Chapitre 28

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Sortant de l'entrevue avec mon père, je me rends soudain compte que je n'arriverai pas à me soustraire à mes obligations vis à vis de Sigfrid. Les murs de château m'oppressent. J'ai besoin de sortir, de respirer. Je me mets à courir au milieu des couloirs pour sortir le plus vite possible.

Instinctivement, je me dirige vers la forêt verdoyante. Elle avait été mon terrain de jeu enfant mais aussi l'endroit où je me réfugiais pour retrouver mon calme, m'isoler et réfléchir. J'avance à couvert, quand j'entends des pas sur le côté. Au son, elles sont deux et se dirigent vers la rivière.

Je reste le souffle coupé quand je découvre Eivor, elle suit Aurora. Ainsi ma mère avait tenu parole. Elle avait amené Eivor à Sigfrid. Certes, elle n'est pas parfaite mais elle est douce et bienveillante envers tout le monde.

Je devrais rentrer et me préparer pour les festivités de ce soir . . . mais . . . je ne l'ai pas vue depuis deux jours et je veux être sûr qu'elle aille bien. Je resterai à distance et veillerai qu'il ne leur arrive rien de fâcheux. Une mauvaise rencontre est toujours possible en forêt.

J'avais raison, elles se dirigent vers la rivière. Aurora est une belle femme mais Eivor l'éclipse sans aucun mal sans même chercher à briller. Quand je comprends qu'elle va se baigner, je n'arrive à détourner le regard. Elle se déshabille pour se baigner dans le cour d'eau glacé, et je ne peux détacher mon regard de son corps. Je déglutis difficilement quand je vois sa chemise glisser le long de ses bras dénudant ses épaules puis ses seins. Ses seins ronds, lourds, parfaits avec une peau d'un blanc laiteux.

Je détourne le regard au risque de ne pas être capable de me contrôler. Je rentre au château à pas vifs, repensant à toutes les nuits où je l'avais tenue entre mes bras. À toutes les nuits où mes mains avaient caressé ce corps voluptueux. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits et chasser ses images tentatrices.

Alors que je rentre au pas de course pour calmer mes ardeurs insatisfaites, je m'interroge sur le fait qu'elles soient aller à la rivière plutôt qu'à la maison des bains qui leur est réservée à certains horaires. Mais il n'est plus l'heure de penser à cela, car à peine ai-je pénétré dans l'enceinte du château que ma mère me foudroie du regard.

_ Thorsten Gunderssen, pourquoi n'es-tu pas encore prêt ? Le banquet commence sous peu, me gronde-t-elle comme si j'étais encore un enfant et non le futur jarl de ce clan.

Je souris face à cela, me verra-t-elle un jour comme un adulte capable de prendre ses décisions seul.

_ J'y cours, mère, j'y cours, lui répondis-je en avançant rapidement pour me soustraire à une autre de ses remontrances.

Une fois dans mes appartements, je souffle un peu.

_ Votre bain est prêt, Monsieur, me dit Lirri, la fille de notre cuisinière une irlandaise pur souche, Adelaïde.

_ Merci, Lirri, dis-je en enlevant mes bottes.

_ Vous aurez besoin d'aide . . . pour le bain, cela va s'en dire Monsieur, minaude-t-elle.

Lirri a le même âge que moi. Sa mère était ma nourrice. Lirri n'a jamais était une jeune fille farouche. Elle et moi avons vécu de nombreuses premières fois ensembles. Et même si elle s'était mariée à dix-sept ans à un pêcheur, elle avait choisi de rester à mon service. Et il est vrai que parfois, la nostalgie aidant . . . nous revivions certains moments de notre passé. Mais l'arrivée de Eivor dans ma vie avait tout changé.

_ Non merci, ça ira Lirri, dis-je en souriant devant son peu de discrétion.

_ Comme vous le souhaitez Monsieur, termine-t-elle ayant du mal à cacher sa déception.

À peine Lirri sortie de ma chambre, je m'effondre sur mon lit et m'accorde quelques instants. Car il va me falloir voir Sigfrid et je ne sais pas quoi faire. Mon bain me permet de me détendre et quand je reviens dans la chambre ma tenue m'attend sur le lit et mon linge sale a disparu.

La musique commence à se faire entendre et je passe par les cuisines pour grignoter quelque chose et saluer Adélaïde. À peine ai-je franchi les portes des cuisines que je vois cette petite rousse régenter toute la cuisine.

_ Adélaïde, tonnais-je faisant sursauter tout le personnel sauf la principale intéressée qui se retourne vers moi les mains sur les hanches.

_ Thorsten Thorgeirson Gunderssen sort immédiatement de ma cuisine. Tu mangeras avec les autres quand le banquet sera servi, me répond-t-elle le plus sérieusement du monde ayant démasqué mes intentions.

_ J'ai faim cuisinière, dis-je en tapant du poing sur la table au bord du fou rire. D'ailleurs elle aussi a du mal à se retenir de rire.

_ Allez au travail vous autres ! Ne restez pas là à lambiner, dit-elle au personnel de cuisine. Les invités commencent à arriver et je ne vois rien sur les plateaux qui doivent partir en salle. Puis elle se retourne vers moi, dans mes bras fiston.

Je ne me fais pas prier et enlace ce petit bout de femme tonique.

_ Je suis contente que tu sois rentrée fiston. Tu nous as flanqué une sacré frousse en ne rentrant pas, dit-elle en essuyant une larme qui perlait au coin de ses yeux.

_ Je suis là maintenant, dis-je en lui souriant et en la serrant un peu plus.

_ C'est bien que tu sois rentré, commence-t-elle en reniflant sous le coup de l'émotion. Alors qui nous as-tu ramené des contrées du Nord, me demande-t-elle pour changer de sujet et éviter de verser une larme.

_ Comment sais-tu que j'ai ramené quelqu'un, lui demandais-je curieux.

_ Je te rappelle que j'ai été ta nourrice, je te connais et puis . . . tout le château ne parle que d'elle, . . . pauvre enfant, termine-t-elle en baissant les yeux et en s'activant sur son plat.

_ Pourquoi dis-tu cela ? Elle va mal ? M'inquiétais-je plus que de raison.

_ Ta très chère mère l'a malmenée dans la cour avant de la mettre au service de ta peste de future femme, termine-t-elle presque fâchée.

Bien qu'un peu énervé par ses propos au sujet de ma mère et ma fiancée, je ne me fâche pourtant pas. Elle est la seule dont je tolère un tel franc parler car elle m'a toujours été de bon conseil même si elle n'a jamais aimé ma mère. Après un court silence, elle reprend avec un petit sourire en coin.

_ Alors comme cela, tu t'inquiètes pour cette jeune . . . Eivor, . . .

Sentant qu'elle ne va pas tarder à vouloir savoir ce qu'il s'est passé et sachant que j'aurais du mal à lui cacher la vérité. Je préfère battre en retrait.

_ Je dois aller dans la grande salle de réception, les festivités ont déjà commencé et je suis un peu l'invité d'honneur, dis-je en sortant des cuisines.

_ Cette conversation est loin d'être terminée mon garçon, me lance-t-elle en souriant.

Mais je suis déjà dans le couloir qui mène à la grande salle où se déroulent les festivités en l'honneur de notre retour en vainqueur du Danemark.

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