Chapitre 19 : Souffrance

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Ma tête bourdonnait incessamment, me lançait par moment violemment tel l'écho d'une plainte désespérée, succombant. Des points de couleurs dansaient devant mes yeux, habitaient mon malicieux néant. Plusieurs fois, je tentais de comprendre leur signification mais j'étais comme vidée, privée d'énergie. Je n'arrivais pas à réfléchir au-delà de deux secondes.

Je sentis brusquement naître des fourmillements désagréables dans mes pieds puis de nouveau, cette brûlure dévorante à la poitrine qui me lancinait sans raison. Il me sembla que je hurlais mais je ne pus guère témoigner du son de mon cri, le seul qui le put fut sans doute ce silence mortuaire m'étouffant. Brisant ce dernier, une phrase se réitérait en mon esprit :

« Réveille-toi, disait la voix avec insistance, réveille-toi.

Mon cœur bondit dans un sursaut et je m'éveillais soudain, le front en sueur.

- Réveille-toi, mon poussin ! »

Alors seulement, une forme vague se délimita dans mon champ de vision encore flou. Petit à petit, un visage s'ajusta au-dessus du mien. Des traits doux qui pourtant, se voyaient froisser d'inquiétude et un sourire rayonnant. Bien que j'étais encore faible, je lui rendis sa bienveillance d'un timide sourire, battant des cils. Bientôt, ma mère porta sa main à mon front et témoignant de sa température, la retira rapidement. Je fis la grimace. Ma tête me paraissait brûlante et mes membres lourds s'enfonçaient dans le matelas. Je dus fournir des efforts impressionnants pour décrypter les paroles prochaines de ma mère :

« Je crois que tu es bonne pour un régime maison aujourd'hui, s'enquit-elle en me bordant délicatement.

- M'man, gémis-je faiblement. Il est quelle heure ?

- Te préoccupes pas de ça. (Elle soupira.) Je suis embêtée moi, je suis censée être au bureau dans une heure.

- T'en fais pas. Je saurai...me débrouiller.

- Tu dirais pas ça si tu voyais ta tête, ironisa t-elle en ouvrant la fenêtre. »

Un brin de vent glacé caressa mon visage et me fit frissonner. Craintive d'une autre bourrasque, j'enfouis ma tête sous la couette et n'en ressortis que mes yeux embrumés qui scrutaient ma mère farouchement. Elle ouvrit lentement les volets, me laissant admirer une magnifique aube à l'horizon, derrière les toits. J'en déduisis par conséquent qu'il devait être relativement tôt, quelque chose comme six heures du matin. Lorsqu'elle referma, elle jeta un coup d'œil à sa montre – plus par habitude que par stress – avant de m'adresser un regard compatissant. Sa décision était donc prise. Je n'étais bien sûr pas sotte au point d'imaginer qu'elle puisse céder une journée à sa fille.

« Il y a des pâtes dans le frigo pour ce midi et n'hésite à prendre un médicament si la douleur persiste. Je serai vite de retour mon poussin, assura t-elle en déposant un doux baiser sur mon front. Reste bien au chaud surtout ! »

Elle baragouina une ultime indication puis attrapa son sac à main brun. Je la suivis du regard jusqu'à ce qu'elle dépasse le seuil de la porte. Pas que je m'attendais à un dernier regard, mais je fus déçue de son comportement. Enfin, je suppose que j'étais mal placée pour parler de comportement. Moi qui dissimulais des vérités à tout le monde, ça commençait d'ailleurs à être pesant. Cependant, je m'étais promis de ne pas flancher. Je devais tenir bon vaille que vaille.

Quand j'entendis le claquement sourd de la porte d'entrée, je compris qu'elle avait quitté les lieux. Je trouvais donc le courage de me redresser et maintins un instant mon crâne brûlant. Malgré une sorte de tournis, je penchais la tête jusqu'à apercevoir l'heure de mon réveil.

« Cinq heures quarante. »

**********

« Je passe ce soir t'inquiète pas, renchérit Kana derrière le combiné. Tu as mangé quelque chose au moins ?

RavenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant