements d'oiseaux et le souffle d'une brise. Cela m'avait tout l'air d'être une maison de campagne. Est-ce que j'étais... chez le Corbeau ?

« Charmant n'est-ce pas ?

Je sursautais à l'intervention de cette douce voix féminine. À ma gauche, je la trouvais, agenouillée au chevet du lit dans un sourire réconfortant. Il s'agissait d'une jeune femme aux cheveux ébènes, plus longs et brillants que l'avaient jamais été les miens. Elle avait le teint clair et les yeux noirs, ses mains étaient dissimulées dans les larges manches d'un kimono blanc aux coutures rouges. Elle paraissait frêle, fragile, et pourtant, il y avait dans sa voix, dans ses pupilles une grande prestance, quelque chose d'intimidant qui imposait le respect. Derrière elle, je remarquais des portes en papier de riz. Ses lèvres s'entrouvrirent pour prendre la parole mais je fus plus rapide :

- Où est Raven ? déclarais-je froidement. »

Elle esquissa un timide sourire, comme surprise de mes paroles. J'écarquillais les paupières, dépaysée. Mais qui était donc cette jeune femme à la beauté particulièrement utopique qui me parlait comme si nous nous connaissions depuis longtemps ?

RavenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant