Le carnet ouvert 3.

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J'ai retrouvé mon carnet.

Après une longue semaine de frayeurs, de crises de panique et de nuits blanches. Je l'ai retrouvé. (Dans les mains du plus bel homme de la Terre.)

J'ai eu peur car il était entre les mains d'un inconnu. Car j'y écris ma douleur, mes maux, et tout ce que je n'ose pas murmurer.

Et c'est seulement au bout d'une semaine que je décide de retourner dans ce café. Pétrifié par mon angoisse et ma stupidité. Mais j'avais besoin de le récupérer, ce carnet est tout ce qu'il me reste. Tous mes souvenirs y sont inscrits. Ce n'est pas un journal intime. Je n'y écris pas forcément tous les jours, je ne raconte pas ce qui s'est passé dans ma journée. C'est beaucoup plus que ça. C'est toute ma vie.

Quand la serveuse m'a donné son numéro, quelques heures avant de le rencontre, j'ai sérieusement paniqué. J'ai effleuré l'écriture sur le papier du bout des doigts et me suis demandé si j'allais pouvoir me retrouver face à cette personne sans angoisser. Je savais que c'était lui. Le garçon du café, celui qui m'avais offert le thé. Ça ne pouvait être que lui. Sinon, la serveuse me l'aurait déjà rendu. J'espérais que ce soit lui.

J'ai longtemps hésité à lui envoyer un message. Mais j'avais besoin de récupérer mon carnet. Je n'avais pas le choix, je devais le faire. Je devais prendre sur moi. Affronter mes craintes. Ce carnet contient beaucoup trop de choses. Sans lui, je ne suis plus rien. Pendant une semaine, je n'ai été que le fantôme de moi-même, je n'ai pas mis le pied en dehors de mon appartement, j'ai rarement quitté ma chambre et je n'ai presque rien avalé. J'ai bu énormément de café, pour rester éveillé et éviter de penser au fait qu'un inconnu pouvait lire mes mots.

Mais il ne l'a pas fait.

Après mes questions tout à fait idiotes, il m'a répondu qu'il voulait me rendre mon carnet. Je ne pouvais qu'accepter. Il m'était impossible de penser à une vie sans lui, sans pouvoir y coucher mes maux. Et il a ajouté que oui, parfois il se sentait hors de son corps. J'étais désolé et touché. Qu'il ait vécu cela, ça me serre le coeur rien que d'y penser encore. J'ai peut-être trouvé quelqu'un qui était au moins aussi brisé que moi.

On s'est retrouvé au café. J'ai dû me prendre quelques minutes devant pour souffler et ravaler ma panique. Et quand je l'ai rejoint à la table, mon coeur s'est arrêté de battre je crois. Pendant quelques secondes, il a cessé de remuer à l'intérieur de ma poitrine.

Ses yeux bleus.

Et son sourire.

J'étais sincèrement apaisé que ce soit lui.

Et puis je l'ai vu mon carnet. Il me l'a tendu avec un livre. Le livre que je voulais acheter. Le livre qu'adorais mon grand-père. A ce moment là, je voulais le remercier de vive voix, lui dire à quel point son geste me touche. J'ai inspiré, j'ai essayé de dire quelque chose. Mais je ne pouvais pas parler, je ne pouvais simplement pas... Je n'en avais pas le courage ou la force. Je suis pitoyable, un vrai désastre.

Alors, j'ai attrapé mon téléphone et je lui ai envoyé un message. Anxieux de voir sa réaction. Mais il n'a pas paru surpris ou décontenancé. Il m'a sourit et a monopolisé toute la parole ensuite. Mon silence ne le gênait pas. Et il était si beau, ses petits sourires, ses sourcils qui se levaient, ses mains qui partaient dans tous les sens... J'ai dû refréner l'envie de me pencher au dessus de la table pour l'embrasser.

Je crois que ça n'aurait pas été correct. À la place, je lui ai demandé de payer l'addition de nos deux thés. Au moment de se dire au revoir, dehors, j'ai eu peur. Mais pas de moi ou de lui. J'ai eu peur de le laisser partir.

Pendant une heure et demi, je me suis senti bien et à ma place à ses côtés. Il ne m'a pas posé de questions inutiles ou indiscrètes, il n'a pas cherché à savoir pourquoi je ne parlais pas, il ne m'a pas demandé ce qu'il y avait dans mon carnet. Il m'a avoué qu'il n'a rien lu et qu'il l'a gardé précieusement chez lui, en attendant un signe de moi. La conversation a tourné autour de nos goûts en matière de littérature et de musique, nous nous sommes découvert beaucoup de points en commun. À mon plus grand plaisir, il m'a avoué avoir adoré le livre que mon grand-père avait l'habitude de lire. Je n'aurais pas pu être plus comblé.

Je n'ai jamais autant souris depuis longtemps.

Avant que nos chemins ne se séparent, même si je ne voulais pas le quitter, il m'a demandé mon prénom. J'aurais très bien pu lui envoyer un message. Comme avant. Mais ça avait l'air important à ses yeux, et ça l'été aux miens aussi. Je ne pouvais pas me contenter d'écrire mon identité sur un clavier. Après tout ce qu'il a fait pour moi, il avait bien le droit à un geste de ma part.

Alors, à notre grande surprise à tous les deux, puisé dans un courage que je ne me connaissais pas, je lui ai murmuré mon prénom. Et je ne sais pas si le plus beau était l'éclat dans ses yeux ou la façon dont il m'a avoué le sien sur le même ton. Je l'ai répété, pour ne jamais l'oublier.

Et je suis rentré chez moi, le coeur léger. En serrant contre moi le carnet le livre.

J'ai passé la nuit à le dévorer et à marquer ces mots, ces souvenirs, pour lui.

J'allais le revoir. J'en étais certain.

Il le voulait, lui aussi. Je l'ai lu dans ses yeux, avant de partir, quand j'ai susurré son prénom.

Louis....

Louis. Louis.

Je devais le revoir.

Le carnet || Larry.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant