2. La fête

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Le soir tombait à peine lorsque Maël arriva chez Nathan mais les abords de la demeure grouillaient déjà de monde. Le garçon n'avait pas cœur à la fête ou à la discussion, il s'obligea cependant à franchir l'imposant portail de fer forgé et à s'engager sur l'allée. Il devait bien cela à son meilleur ami.

Nathan appartenait à la haute noblesse. Il avait obtenu sans mal une attestation d'exemption pour son service général et Maël l'apercevait de loin, qui discutait avec ses convives en arborant le sourire de ceux à qui la vie ouvrait les bras.

Lorsque Maël gravit les marches de la villa Phoébée, il ressentit comme à l'accoutumée une sensation latente de malaise et de colère, que sa morosité n'arrangeait guère. Il avait eu toutes les peines du monde à retenir une remarque acerbe quand le voiturier lui avait jeté un regard étonné en le voyant pénétrer dans la cour à pied. L'employé s'était heureusement vite détourné pour ouvrir la portière d'une voiture électrique aux lignes racées.

Maël avait enfilé la seule veste de costume qu'il possédait sur une chemise blanche, complétées par un jean sombre. Il jurait avec les costards luxueux et les robes hors de prix qui affluaient vers la villa. Le sourire que lui adressa Nathan lorsqu'il franchit les portes valait en revanche bien plus qu'un vêtement taillé sur mesure et il sentit sa gêne se dissiper en même temps qu'un peu de sa tristesse.

Nathan se dirigea vers lui, prélevant au passage une coupe de champagne sur un plateau porté par un serveur, qu'il lui tendit.

— Je suis heureux que tu sois là !

Il s'approcha un peu plus près et lui glissa à l'oreille :

— Mes parents ont insisté pour que j'invite tout le gratin de la ville, j'en ai encore quelques-uns à saluer et puis on pourra discuter tranquilles.

Maël acquiesça avec un léger sourire.

— Tu veux que je te présente des gens ? D'ailleurs, tu as réussi à faire sauter ton service général ? Si tu veux là-bas, y a un haut-gradé de l'armée, un général, je crois. Il peut...

— Non.

— Non ? s'étonna Nathan en portant sa coupe de champagne à ses lèvres

— Non, je ne l'ai pas fait sauter et non, je ne veux pas que tu me présentes des gens, et surtout pas ton général. Je veux faire mon service.

Son ami manqua de s'étouffer. Des années d'éducation aux bonnes mœurs lui permirent de tousser avec discrétion au lieu de recracher la boisson hors de prix sur le sol en marbre.

— Sérieux ?

— Sérieux, je t'expliquerai.

Nathan ouvrit la bouche pour une objection, probablement pour lui rappeler qu'il avait toujours été fervent démocrate, qu'il avait toujours refusé, selon l'expression consacrée « d'offrir son sang pour les gloires du royaume de France », que... Maël le supplia de se taire d'un seul regard. Finalement, le jeune noble capitula.

— Bon, eh bien, je te rejoins vite alors. Le buffet est dans le salon, n'hésite pas à taper dedans en m'attendant.

— Compte sur moi ! Bon anniversaire, au passage.

Son ami lui fit un clin d'œil et retourna plonger au milieu de la foule de personnalités influentes au cœur de laquelle, malgré lui, il continuerait toujours à nager.



***


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