Chapitre 21 : Exécution.

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Le lendemain, au crépuscule, nous dévorâmes notre modeste repas, constitué principalement de lapin :

- Écoutez, commençais-je, suçant mon os, le mieux que l'on puisse faire c’est de retourner là-bas, attendre devant la taverne et interroger cet ivrogne de Thibaut.

- Et s’il ne sait rien !? Remarqua Marcus jetant une carcasse décharné.

- Ils se connaissent depuis l'enfance, précisais-je, buvant une lampée de ma gourde. Il doit au moins savoir s’il à une cachette non loin d'ici ?

- Très bien, conclut mon père déterminé, nous le forcerons à parler, coûte que coûte.

Notre festin terminé, nous gagnâmes la taverne. Je me postai en face de la porte, attendant que le poivrot sorte tandis que mes acolytes patientaientt dans la rue attenante. 
Quelques heures plus tard, alors que mes jambes s'ankylosaient, il sortit, titubant à cause de la boisson :

- A demain… Patron, mets la note de côté.
Je me glissai dans l’obscurité de l'impasse pour que nous puissions le suivre jusqu’à chez lui. Dès qu’il eut ouvert la porte, mon père lui tomba dessus, suivi d’Arthur, Marcus et moi en dernier pour barricader l’accès.
Mon père le souleva par le menton et lui hurla :

- OÙ EST TON COMPLICE ?

- Je ne sais pas, répondit l'homme tremblant de frayeur.

- Crois moi, tu vas parler, continua Marcus d'un ton sinistre.

- Qu’est-ce qu’on pourrait bien lui couper ? Demanda Arthur en sortant une dague, pas très sûr de sa démarche.

- Rien… ne me coupez rien, je vous en prie, supplia Thibaut sentant son heure arrivée.

- Alors tu vas me dire où est l'homme que tu as recommandé au roi Ralph, ne me mens pas, tu en as parlé il y a deux nuits dans la taverne, m'exclamais-je en agrippant Gugnir.

- Mais oui, je te reconnais, je savais bien que tu épiais nos conversations, tu mérites…

- Je mérite quoi ? Demandais-je voyant mon père resserrer la pression sur sa mâchoire.

- Lâchez-moi, pitié, je vais parler, lança l'homme apeuré.

Mon père desserra sa main, le posa au sol et dans un acte désespéré, il essaya de prendre la tangente, mon bâton à la main, je le frappai très fort sur le genou il émit un bruit sec, qui me tira une grimace.

- Haaaaaaaa !!! Hurla de douleur Thibaut, se tenant le genoux.

À cet instant, je savais ce que je venais de faire, mille questions tournèrent dans ma tête, étais-je obligé de lui infligé de telle souffrance ? Ai-je bien fait ? Je repris mes esprits car je savais que parfois les circonstances nous contraignent à faire des choses regrettable.

- Écoute-moi bien, vaurien, dis-je en m'approchant très près de son visage. Ton ami a presque tué notre roi, je veux qu’il paie pour son acte.

- Vous le trouverez dans la forêt, à quelques lieues, cherchez une cabane dans l’épicentre. Vous le dénicherez là-bas, dit-il en serrant les dents.

Sans un mot, nous le laissâmes dans son état et partîmes au lieu indiqué. Nous arrivâmes à la petite maisonnette pour l'encercler. Trop tard, il cherchait déjà à s'enfuir. Arthur et moi le prîmes en chasse. Je le sentais plus effrayé que la veille, ses jambes donnaient l'impression de trembler à chaque foulée. Arthur me devançait de quelques enjambées, il prépara une dague, qu’il sortit de sa sacoche, il s’arrêta net et la lança de toutes forces. Elle vint se planter dans le mollet droit du fuyard. Il s'affala sur les feuilles mortes qui jonchaient la terre, se tenant la jambe qui dégoulinait de sa substance rouge pourpre.

Nous le relevâmes, fîmes un garrot avec des branches pour arrêter l’hémorragie. Marcus et mon père arrivèrent après pour le ligoter avec la ceinture de mon mentor.

- Maintenant, tu es bon pour retourner voir une vielle connaissance, annonça Marcus de son sourire démoniaque.

- Pitié… Je vous en supplie, ne faites pas ça, clama l'assassin.

- Pitié ? Criai-je hors de moi. Pitié ? Tu en as eu toi, de la pitié quand tu as lâchement poignardé notre roi ?

Sur ces mots nous l’emmenâmes avec nous. Nous prîmes un léger retard sur le retour, car il fallut souvent le trainer. Mais nous arrivâmes tout de même à bon port, satisfaits d’être enfin chez nous.
Nous prîmes directement la direction du château pour l'emmener voir le roi et attendre ses ordres.

- Mes amis, s’écria-t-il euphorique, quelle surprise m'amenez vous là, est-ce bien lui ?

- Pour sûr Hector, affirma mon père en jetant notre prisonnier à ses pieds. Le voilà, le chien galeux.

- Hé bien mon gars, tu n'imagines pas à quel point je suis heureux de te revoir, s’écria le roi en approchant sa tête de la sienne. Emmenez-le au cachot. Ensuite, prenez votre après midi, profitez-en, vous l'avez amplement mérité. Mais demain, dit-il en baissant sa voix, vous me le cuisinerez. Venez dès l'aube.

- A vos ordre mon roi, conclut mon père.

Nous le saluâmes tous, et emmenâmes notre « ami » vers sa nouvelle demeure en attendant le lendemain.
Nous nous quittâmes tous dans une poignée de main fraternelle, fiers du travail accompli.
P'pa et moi sommes rentrés et je fis un rapport détaillé à ma mère car j’étais allègre de lui raconter notre épopée.  

- Hé bien mon fils, je souhaite que tu ne me racontes pas tout à chacune de tes aventures car je pourrais bien mourir avant l'heure, dit-elle en me servant mon assiette.

Puis la soirée passa gentiment, maman nous racontait les nouvelles au village pendant que mon père lui parlait d'autres choses.
Le jour suivant, je me levai avant mon père, préparai le petit déjeuner pour tout le monde, ce qui surpris beaucoup ma mère soit dit en passant. Peu après le lever du soleil nous prîmes la route du château, une longue journée nous attendait.

- Je suis content de vous voir tous les deux, annonça Hector quand il nous vis arriver. Aujourd’hui vous allez me le torturer cet animal, chuchota-t-il la main de côté, je veux qu’il parle.

- Nous allons en faire notre affaire Hector, ne vous inquiétez pas pour ça, rassura mon père le ton malicieux.

Nous descendîmes jusqu’à la geôle de notre prisonnier, l'emmenâmes dans une pièce où juste une table de bois y résidait entouré de quelques petits tabourets.

Mon père l'assit sur l'un d'eux de force et nous prîmes place en face.

- Parle moi mon ami. Qui ta envoyé faire cette besogne ? Demanda mon père d'une voix faussement amicale.

L'homme répondit par un crachat lancé sur son front. Je le voyais se décomposer en essuyant le glaire de sa main ganté. Il se leva, fit le tour de la table pour se poster à côté de notre gredin et il lui asséna un revers du droit dans le menton si puissant qu’il tomba, emportant le tabouret avec lui. Mon père le releva et le rassit avant de regagner sa place.
- TU PARLERAS, hurla-t-il en martelant la table de son poing.

Le geste le fit sursauter. Je m'approchai de mon père pour lui glisser à l'oreille :

- Je peux te parler deux minutes ?

Nous sortîmes un instant et je pris la parole :

- P'pa, sommes-nous obligé de le torturer de la sorte ? Demandais-je mal à l'aise.

- Écoute moi bien fiston, dit-il en me regardant droit dans les yeux, dans la vie, tu devras faire face à des choix. Un jour viendra, tu devras tuer, que ce soit pour protéger ta vie ou les gens que tu chéries. Ne pas aimer cela, c’est garder son côté humain et c’est très important. Sache que ce n'est pas anodin si mon surnom est le Loup Sanguinaire, ce n'est pas pour autant que je prends plaisir à ôter la vie. Retiens bien ces paroles, car le moment venu tu devras accomplir ta destinée.

- Bien p'pa, alors retournons-y, répondis-je en montrant une façade déterminé.

Nous rentrâmes de nouveau et continuâmes avec notre ami :

- Alors, t'es tu décidé à parler ? Demanda mon père presque gentiment.

- Pourquoi parlerais-je ? Et surtout de quoi ? Se gaussa-t-il de nous.

Le roi vint nous voir, il entra dans la pièce et vit mon père le prendre par le col de sa guenille et lui coller quelques baffes. Au fur et à mesure sa tête faisait des demi tours et ses joues rougirent de douleur.

- Nichols, dis le roi d'une voix grave, coupe lui un doigt.

- Hein ? Fis-je abasourdi par sa demande.

- Ne pense pas à l'homme qui est devant toi, mais à l'assassin qui a voulu occire ton roi.

- Bien Hector, répondis-je la mine décomposée.

Je pris son doigt, sortis Ridill, ma main tremblait comme une feuille, je me sentais nauséeux. Je devais de le faire, il le fallait. Je pris une profonde inspiration, d'un coup sec le doigt jailli de sa main et un geyser de sang en sortit. Il hurla de douleur, je n’étais pas bien, pas à cause du sang mais parce que je venais de faire souffrir un homme. La sueur coula sur mon front, j'avais chaud et je repris mes esprits lorsque mon père vint me rassurer.

- C’est normal mon fils, j’ai eu exactement la même réaction que toi la première fois que j’ai dû torturer un homme. Avec le temps tu t'y feras, mais n'y prends pas goût, comme je te l'ai dit, détester de le faire, c’est garder son humanité intact.

Je buvais les paroles de mon père, il avait raison, je devais m'endurcir. Bientôt la guerre serait à notre porte, je devais donc me préparer à me battre sur tous les fronts. Mon père déchira un morceau de chemise du souffrant pour lui bander la main.

- Je te conseille de te mettre à table avant que je te coupe autre chose mon petit bonhomme, menaça mon père le regard dur.

- J'y suis déjà à table, se moqua-t-il en essayant de tempérer la douleur.

- Qui t'a engagé, cria mon père en collant un autre revers, pourquoi ?

La porte émit un grincement sourd en s'ouvrant et Marcus entra suivis d’Arthur.

- Gauvin, a-t-il parlé ? Le roi à convié tout le peuple pour la mise a mort, annonça mon mentor en chuchotant.

- Tu n'as pas l'air bien mon ami, me demanda Arthur.

- J’ai… j’ai du couper son doigt, dis-je le teint blafard.

- Diantre, je comprends ton sentiment, j’espère ne pas y avoir recours un jour car moi non plus je n'aime pas la torture et je n'ai encore jamais tué.

- Mon père m'a expliqué qu’un jour, nous devrons y faire face et que le plus tôt sera le mieux pour y être préparé.

- Il n'a pas tort, nous seront amenés à devenir de grands guerriers et…

- Le tout c’est de ne pas y prendre goût, dis-je comme hypnotisé.

- Nichols, me secoua mon ami, ne t'en fais pas, ça va aller. Tout homme qui connait la guerre est passé par là, même ton père, pourtant tu le connais mieux que quiconque.

- Trêve de bavardage, cria Marcus.

Il prit l’épaule du prisonnier, forma une boule de feu qu’il approcha de son visage. La chaleur intense commençait doucement à brûler la peau de ses pommettes et il se mit à crier :

- Stop, je vous en supplie arrêtez, je vais parler.

- Et bien tu vois, souris Marcus, ce n’était pas si difficile.

- Le roi… dit-il en reprenant sa respiration. Le roi Ralph m'a engagé, il voulait tuer sire Hector avant de déclencher la guerre pour que vous soyez sans souverain.

- Vous voyez, je sentais que j'avais raison dis-je en regardant mes amis tour à tour.

Mon père le chargea sur son épaule comme un sac de viande et nous remontâmes pour le conduire sur le lieu de l’exécution.
L’hôtel avait déjà été installé, le peule formait une masse et le roi prit la parole :

- Peuple de Firse, cet homme à tenté de m'assassiner d’une lame enduite d'un poison rare, dit-il en le montrant de son gros doigt. Aujourd’hui, il sera mis à mort devant vous par décapitation.

Il m'invita à approcher, je sentis le coup venir :

- Nichols, je veux que ce soit toi, me chuchota-t-il dans le creux de l’oreille.

Ce n'est pas possible, pas moi, je retint un hoquet, mes jambes eurent du mal à me soutenir et je répondis d'une voix tremblante.

- Non Hector, je vous en prie, je ne peux pas faire ça.

- Écoute fiston, tu dois le faire, il faut que tu t'endurcisses. Tu n'as point le choix, la guerre approche et tu devras être prêt, ceci est ta première épreuve, imagine ton père quand il dû le faire à son meilleur ami.

- D'accord, fis-je à contrecœur.

- Mes amis, annonça le roi, voici Nichols, fils de Gauvin. Dans deux jours, aura lieu la cérémonie de confirmation pour devenir mon Atout, vous y êtes tous conviés bien entendu car ce sera un grand jour pour nous tous.

La foule hurlait d'une joie sauvage. Je me plaçai à la droite de l'homme agenouillé, tournant le dos à la foule, qui scandait «  A MORT !! A MORT !! », pour que personne ne voit la larme qui roulait sur ma joue et agrippai Alastor. Je la brandis au-dessus de ma tête, mes jambes furent pendant un instant du coton, mes bras était mou, j’eus du mal à regagner mes esprits. Une fois sûr de moi, au bout de quelques minutes, j'abattis ma lame, net, sur sa nuque et la tête tomba dans un petit panier, le corps sans vie, s'avachit sur le bois de l’hôtel, se vidant de son sang. J'avais éteint, pour la première fois de ma vie, le dernier souffle d'un homme...

Le Maître Des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant