Chapitre 8

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Une odeur forte et entêtante s'infiltre et vient chatouiller mes narines. Je finis par ouvrir les yeux pour voir d'où provient cette effluve pour le moins peu agréable. Je me redresse sur un coude et constate que cette odeur vient de moi. Mes jambes sont couvertes d'un onguent verdâtre et enroulées dans des bandes pour éviter l'infection des plaies. Puis je jette un coup d'œil rapide à la pièce de petite taille dans laquelle je suis. Vue la taille de cette chambre, le reste de la maison doit être de petite dimension, pas plus de deux pièces à mon avis.

La faible luminosité qui provient de la minuscule ouverture qui sert de fenêtre m'indique que l'aube se lève à peine. Je me redresse doucement sentant un vertige arriver . En effet, en plus de mes blessures, je n'avais rien avalé depuis de nombreuses heures.

Une fois debout, je ne rends compte que mes jambes ne me font plus souffrir. Il faudra que je demande à Dagny quelles sont les plantes qu'elle a utilisée pour fabriquer cet onguent. Je pousse doucement le battant de bois qui sert de porte, pour la trouver couchée à même le sol. Je n'ose pas la réveiller. Elle doit être exténuée par cette nuit des plus chaotiques.

Un petit feu est allumé, les peaux et fourrures sauvées des eaux du naufrage sont étendues pour sécher. Je remarque dans un coin, des armes mais n'importe lesquelles, . . . ce sont celles de Gunnar et de Thorsten. C'est idiot et je ne comprends pas ma propre réaction mais dans un sens je suis contente qu'il ait laissé ses affaires là où je suis.

Je secoue rapidement la tête pour remettre en place mes idées qui ont tendance à être saugrenues quand il s'agit de lui. J'ai soudain besoin de sortir, . . . de marcher un peu pour éclaircir mes pensées. Même si la pluie a cessé, le froid reste vif et cinglant. Mais je suis décidée à sortir donc je récupère une fourrure de petite taille que je pose sur mes épaules. Je soupire de bien être quand je sens la chaleur de la fourrure se diffuser en moi. Juste avant de sortir, j'enfile les bottes de Dagny. Elles sont un peu petites mais peu importe pour faire quelques pas cela sera suffisant.

À l'extérieur tous les signes de l'hiver sont bel et bien là. Les premiers flocons de neige tombent en tourbillonnant. Depuis mon plus jeune âge, j'ai toujours aimée regarder la neige voltiger dans les airs. J'avance doucement et observe avec attention tout ce qu'il y a autour de moi.

Le village est composé de peu de maisons, une dizaine tout au plus. C'est une toute petite communauté. Je ne vois personne en dehors de moi, signe que tous les autres sont à l'abri dans les maisons et doivent dormir. Des rires forts et gras résonnent dans mes oreilles et je me tourne vers le bruit.

Un peu à l'écart des autres maisons se trouve une construction caractéristique, la maison des bains. De la fumée s'en échappe, signe qu'il y a bien des personnes à l'intérieur. Pendant un bref instant j'hésite, car un bain chaud me réchaufferait. Je pourrai attendre qu'ils aient fini et en profiter ensuite. Mais ma raison gagne une fois de plus alors que je suis juste à côté de celle-ci.

Quand j'entends encore ses mêmes rires mais beaucoup plus clairement. Les hommes se mettent à parler et au milieu de leurs voix graves, j'entends une voix plus douce que je reconnaîtrais entre mille. Quand j'entends son rire, mes yeux se remplissent de larmes. Elle est vivante, . . . Ragna, ma meilleure amie depuis toujours est vivante. Je décide de rester un peu, en plus le rebord du toit au-dessus de la fenêtre me protège.

_ Alors belle esclave que peux-tu nous dire sur ton ancienne maîtresse, lance une voix masculine et un peu grivoise qui appartient à Gunnar.

_ Oh ! Vous êtes bien indiscret maître, lui répond-t-elle en minaudant pour éviter de répondre directement à la question posée. J'avoue que sur ce terrain-là, je peine à reconnaître mon amie d'enfance. Mais je ne dois pas la juger, elle fait ce qu'elle doit faire pour rester en vie.

_ Je te rappelle que tu es mon esclave à partir du moment où je t'ai fait quitter les terres putrides du Nord. Alors parle maintenant, ne me fait pas honte devant mon ami, qui plus est le chef de notre clan pendant cette expédition, lui ordonne-t-il sur un ton qui me fait moi-même trembler.

_ Pardonnez mon impudence maître. Mon ancienne maîtresse est quelqu'un de bon. Elle connaît de nombreuses potions et remèdes qu'elle a appris avec sa grand-mère. Elle est la . . .

_ Est-elle engagée, . . . promise à un autre clan ? La coupe Thorsten, dont il m'avait bien semblé avoir reconnu le rire.

_ Voudrais-tu la prendre pour femme mon ami ? Je te rappelle qu'il s'agit de ta cousine, lance Gunnar en riant à gorge déployée.

_ Non ! Claque sévèrement Thorsten, elle ne rivalise en rien avec la beauté de Sigfrid. Mais s'il s'avère qu'elle est courtisée ou fiancée, nous risquons d'avoir un clan supplémentaire contre nous en plus de celui de son père au printemps, termine-t-il clairement agacé par la remarque de son ami.

À l'évocation de Sigfrid, la fiancée de Thorsten, je me sens quelque peu énervée mais aussi peinée, . . . ce que je comprends pas, . . . ou plutôt je ne veux pas comprendre.

Je sursaute quand j'entends la porte s'ouvrir. Je me redresse pour faire face à la personne qui sort et soupire d'aise quand Ragna apparaît devant moi. Je mets un doigt devant ma bouche pour lui faire comprendre de ne pas faire de bruit. Puis nous tombons dans les bras l'une de l'autre. Nous sommes tellement heureuse de nous retrouver.

_ Je dois retourner au village récupérer les affaires de Gunnar chez toi pour les installer dans la maison juste à côté, me chuchote-t-elle en m'éloignant de la maison des bains.

Je la suis vers la maisonnette qui nous sert pour l'instant de refuge. Puis à quelques mètres de celle-ci, Ragna s'arrête et fait volte-face.

_ Quand nous aurons un moment, il faudra que tu m'expliques pourquoi tu te fais appeler Eivor et te fais passer pour la fille de notre jarl, me dit-elle le plus sérieusement du monde. Puis elle s'approche de moi et me dit avec un sourire taquin, à votre service maîtresse.

_ Je te raconterai tout, lui répondis-je avec un sourire franc. Puis je reprends plus sérieusement, je vais demander à ce que tu sois à mon service, terminais-je en prenant ses mains dans les miennes.

_ Non, rétorque-t-elle en secouant la tête de droite à gauche pour appuyer son propos, surtout pas. Ils parlent sans détour devant moi comme si j'étais totalement invisible, ils en oublient que je ne suis pas de leur clan, . . . puis elle reprend avec un clin d'œil, et puis Gunnar est plutôt bel homme, termine-t-elle en riant.

Sur ces paroles, nous reprenons un air convenable et rentrons dans la maison. Je reprends mon attitude de princesse pour ne pas éveiller les soupçons de Dagny. Je jette un coup d'œil sur les coffres et tonneaux qui prennent une grande place dans la maison, quand Thorsten et Gunnar franchissent la porte d'entrée.

_ Dagny, tu vas t'installer dans la plus grande maison, celle où on a mis les blessés. Sven va t'aider, annonce Thorsten avant de s'asseoir à table en grimaçant.

_ Et bien Ragna, tu n'as pas encore amené mes affaires dans mon nouveau foyer , dit-il le plus sérieusement du monde.

Je boue littéralement de le voir s'adresser ainsi à mon amie. Ma condition d'esclave ne me gène pas le moins du monde mais je ne supporte pas de ne pas pouvoir l'aider.

_ Non Ragna arrêtes, dis-je d'une voix autoritaire, ce qui a pour effet de la stopper net dans son élan. Puis je me tourne lentement vers Gunnar dont le sourire semble peu à peu se figer sous mon regard réprobateur. Non Ragna ne s'acquittera pas de cette tâche, elle est ma servante en aucun cas une bête de somme que vous pouvez utiliser à votre gré, terminais-je d'une voix froide et claire, en véritable princesse.

Gunnar semble clairement agacé de mon intervention mais son regard change quand il se pose sur elle. Puis il se retourne brusquement et sort en un instant faisant claquer la porte derrière lui avec rage. Je l'entends beugler des ordres et moins de deux secondes trois hommes apparaissent pour porter les charges lourdes.

_ Ragna va ramasser du bois et allumer le feu, claque-t-il à mon amie.

Je soupire quand elle sort et espère de tout cœur qu'il ne se vengera pas sur elle. Ce qui ne me rassure pas quand Thorsten ajoute.

_ Tu as fait fort Eivor, je l'ai rarement vu aussi énervé, termine-t-il en se redressant en crispant ses mains sur la table et en étouffant un cri de douleur . . .

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