M'obliger à prendre le train avec un décolleté pareil ! J'aurais dû lui coller mon poing dans la figure. Cet idiot s'était endormi, me laissant venir par mes propres moyens. Je lui en voulais beaucoup, plus pour ne pas avoir répondu à mes appels que pour mon périple dans le train. Je m'étais imaginé toutes sortes de scénarios. Accidents de voiture, incendie, enlèvement, tout y était passé. Kevin, lui, avait gardé son sang-froid du début à la fin. Par contre, Julie avait très vite quitté le champ de bataille, « trop envie de s'éclater pour poireauter devant la boite ! ». Quand Gabriel avait pointé le bout de son nez, avec une entrée des plus sobres, tout ce que j'avais emmagasiné avait jailli d'un seul coup. Je n'avais pas prémédité le coup de tête. Voir son visage souriant si près de moi, comme si de rien n'était... La tentation avait été trop forte.
À l'intérieur, la tension redescendit peu à peu. Gabriel nous offrit les verres, même s'il avait respecté le délai imposé par Kevin.
— Pour me faire pardonner...
— Trop aimable.
— Oooh sérieux Rose, tu m'en veux encore ? Je t'ai dit que j'étais désolé ! Au fait, t'es super sexy avec ce haut. Je suis sûr que tous les mecs se sont retournés sur ton chemin.
— Je ne te le fais pas dire ! J'ai flippé tout le long !
— Haha ! Ça ne m'étonne même pas. Moi, j'ai le droit de mater, j'espère ?
— On a changé de bord ?
— Non, mais c'est tellement drôle de la faire rougir.
— Ne te laisse pas faire Rose. Toi, arrête de l'embêter ! Invite-la à danser plutôt.
Kevin était vraiment génial. Beau, gentil, galant... L'homme parfait. Laura et lui s'étaient tout de suite entendus. Elle méritait quelqu'un de bien. Il fallait que j'embarque Gabriel pour les laisser seuls.
— Oui ! J'ai envie de danser, en plus. Allez, ramène-toi !
J'attrapai Gabriel par le bras, l'obligeant à poser son cocktail. Piste de danse, nous voilà ! La musique électro faisait vibrer les enceintes, des projecteurs virevoltaient dans tous le sens, les gens se défoulaient sur la piste. Je n'étais pas habituée à ce genre d'endroit bondé. La dernière fois, il n'y avait pas autant de monde. L'air commençait à me manquer. Je me stoppai au milieu de la foule et me tournai vers mon cavalier avant qu'il ne me rentre dedans.
— Rose, est-ce que ça va ?
— Je... Je ne sais pas... Y'a beaucoup de gens...
— Ne t'inquiète pas, je suis là. Oublie les autres et focalise-toi sur moi, tu verras, ça ira mieux. Je ne laisserai pas les méchants garçons s'approcher. Ce soir, tu es à moi.
Il croisa ses doigts entre les miens puis me fit basculer, de sorte que je me retrouvai le dos collé contre son torse. Il se pencha jusqu'à mon oreille, ses lèvres me frôlant de près. Je sentais son souffle chaud dans mon cou.
— Ferme les yeux et laisse-toi guider...
Je m'exécutai sur-le-champ. Doucement, Gabriel se mit à bouger en rythme. Je me laissai aller entre ses bras, sa tête lovée contre mon cou. Le moment était parfait. Plongée dans le noir, toutes mes sensations se voyaient décuplées. La chaleur montait petit à petit, s'insinuait entre nos deux corps. La panique s'était envolée. Le monde disparaissait autour de nous, il ne restait plus que lui et moi, seuls sur la piste. Nos battements de cœurs et nos souffles se mêlaient à la musique. Pour rien au monde, je n'aurais voulu que ce moment ne s'arrête. Je priais pour qu'il dure encore. Toujours. À jamais.
Au cours de ma vie, je n'avais eu que très peu d'amis masculins. On pouvait les compter sur les doigts d'une main. Avec aucun d'entre eux, je n'avais noué une telle relation, presque fusionnelle. Il me protégeait des autres ainsi que de moi-même, m'obligeait à me confier, me faisait découvrir le monde réel des adultes, me redonnait confiance en moi, en les hommes. Et surtout en la vie.
Les uns après les autres, mes amis avaient trouvé leur moitié puis avaient fini par concrétiser leur amour. Sauf moi. Dans le monde d'aujourd'hui, le sexe est omniprésent. Les publicités, les films, les séries, les livres... Tout ne faisait que me rappeler ma solitude et mon abstinence forcée. Jour après jour, dans le miroir, mon reflet me dégoutait. Au quotidien, j'évitais scrupuleusement de croiser cette image de moi. Dans les magasins, chez le coiffeur, dans les toilettes... Le monde s'effondrait tout autour. Ce dont j'avais rêvé, mes espoirs, rien ne se produisait. J'avais attendu, encore et encore, j'avais espéré un miracle. En vain. Heureusement, malgré toutes mes souffrances intérieures, mes parents étaient là. J'avais toujours fait en sorte qu'ils ne remarquent rien. Lorsque nous étions tous ensemble, j'agissais aussi normalement que possible, comme une femme heureuse et épanouie. Vous n'imaginez même pas à quel point c'est difficile.
Gabriel me lâcha gentiment une main pour me faire pivoter. Toujours les yeux fermés, je me trouvai face à lui. Dans beaucoup de livres, on pouvait lire ce genre de choses : « je sentais son regard me parcourir de haut en bas ». J'aimerais savoir comment ! Je sursautai lorsqu'il me prit par la hanche. Il me rapprocha de lui et guida mes mains vers sa nuque. La musique était devenue plus sensuelle. Ses doigts caressaient le creux de mes reins. Je passai une jambe entre les siennes, comme j'avais pu le voir lors de certaines danses. Gabriel rit à mon oreille. Waouh... J'évitai de justesse la crise cardiaque. Il me le paierait un jour. Nous dansâmes ainsi enlacés pendant de longues minutes, les musiques s'enchainant, la température montant à chaque piste. Je ne pus m'empêcher de rouvrir les yeux pour l'admirer. Beau à se damner. J'avais tellement envie de l'embrasser... Ses lèvres appelaient au péché.
Gabriel remarqua mon regard sur sa bouche. Évidemment, il se lécha les lèvres en me fixant. Le salaud, il savait ô combien j'étais faible. Sans aucune retenue, je me jetai sur elles. Nos langues valsèrent, pleines de désir l'une pour l'autre. Non... Qu'est-ce que je faisais, bon sang... Je le repoussai de toutes mes forces. Le charme se rompit net.
— Je... Excuse-moi... Je n'aurais pas dû faire ça...
— Rose, ce n'est pas grave... C'est ma faute, je t'ai provoquée. S'il te plait, on oublie et on reprend depuis le début.
— On oublie ? Comment veux-tu oublier ? On n'est plus en train de jouer là ! Laisse tomber...
— Rose, attends !
Il fallait que je sorte d'ici. Gabriel ne devait pas me rattraper. J'esquivai les bras des autres danseurs, me faufilai entre les corps pour enfin atteindre la sortie. Par chance, un taxi déposait un client à quelques mètres. Je courus jusqu'à lui en hurlant.
— Attendez ! S'il vous plait !
L'homme descendant du taxi me vit et prévint le chauffeur. Je l'aurais pris dans mes bras si je n'avais pas été aussi pressée. J'arrivai à leur hauteur, complètement essoufflée.
— Oh... Euh merci. Je dois y aller, désolée !
Je m'engouffrai vite dans le taxi. Le pauvre. Même moi, je me trouvais horrible. Il partit au bout d'une poignée de secondes. J'indiquai au chauffeur mon adresse, lorsque je pris conscience qu'il me manquait une chaussure.
— S'il vous plait, vous pouvez attendre deux secondes ?
— Comme vous voulez. Après tout, c'est vous qui étiez pressée y'a deux minutes.
Merci de me le rappeler... J'entrouvris la portière et observai le trottoir avec attention. Aucune chaussure à l'horizon. Tant pis, j'avais d'autres paires. Au moment de refermer, mes yeux se posèrent sur une sandale noir et or. Ma chaussure ! Elle était juste sous mon nez. Quelle idiote... Je la ramassai quand Gabriel sortit en trombe de la boite. Il se figea sur le trottoir. Ses lèvres bougeaient mais je ne comprenais pas. N... Pa... Pa...
— Ne pars pas !
Il dit ces mots avec une telle force que tout le monde se retourna. Je sentais les larmes monter. J'articulai quatre mots, fermai la portière et partis.
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Je préfère les poils - Et si je me laissais pousser la moustache ?
Humor!! Pour public averti !! !! Relations homme/femme et homme/homme !! Rose n'a aucune expérience en matière de sexe et cela commence à lui peser de plus en plus... C'est pourquoi, lorsque Marc l'invite à passer le week-end chez lui, elle panique ! Ell...