19. La tanière des loups

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La porte ne se rouvrit qu'en début d'après-midi.

— Monsieur Adelis, bonjour. Inspecteur Morlan, en charge de l'enquête.

Maël ne répondit pas à la voix sèche qui s'était présentée. L'Inspecteur s'assit de l'autre côté de la table où il était menotté, lui donnant l'occasion d'apercevoir des cheveux sombres lissés de gel et un visage fin et anguleux.

L'homme lui posa une série de questions précises et rapides sur son identité auxquelles il répondit sans réfléchir. Il sortit ensuite une tablette tactile d'une sacoche et l'installa devant Maël.

— Vous m'avez déjà fait perdre assez de temps, Monsieur Adelis, en me forçant à remonter votre trace. Je vais donc être direct : vous avez emprunté illégalement un téléporteur. Je veux le nom du mouvement démocratique qui vous y a aidé.

— Pardon ?

Un rictus déforma le visage de l'Inspecteur.

— Il est inutile de nier, Monsieur Adelis. Vous étiez proche des mouvements contestataires avant l'instauration de la Monarchie, il est naturel que vous ayez poursuivi dans cette voie. Vous étiez notamment en couple avec une jeune femme, qui, si elle n'avait pas disparu, serait au vue de ses antécédents une dissidente notoire.

Maël blêmit.

— Je ne comprends pas...

L'Inspecteur eut un petit rire ironique.

— C'est aussi ce que je me suis dit : que vous ne comprendrez pas. Peut-être que ceci vous éclairera.

Il manipula quelques secondes la tablette avant de la tourner à nouveau vers l'adolescent.

Maël se tendit en voyant apparaître Zoé menottée dans une pièce en tout point semblable à celle où il se trouvait. Le même Inspecteur se trouvait face à elle.

— De... quand ? bégaya-t-il.

— Six mois avant l'établissement de la Monarchie.

Il démarra la vidéo.

— Je ne vous aime pas, prononça Zoé.

Les cinq mots claquèrent dans la pièce vide avec une violence qui n'avait d'égale que le regard de Zoé, véritable trait d'obsidienne rivé sur l'Inspecteur Morlan. Un Inspecteur qui ne frémit pas, allant jusqu'à laisser poindre sur ses lèvres un léger sourire arrogant.

— Je ne vous demande pas de m'aimer, mademoiselle.

Zoé s'agita sur sa chaise dans un tintement métallique.

— Je ne vous aime pas, parce que vous êtes un opportuniste, poursuivit-elle comme si elle n'avait pas été interrompue. Vous soutenez la Nouvelle Monarchie par ambition. Par ambition, vous êtes prêt à bafouer la liberté, à enfermer, à mentir. C'est pour ça que je suis devant vous. Vous savez que je milite pour la démocratie et vous préparez des coupables, des cibles que La Nouvelle Monarchie, si elle gagne, pourra agiter plus tard lorsqu'elle se sentira menacée.

L'Inspecteur Morlan resta silencieux une poignée de secondes, tapotant la table qui les séparait. Il prit une inspiration qui fit crachoter son micro.

— Dommage que votre verve ne serve que vos délires paranoïaques, mademoiselle. Vous savez très bien pourquoi vous avez été arrêtée. Vous avez voulu occasionner des dégâts importants lors de manifestations.

— Je n'ai occasionné aucun dégât.

— Nous savons que vous évoluez dans les milieux pro-démocratie. Nous savons que vous étiez en première ligne de la manifestation.

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