Chapitre 2

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Je cours aussi vite que mes jambes me le permettent. Je dois absolument mettre les enfants en lieu sûr. Cette seule pensée me motive à aller aussi vite que je le peux. Quand j'entre dans la maison de notre jarl Jorund, tous les regards se posent sur moi. Mes cheveux sont en bataille, mes joues rosies par le froid et je suis essoufflée comme si j'avais couru pour éviter les démons. J'arrive tout de même à expliquer ce que j'ai vu et ce qui s'est passé en évitant de mentionner Ulrik. Bien que notre jarl soit blessé, ce dernier claque ses ordres avec vigueur à son chef de guerre qui n'est jamais bien loin.

Jorund, veut prendre part aux combats mais vu l'état de sa blessure, sa mère ainsi que son épouse, le lui déconseillent et arrivent à le convaincre de se mettre à l'abri à la suite de négociations qui me semblent interminables. Mais à peine ont – elle tourné le dos que celui – ci suit son chef de guerre, sa hache à la main.

Inga, sa femme, claque elle aussi ses ordres. En cas d'attaque pendant la saison froide, les options sont peu nombreuses et simples. Mettre à l'abri ceux qui ne peuvent combattre et défendre le village, et armer les autres.

Mon rôle est simple, en tant qu'esclave de la maison du jarl, je dois m'occuper d'Eivor, la petite dernière et Ragna de Haagon. Mais cette dernière reste introuvable. N'ayant pas le temps de m'en inquiéter, je file dans la chambre des enfants alors que l'on entend au loin les premiers cris, signe que nos assaillants se rapprochent.

_ Eivor, . . . Haagon, . . . Eivor, . . . Haagon, chuchotais – je. C'est moi Aslaug, il faut partir et vite, poursuivais – je

_ Je . . . C'est bien toi . . . Aslaug, . . ., me répond une petite voix affolée.

_ Oui, dis – je rassurée, tu n'as rien à craindre, je suis là, . . . viens.

Une petite tête blonde comme les blés sort de sous le lit et se jette dans mes bras. Elle a les yeux rougis par les pleurs du à la peur. Je prends le temps de la serrer dans mes bras pour la rassurer. Je m'occupe d'elle depuis sa venue au monde. Bergthora, la mère de notre jarl, voulait une jeune esclave pour s'occuper d'elle et aider sa mère. C'est un grand honneur qui m'avait été fait. Je m'agenouille pour être à sa hauteur.

_ Eivor, où est Haagon, demandais – je calmement pour ne pas l'affoler davantage.

_ Je, . . . je ne sais pas, me répond – t – elle en reniflant.

_ Ce n'est rien, il est probablement en sécurité avec des hommes du clan. Eivor, écoute moi bien. On va devoir aller se cacher dans la forêt. Tu te rappelles de la grotte ? Elle acquiesce et je poursuis toujours aussi calmement. Une fois dehors, tu ne regardes que moi, d'accord ? Terminais – je en la regardant droit dans les yeux.

_ D'accord, murmure – t – elle faiblement.

Tout en l'habillant rapidement et chaudement, je lui explique que si nous sommes prises ou séparées, elle devra courir seule jusqu'à la grotte.

Une fois Eivor prête, je la prends par la main et sortons par la cuisine qui donne sur l'arrière de la maison. À l'extérieur, aucun doute n'est permis, nous sommes bien attaqués par un autre clan viking. Ce qui m'étonne car notre jarl est craint et respecté.

Les plus vigoureux de nos hommes et femmes ont pris les armes pour repousser cet ennemi qui semble être venu en nombre. J'ai même l'impression que le bas du village est submergé. Nous avons du mal à progresser dans le village, tantôt nous nous cachons tantôt nous rasons les murs. Ma cape est couverte de sang, ce qui témoigne de la violence des combats. J'essaie le plus possible de préserver Eivor de ces visions d'horreur dont j'aurai probablement moi – même du mal à me remettre.

Pendant un instant, j'ai l'innocence ou la bêtise de croire que nous allons y arriver car nous sommes maintenant à moins de cent mètres de la lisière de la forêt. Si nous courons assez vite, Eivor et moi serons en sécurité d'ici peu. Je resserre ma prise sur sa main et lui montre la forêt.

_ Encore un peu de courage Eivor, lui dis – je pour la réconforter.

_ J'ai peur Aslaug, me répond – t – elle tremblante.

_ Je sais Eivor, je dois t'avouer que j'ai moi – même un peu peur mais à deux nous allons y arriver, d'accord ? Je ne laisserai rien t'arriver, terminais – je en plantant mon regard dans le sien. Je pensais tous les mots que je venais de prononcer, nous pouvions y arriver.

Je me redresse, fais un dernier signe de tête d'encouragement à Eivor et m'élance en la tirant derrière moi en direction de cette forêt qui est notre salut. Nous n'avons parcouru que quelques mètres, quand je me retrouve plaquée au sol par un homme que je ne connais pas. Je relève la tête suffisamment pour voir Eivor poursuivre sa fuite vers la forêt.

_ Rattrapez la fillette, ordonne l'homme qui pèse de tout son poids sur moi sans jamais me quitter des yeux.

_ Pourquoi courir après une enfant ? Dis – je d'un ton assuré qui m'étonne moi – même.

_ Parce que je veux Eivor Gunderssen. J'ai déjà Haagon et sa mère, il me la faut, me répond – t – il simplement sur un ton froid et autoritaire.

Et là dans mon esprit tout va très vite, je dois sauver Eivor. Je dois empêcher qu'elle tombe entre leurs mains.

_ Cessez de chasser et torturer les habitants de ce village, lui répondis – je fermement en soutenant son regard.

_ Et pourquoi devrais – je t'écouter . . . esclave ? Me crache – t – il en plein visage. Comme si le mot esclave était indigne de franchir ses lèvres.

_ Esclave, riais – je, alors mon déguisement marche si bien que cela que tu ne reconnais pas la fille d'un chef de clan, crachais – je à mon tour avec une pointe de défi.

_ Comment cela, poursuit mon assaillant en me redressant en tirant vivement sur mes bras. Expliques – toi et vite, termine – t – il en me tordant le poignet.

Je serre les dents pour ne pas gémir de douleur ce qui lui ferait bien trop plaisir.

_ Qui . . . es . . . tu ? Articule – t – il en m'attirant un peu plus près de lui.

_ Je . . . suis . . . Eivor . . . Gunderssen, répondis – je sur le même ton en le défiant du regard.

Je ne sais pas pourquoi j'ai dit cela. Si en fait je le sais très bien, s'il pense que je suis Eivor, il laissera la petite tranquille. Alors si ce mensonge peut la sauver, c'est le plus important . . . et peu importe ce que me réserve l'avenir . . .

Le guerrier viking me scrute des pieds à la tête et arque un sourcil blond interrogateur.

_ J'en serai fort étonné, alors qui es – tu, ma patience a des limites que tu ne voudrais pas franchir, crois – moi, reprend – t – il agacé.

Je relève la tête et assume pleinement mon mensonge, de toute façon enlisée pour enlisée.

_ Je suis Eivor Gunderssen, fille de Jorund et Inga Gunderssen. Es – tu sourd viking ? Terminais – je moi aussi sur un ton que je voulais agacé.

_ Cela m'étonnerait fort. Mes espions m'ont assuré qu'Eivor est âgée de neuf ans ou dix tout au plus. Et en observant tes courbes, tu as bien plus de neuf ans . . . sans vouloir t'offenser, reprend – t – il avec un sourire narquois et son air sûr de lui.

_ Vos espions sont de bien mauvaise qualité, j'ai dix – neuf ans et non neuf, répondis – je aussi sûre de moi que je le pouvais. En réalité, j'en ai vingt – et – un, mais je doute que deux ans de plus ne trahissent mon mensonge.

Sans dire un mot de plus, il me lie les mains et me tire derrière lui comme une prise de guerre. Je me dis à cet instant que j'ai probablement sauvé Eivor d'une mort certaine.

_ Où m'emmenez – vous ? Demandais – je agacée car c'est ainsi qu'une fille de chef de clan réagirait.

_ Vérifier tes dires, me lance – t – il avec défi en me faisant un clin d'œil.

Je reste impassible et muette, ne sachant pas quoi dire ni faire d'autre. Peut – être aurais – je droit à une mort rapide quand il se rendra compte de mon mensonge. C'est ce que je peux espérer de mieux à cet instant.

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